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« Les Différentes régions du ciel » : un autre Christian Bobin

L’écrivain, mort le 23 novembre, était réputé optimiste à tous crins. Une anthologie de son œuvre en « Quarto », parue cet automne, le révèle complexe et sombre.

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« Les Différentes régions du ciel. Œuvres choisies », de Christian Bobin, Gallimard, « Quarto. Voix contemporaines », 1020 p., 26 €.

Entreprise pour célébrer Christian Bobin, la réunion de ses œuvres dans la collection « Quarto » prend des allures de testament après la disparition de l’écrivain ce 23 novembre. Que dire de celui qui ­parlait de la mort comme ce qu’il y a de plus secret et de plus précieux en nous ? Qui écrivait de la vie qu’elle est « la petite classe de l’éternel » ?

Beaucoup croient connaître ­Bobin. Ses zélateurs d’abord, ­conquis par l’évocation poétique de saint François d’Assise intitulée Le Très-Bas (Gallimard, 1992) : Bobin, dont l’œuvre était restée confidentielle, est soudain devenu une ­référence incontournable de lecteurs en quête de spiritualité. Mais ses détracteurs également, rebutés par ce qu’ils jugent être une littérature de sacristie – dans La Littérature sans estomac (L’Esprit des péninsules, 2002), Pierre Jourde lui consacra un chapitre intitulé « Le ravi de la crèche ».

A tous ceux-là, Les Différentes régions du ciel. Œuvres choisies, titre du « Quarto » paru récemment, révélera un nouvel écrivain, bien plus complexe, bien plus sombre que sa double caricature ne le veut. En ouverture au volume se trouve un texte inédit qui date de 1980. L’Eau des miroirs est la poignante apostrophe, sous forme d’appel ou de lettre : une femme vient de s’ouvrir les veines – « J’ai dénoué les lacets de mon sang. J’entre pieds nus dans l’eau glacée » – et interpelle, au seuil de la mort, un écrivain qui l’a aimée, mais s’est détourné d’elle. « Hémorragie des mots », sans reproches toutefois, comme une déclaration d’amour. Tout dans ce texte préfigure cet autre récit, à la deuxième personne, le plus beau peut-être : La Plus Que Vive (Gallimard, 1996), où Christian Bobin s’adresse cette fois-ci à Ghislaine Marion, qui lui fut tout seize ans durant, mais ­vient juste de mourir d’une ­rupture d’anévrisme. Brutale absence, source d’une « hémorragie de force dans le corps de ceux qui t’aiment ».

La tradition moraliste

La joie chez Bobin puisait sa source d’un amour comme celui-ci. Car ce qu’il nomme l’« enchantement simple » (titre d’un ­livre paru chez Lettres vives en 1986) n’est pas un donné ; il est une valeur conquise sur un violent pessimisme, ou ce que l’on pourrait décrire comme un fond pascalien : certitude que « nos vies sont perdues d’avance, puisqu’elles passent un peu plus, chaque seconde », et congé donné au monde, à tous ses divertissements. En sorte qu’en Bobin c’est la tradition moraliste qui se transmue en une expérience de la simplicité, dont Jean Giono (1895-1970) fut le grand initiateur en ­littérature française dans Que ma joie demeure (1935).

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