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Les défis posés par la restitution à l’Afrique des biens culturels pillés durant la colonisation

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Par Francesca Fattori, Floriane Picard, Eric Dedier, Victor Simonnet et Cécile Hennion

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FactuelAlors que 90 % du patrimoine culturel subsaharien est éparpillé hors du continent, Paris s’est engagé, en 2017, à rendre possible, à l’horizon 2022, la restitution des pièces conservées en France à la suite des pillages coloniaux. Jusqu’à présent, très peu ont retrouvé leur terre d’origine.

Lors de son discours prononcé face à un parterre d’étudiants de l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso, le 28 novembre 2017, le président Emmanuel Macron avait suscité la surprise en souhaitant que, « d’ici à cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Dans cette optique, deux chercheurs – l’écrivain sénégalais Felwine Sarr, économiste et professeur à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal), et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française à l’Université technique de Berlin – avaient été chargés de rédiger un rapport.

Remis fin 2018, au terme d’une vaste consultation d’experts et d’acteurs politiques en France et dans quatre pays d’Afrique francophone (Bénin, Sénégal, Mali, Cameroun), le « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle » dresse un constat accablant. L’exergue, emprunté à une lettre de l’écrivain Michel Leiris à son épouse, datée de 1931, en donne la tonalité : « On pille des Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes, qui iront eux aussi les “aimer” et les piller. »

Premier constat, la quasi-totalité (de 90 % à 95 %, selon les estimations) du patrimoine matériel des pays d’Afrique situés au sud du Sahara se trouve hors du continent africain, rendue inaccessible à la jeunesse africaine au point qu’« elle en ignore souvent la richesse et la potentialité, si ce n’est l’existence même ».

S’appuyant notamment sur des inventaires paramétrés selon les besoins de la mission, destinée à saisir la qualité, la quantité et la provenance exacte des collections africaines des pièces conservées au Musée du quai Branly, à Paris, les chercheurs concluent que tous les biens culturels obtenus pendant la période coloniale – quelles que soient les conditions de ces acquisitions (butins de guerre, vols, missions scientifiques, efforts de christianisation de missionnaires catholiques ou protestants, etc.) – relèvent d’une spoliation en raison des rapports inégaux entre les parties, et préconisent leur restitution. Même après les indépendances, nombre de pièces intégrant les collections muséales proviennent des guerres de conquête et des périodes de domination, après avoir transité sur le marché de l’art ou dans les familles des officiers qui les avaient rapportées.

Ce rapport a suscité de vives critiques. Stéphane Martin, à l’époque président du Quai Branly, défend alors le concept d’« universalité » de l’art et dénonce « un cri de haine contre le concept même de musée, considéré comme une invention occidentale, comme un lieu quasi criminel dans lequel les objets sont plumés, déshabillés, où on leur retire leur magie ». Dans les milieux liés au marché de l’art et des musées français, beaucoup redoutent que la restitution d’œuvres africaines provoque un « appel d’air » qui viderait les collections hexagonales, et s’inquiètent des conditions de conservation d’objets fragiles par des Etats jugés instables et dont les moyens muséographiques seraient insuffisants.

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