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Les ballons chinois espionnent en escadrille, accuse Washington

Le temps des messages diplomatiques arrondis aux angles semble désormais passé. Ce mercredi soir la porte-parole de la Maison Blanche Karine Jean-Pierre a clairement accusé la Chine d’avoir déployé «au cours des dernières années» une «flotte de ballons destinés à des opérations d’espionnage» dans le monde entier. «Des ballons chinois ont été observés au-dessus de pays des cinq continents» dont ils ont «violé la souveraineté», a-t-elle déclaré.

Cette annonce tonitruante fait suite à des articles publiés mardi 7 février par la chaîne américaine CNN et le journal The Washington Post, dans lesquels plusieurs sources américaines affirmaient à mot couvert que le ballon espion chinois abattu samedi 4 février au-dessus de la Caroline du Sud ferait partie d’un vaste programme de surveillance mené par l’armée chinoise. Le programme, qui comprend un certain nombre d’aérostats similaires, serait en partie géré depuis la petite province insulaire chinoise de Hainan, située au sud du pays.

Pour l’heure, impossible de connaître la taille exacte de la flotte chinoise. Des sources issues des services de renseignement américains affirment à CNN que le programme a effectué au moins deux douzaines de missions au-dessus d’au moins cinq continents ces dernières années. Une demi-douzaine de ces vols se sont déroulés dans l’espace aérien américain, mais pas nécessairement au-dessus du territoire américain, selon un fonctionnaire connaissant bien les renseignements. Selon lui, tous les ballons repérés dans le monde ne sont pas exactement du même modèle que celui abattu samedi. Il s’agirait plutôt de multiples «variations», notent ces sources.

A Quantico, on espère que le ballon révélera ses secrets

En attendant, les scientifiques américains s’affairent sur les débris du ballon récupéré au large de la côte est des Etats-Unis. Dans un laboratoire du gouvernement à Quantico, au siège du bureau fédéral basé en Virginie, une équipe d’ingénieurs du FBI examine la dépouille. Selon des sources bien informées citées par CNN, les Américains veulent percer à jour les capacités techniques du ballon, et espèrent déceler les satellites auxquels il était relié et repérer les éventuelles vulnérabilités de son système que les États-Unis pourraient exploiter. Enfin, les enquêteurs se pencheront sur les signatures numériques émises par le ballon afin de déterminer si elles constituent un meilleur moyen pour les Américains de suivre ce type d’engin à l’avenir.

Pourquoi tant de minutie à examiner une baudruche percée ? Car les Etats-Unis sont en retard en la matière. Lundi, le général Glen VanHerck, le commandant du Commandement nord des États-Unis, a reconnu devant des journalistes que les États-Unis avaient une «lacune dans la connaissance du domaine» qui avait permis à divers ballons de traverser l’espace aérien américain sans être détectés. Selon une source proche du FBI citée par CNN, l’analyse permettra idéalement de déterminer si le dirigeable était capable de transmettre les données qu’il collectait en temps réel à l’armée chinoise ou si l’appareil contenait plutôt une «collecte stockée» que la Chine de Xi Jinping allait analyser après la récupération de l’appareil. Mais impossible de connaître les données qu’il a pu récolter : la sous-structure du ballon a été endommagée par le tir initial et la chute de 60 000 pieds dans l’océan a pu abîmer les capteurs de l’aérostat.

📍ATLANTIC OCEAN - @USNavy Sailors assigned to Explosive Ordnance Disposal Group 2 recover a high-altitude surveillance balloon off the coast of Myrtle Beach, South Carolina, Feb. 5, 2023. pic.twitter.com/QwjSFQEw1b

— U.S. Fleet Forces (@USFleetForces) February 7, 2023

Des relations «gravement» affectées et endommagées

Cette crise des ballons espions ne vient pas réchauffer des relations diplomatiques déjà fortement refroidies entre les deux puissances. Lors de son discours sur l’Etat de l’Union mardi soir, Joe Biden y a fait référence mardi soir lors de son discours sur l’Etat de l’Union, en martelant «l’assurance que nous saurons agir lorsque notre souveraineté sera violée». Dès vendredi, le secrétaire d’Etat Antony Blinken qui devait se rendre en Chine cette semaine avait par ailleurs décidé de reporter sa visite sans l’annuler. Lundi, le gouvernement chinois a estimé que la décision d’abattre le ballon prise par les Etats-Unis avait «gravement affecté et endommagé» les relations entre les deux pays. Mardi, c’est le ministère de la défense américain qui est revenu à la charge. Selon le porte-parole du Pentagone Pat Ryder, le gouvernement chinois a refusé la proposition d’un appel téléphonique américain, peu après que l’US Air Force eut abattu l’engin chinois. «Samedi 4 février, juste après être passé à l’acte pour abattre le ballon du Parti communiste chinois, le ministère de la Défense a soumis une requête pour un appel sécurisé entre le ministre [Lloyd] Austin et [son homologue] chinois de la défense, Wei Fenghe», a détaillé le général. Un appel resté sans réponse selon les Etats-Unis.

De son côté, la Chine soutient mordicus que le vaisseau abattu par le États-Unis n’était rien d’autre qu’un ballon météorologique ayant dérivé de sa trajectoire. Pourtant, une fois le ballon abattu par les missiles d’un avion de chasse Lockheed Martin F-22 Raptor de l’US Air Force, le ministère chinois des Affaires étrangères a accusé les États-Unis de «réagir de manière excessive» et de «violer gravement les pratiques internationales». Le ministère de la Défense de Xi Jin Ping a quant à lui exprimé une «protestation solennelle», avertissant que la Chine «se réserve le droit d’utiliser les moyens nécessaires pour faire face à des situations similaires».

Taclés par certains législateurs américains au sujet du délai pris par l’armée américaine avant de détruire le ballon, les responsables de la défense ont insisté, outre les dommages potentiels causés par la chute des débris, sur leur volonté d’en apprendre le plus possible sur les capacités du ballon. Et donc accepter de le laisser voler au-dessus du territoire américain quelques heures plutôt que de l’abattre immédiatement. En attendant, l’analyse de l’épave se poursuit et le ballon garde encore ses secrets.