France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

« Les 100 meilleurs films de l’histoire » : « La consécration de Chantal Akerman est une belle nouvelle, au-delà d’une lecture féministe »

auteur

Michel Guerrin

Rédacteur en chef au « Monde »

La polémique après la parution du classement de la revue britannique « Sight and Sound », qui sacre pour la première fois un film réalisé par une femme, est bien de l’époque, où les œuvres sont jugées en fonction de l’identité de son auteur, analyse Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde », dans sa chronique.

Temps de Lecture 3 min.

Article réservé aux abonnés

On imagine, non sans gourmandise, la tête qu’ont dû faire des dizaines de milliers de professionnels du cinéma, de par le monde, à Hollywood en particulier, quand ils ont découvert « Les 100 meilleurs films de l’histoire » dévoilés le 1er décembre par la revue britannique de cinéma Sight and Sound. Surtout l’identité du gagnant. Qui est une gagnante. Soit Chantal Akerman, et son film Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, qu’elle a tourné en 1975 avec Delphine Seyrig.

Lire aussi :

Beaucoup n’ont sans doute jamais entendu parler de ce film au titre bizarre et de la cinéaste franco-belge, autrice d’une trentaine de films, morte en 2015 à l’âge de 65 ans.

On entend déjà les soupirs. C’est n’importe quoi, ces classements… Sauf que ce journal produit un palmarès respecté, car révisé tous les dix ans depuis 1952, et que son jury est conséquent – 1 639 spécialistes de cinéma, dans le monde entier. Ajoutons qu’un classement, parce qu’il est subjectif, constitue le miroir d’un art, d’une société, d’une époque.

Lire la nécrologie :

Le jury consacre pour la première fois un film réalisé par une femme, tourné avec quasiment que des femmes, qui raconte l’histoire d’une femme. Et depuis huit jours, les réactions oscillent entre admiration et affliction. Beaucoup, par curiosité, ont dû regarder un extrait sur YouTube et découvrir cette séquence où Delphine Seyrig, filmée en un plan fixe, épluche trois pommes de terre pendant six minutes. Les intrépides la verront prendre un bain et récurer une baignoire pendant cinq minutes. Ils sortiront de ce voyage au bout de l’ennui fascinés ou effrayés. Pour se remettre, ils courront le 14 décembre voir Avatar : la voie de l’eau, de James Cameron.

Le film d’Akerman, réalisé alors qu’elle a 25 ans, raconte trois journées domestiques, métronomiques, englouties par les tâches ménagères, d’une veuve au foyer avec son ado, et qui est également prostituée pour trois clients afin de tenir son budget – le titre complet du film y fait référence. Il en va ainsi durant plus de trois heures, rythmées par des dialogues rares et secs, jusqu’au moment où le quotidien routinier se dérègle pour s’achever en un geste radical.

Un chef-d’œuvre

C’est un film épouvantable pour beaucoup, un chef-d’œuvre selon nous – pour son sujet, sa forme, son récit, pour le son du couteau sur la planche à découper, pour Delphine Seyrig. Quand on demandait à l’actrice, pourquoi elle avait tourné ce film, elle répondait : « On n’a jamais filmé ce que vit la moitié de l’humanité. »

La consécration de Chantal Akerman est étroitement liée à l’évolution récente du jury – plus nombreux, féminisé, mondialisé, diversifié. Sa victoire est totale puisqu’un autre de ses films figure au palmarès (News from Home, 1977). En prime, Jeanne Dielman détrône Vertigo, d’Hitchcock, et Citizen Kane, d’Orson Welles, soit deux œuvres monstres par deux cinéastes incarnant le macho tyrannique.

Il vous reste 50.95% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

Découvrir les offres multicomptes
  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.