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Les communes, bouées de sauvetage face à la pauvreté

Les communes, bouées de sauvetage face à la pauvreté
La commission d’attribution des aides d’urgence du CCAS d’Angoulême se réunit une fois par semaine.

Photo Julie Desbois

Par Fabien NOUVÈNE - f.nouvene@charentelibre.fr, publié le 1 février 2023 à 20h18.

Bons alimentaires, chèques carburant, aides aux factures… Les centres communaux d’action sociale voient les demandes d’aides d’urgence bondir en Charente. La crise économique les pousse en première ligne face à la pauvreté.

Homme isolé, 58 ans, 526 € de RSA et 333 € de charges fixes : demande d’aide pour payer une facture d’eau en souffrance. Homme, 69 ans, locataire HLM, 990 € de retraite, 500 € de charges fixes et 700 € de dette de loyer : demande de 50 € de bons alimentaires. « C’est pour pas qu’il s’enfonce », valide Anne-Laure Willaumez-Guillemeteau, adjointe au maire d’Angoulême, qui préside la commission d’attribution des subsides. Ce mardi matin, les dossiers d’Angoumoisins au bord du gouffre défilent dans une salle du Centre communal d’action sociale (CCAS), organe de solidarité...

Homme isolé, 58 ans, 526 € de RSA et 333 € de charges fixes : demande d’aide pour payer une facture d’eau en souffrance. Homme, 69 ans, locataire HLM, 990 € de retraite, 500 € de charges fixes et 700 € de dette de loyer : demande de 50 € de bons alimentaires. « C’est pour pas qu’il s’enfonce », valide Anne-Laure Willaumez-Guillemeteau, adjointe au maire d’Angoulême, qui préside la commission d’attribution des subsides. Ce mardi matin, les dossiers d’Angoumoisins au bord du gouffre défilent dans une salle du Centre communal d’action sociale (CCAS), organe de solidarité de la Ville. Face à l’inflation, les communes se posent comme l’ultime filet de sécurité pour rattraper des administrés sur le point de sombrer.

Des centaines de Charentais s’en remettent à leur mairie pour remplir leur frigo ou leur réservoir d’essence. Obtenir des tickets de bus aussi, ou des aides au paiement de factures, du loyer, à l’achat de mobilier, aux frais de garages… « On bouche les trous », résume Agnès Brignon, administratrice du CCAS d’Angoulême. Comme pour cette femme de ménage de 29 ans. Récemment installée à Angoulême, elle travaille quinze heures hebdomadaires… à Chazelles. Les cinq allers-retours par semaine ont coulé son budget. « Ce doit être un gouffre », s’exclame Michèle Faye, conseillère municipale déléguée à la famille. La commission lui accorde 50 € de bons alimentaires.

Certaines personnes ont subi une régulation de charges de 700 €. Quand on a un RSA ce n’est pas possible.

À l’image de ces pleins d’essence qui torpillent les comptes, la crise économique a précipité de nombreux ménages dans la pauvreté. Corollaire, les demandes affluent aux CCAS. En 2022, la commission angoumoisine a versé 85 000 € à 700 bénéficiaires, contre 70 000 € et 600 personnes l’année précédente. « C’est exponentiel », souligne Agnès Brignon. Même constat à La Couronne où les bons délivrés en urgence chiffrent à 7 000 € contre 5 000 € en 2021. À Soyaux, les aides sont passées de 52 550 € à 68000 € entre 2021 et 2022.

Derrière ces chiffres, il y a des imprévus du quotidien qui font basculer les foyers sur le fil. « Ça peut être une panne de voiture, des gens qui ont un coup dur, qu’on va voir qu’une seule fois », observe Ludovic Poujade, directeur du CCAS de Cognac. Fadilla Dahmani, adjointe au maire déléguée aux affaires sociales à Soyaux, poursuit : « certaines personnes ont subi une régulation de charges de 700 €, quand on a un RSA c’est pas possible. »

Une réponse rapide pour contrer la pauvreté

Ces pépins se couplent aujourd’hui avec des carences des services publics. Pourquoi les CCAS de l’agglo d’Angoulême délivrent des tickets de bus à tour de bras alors que la STGA propose déjà une tarification sociale ? « Le tarif social, c’est 8,90 € par mois, décrypte Amélie Bornert, agent du CCAS de Soyaux. Quand on voit des restes à vivre de 60€ par mois, ce n’est pas possible. » Idem avec le Fonds solidarité logement, destiné à aider les locataires à régler leur loyer et charges. « Une partie est versée sous forme de prêt, mais 20 € de mensualité c’est déjà trop pour certains. » Les communes pallient ces trous dans la raquette. « On est les derniers à intervenir », dépeint Marie-Christine Billaud, vice-présidente du CCAS de La Couronne.

Fadilla Dahmani et Amélie Bronert suivent de près les dossiers des bénéficiaires du CCAS de Soyaux.
Fadilla Dahmani et Amélie Bronert suivent de près les dossiers des bénéficiaires du CCAS de Soyaux.

Photo F.N.

Les CCAS se révèlent d’autant plus indispensables que leurs délais de réponse sont express. « Notre créneau c’est l’urgence », insiste Anne-Laure Willaumez-Guillemeteau. À Angoulême, les bénéficiaires obtiennent leurs bons sous sept jours. « L’extrême urgence passe directement par moi et est validée dans la journée », souligne l’élue. À La Couronne, la commission se réunit deux fois par semaine. « En cas d’urgence, le dossier est examiné en bureau municipal, une fois par semaine, renseigne André Meuraillon, le maire de Barbezieux. On n’attend pas un mois la réunion du CCAS. »

« Le pire est devant nous »

La crise frappe de nouveaux publics. Les petites retraites ne suffisent plus pour survivre. En témoigne cette statistique du CCAS de Cognac : 35 % des demandes émanent de seniors de plus de 60 ans. Un dossier, examiné par la commission d’Angoulême, illustre ce phénomène. Une dame de 70 ans, divorcée. Ressources totales : 1191 €. Charges : 849 €. Elle s’est fait avoir par des opérateurs téléphoniques, les factures se sont accumulées, son budget a dévissé : 1 916 € de dettes. Sur les conseils de l’Udaf, elle a fait une demande de mise sous protection, qui permettrait de geler ses créances. Pour cela, elle a dû passer une expertise psychiatrique… à sa charge. « Elle ne peut pas payer les 160 € », indique Agnès Brignon, l’administratrice. La retraitée demande 100 € pour régler les frais. « Il faut le faire pour qu’elle ne s’enfonce pas », plaide Michèle Faye. La bourse est validée. Autoentrepreneurs, salariés à temps partiel… Autant de catégories qui grossissent les rangs des bénéficiaires d’aides d’urgence.

Les CCAS ont serré les dents en 2022. En 2023, ils craignent de prendre un mur. « Le pire est devant nous », admet Marie-Christine Billaud, de La Couronne. L’an dernier, le gel des prix de l’énergie a limité la casse. Ce dispositif a pris fin en janvier, lorsque le gaz a augmenté de 15 %. Les communes se préparent au choc. « On table au minimum sur 50 % d’aides en plus », note Fadilla Dahmani, l’élue de Soyaux. La Ville a budgété l’enveloppe en conséquence. Cognac revoit en ce moment son règlement, la grille des montants des subsides, « en se calquant sur l’augmentation générale du coût de la vie, dévoile Ludovic Poujade. On va augmenter nos plafonds d’aides. » Mercredi 1er janvier, le prix de l’électricité a augmenté de 15 %.