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Législatives cruciales en Italie : l’extrême droite aux portes du pouvoir

Journée cruciale en Italie. Plus de 50 millions d'Italiens sont appelés aux urnes dimanche pour les élections législatives. Alors que les analystes tablaient sur une abstention supérieure à 30%, un chiffre élevé pour péninsule, les Italiens se rendaient en nombre aux urnes. Selon le ministère de l'Intérieur, l'affluence était de plus de 19% à 10H00 GMT (12 heures), en ligne avec les législatives de 2018, et de nombreuses files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote dans diverses régions du pays.

Giorgia Meloni favorite pour succéder à Mario Draghi

Sauf coup de théâtre, l'extrême droite devrait entrer en force au Parlement et être en mesure de pouvoir proposer le Premier ministre qui succédera à Mario Draghi. Et dans ce scénario, c'est Giorgia Meloni, 45 ans, la cheffe du parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FdI) qui conduirait le gouvernement de ce pays fondateur de l'Europe communautaire. Le parti de cette ex-fan de Mussolini, dont la devise est « Dieu, patrie, famille », est crédité de près d'un quart des voix dans les derniers sondages.  Un gouvernement de coalition au sein duquel l'extrême droite dominerait largement la droite classique puisqu'il serait composé, outre FdI du Mouvement 5 Etoiles (ex-antisystèmes) dirigé par Matteo Salvini et de Forza Italia de Silvio Berlusconi. Les sondages étant interdits dans les deux semaines précédant le scrutin, les dernières enquêtes créditaient FdI de 24 à 25% des intentions de vote, devant le Parti Démocrate (PD, centre gauche) entre 21 et 22%. Suivent le Mouvement 5 Etoiles (ex-antisystème) de 13 à 15%, la Ligue à 12%, Forza Italia à 8%.

Au plus fort de la crise provoquée par le conflit entre la Russie et l'Ukraine, l'Italie serait, après la Suède, le second membre de l'UE à se doter d'un gouvernement de coalition avec l'extrême droite.

Inquiétude des marchés

Quel que soit le gouvernement issu des élections, qui ne prendra ses fonctions que fin octobre, son chemin apparaît d'ores déjà semé d'embûches. Il devra gérer la crise causée par la flambée des prix alors que l'Italie croule sous une dette représentant 150% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.

Dans ce contexte, la manne du plan européen de relance post-pandémie, dont l'Italie est de loin le premier bénéficiaire, sera indispensable pour maintenir à flot la péninsule. Comme Marine Le Pen, Giorgia Meloni a finalement renoncé à sortir de l'euro, mais elle réclame une « révision des règles du Pacte de stabilité », suspendues en raison de la crise sanitaire, qui fixent un plafond de 3% du PIB pour le déficit et de 60% pour la dette. Elle réclame également la renégociation du plan de relance post-Covid italien, financé à hauteur de près de 200 milliards d'euros par l'Europe, pour tenir compte de la flambée des coûts de l'énergie dans la foulée de la guerre en Ukraine.

Or, le déboursement des fonds est lié à une série de réformes dont la mise en œuvre a été scrupuleusement respectée par le gouvernement sortant de Mario Draghi et qui semblent désormais compromises. La victoire apparemment inéluctable de la coalition d'extrême-droite préoccupe donc au plus haut point les marchés et Bruxelles, qui redoutent des remous dus à son discours eurosceptique et l'envolée du coût de l'énorme dette du pays. Les inquiétudes sur un relâchement dans la mise en œuvre des réformes et un dérapage de la dette publique après les élections ont déjà amené les agences de notation Standard & Poor's et Moody's à dégrader la perspective liée à la note de solvabilité du pays.

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Promesses électorales coûteuses

Les promesses électorales de la coalition pourraient avoir un effet néfaste sur les comptes publics.

« Leur programme est très vague et n'explique pas comment financer ces mesures », estime Nicola Nobile, du cabinet Oxford Economics. Si elles étaient pleinement appliquées, le déficit public dépasserait 6% du PIB pendant les cinq prochaines années, « propulsant la dette publique déjà élevée à des niveaux insoutenables ». La mesure phare, un impôt à taux unique, soit 15% pour la Ligue et 23% pour Forza Italia, pourrait coûter entre 20 et 58 milliards d'euros, selon l'Observatoire des comptes publics italiens. S'y ajoutent d'autres baisses d'impôts, des mesures de « paix fiscale » (amnisties) et le relèvement de la pension minimum.

Quelle position face à Moscou ?

 Outre les questions économiques, Bruxelles suivra de très près la question sensible des sanctions contre Moscou et sur les éventuelles tensions qui pourraient naître entre la Commission et un gouvernement ultra-conservateur et souverainiste, proche du régime hongrois dirigé par l'ultranationaliste Viktor Orban. Solidaire de l'Otan depuis le début de l'invasion russe en Ukraine sous la houlette de Mario Draghi, Rome entretient traditionnellement des relations cordiales avec Moscou. Lorsqu'il était chef de gouvernement, Berlusconi traitait en ami Vladimir Poutine, qu'il a reçu à titre personnel dans sa villa de Sardaigne et avec lequel il s'est rendu en Crimée après l'annexion de cette péninsule ukrainienne par la Russie en 2014. Matteo Salvini, lui, fait pression pour un allègement des sanctions contre Moscou, qu'il juge inefficaces et contre-productives, tout en jugeant « injustifiable » l'invasion de l'Ukraine. Atlantiste, Giorgia Meloni a en revanche pris des positions claires en faveur du soutien à l'Ukraine, des sanctions contre la Russie et de l'envoi d'armes à Kiev.

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ZOOM- Prévisions de croissance revues à la baisse

Le gouvernement italien du président du Conseil sortant Mario Draghi s'apprête à revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour 2023, à un peu plus de 0,5%, en raison de l'impact de la crise énergétique qui pèse sur la troisième économie de la zone euro, a appris Reuters de sources au fait du dossier. Le Trésor italien table pour cette année sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 3,3% à 3,4%, alors qu'une prévision fixée en avril dernier misait sur une croissance de 3,1%. Pour l'an prochain, le gouvernement prévoit une croissance du PIB de 0,6% à 0,7%, bien en deçà de la précédente prévision de 2,4%, selon deux sources, tout en prévenant que ces prévisions étaient encore susceptibles de changer compte tenu des incertitudes économiques. Mario Draghi a d'ores et déjà débloqué quelque 66 milliards d'euros depuis janvier pour atténuer l'impact de la flambée des prix de l'électricité et du gaz sur les ménages et les entreprises. Son successeur à la présidence du Conseil devra vraisemblablement suivre la même voie. La semaine dernière, le ministre de l'Economie, Daniele Franco, a confirmé l'objectif de déficit budgétaire à 5,6%. Des prévisions de croissance plus faibles pour 2023 devraient faire passer l'objectif de déficit pour l'an prochain au-dessus de 3,9%, tel qu'il est actuellement prévu.

Les nouvelles prévisions de croissance doivent être annoncées le 27 septembre.