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“Les États-Unis sont ma patrie” : ces vétérans de l’armée américaine renvoyés au Mexique

Ils ont grandi aux États-Unis et se sont engagés comme militaires, avec l’espoir d’obtenir la nationalité américaine. Mais ils ont commis de petits délits et ont été expulsés vers le Mexique, un pays qui n’est plus le leur. La revue barcelonaise “5W” est allée à leur rencontre.

L’œil rivé à la barrière de fer entre le Mexique et les États-Unis, à ces cent mètres de mur qui plongent dans le Pacifique, Richard Ávila pousse un soupir : “Je ne vais peut-être pouvoir rentrer chez moi que sous forme de cendres, ou dans un cercueil, comme le gars qui a été assassiné au Chihuahua [État du nord du Mexique]. Tant d’années à lutter pour rentrer aux États-Unis après avoir servi dans l’armée !”

Il le dit d’une voix blanche, couverte par la rumeur des vagues et les cris des mouettes. Comme s’il voulait que cette barrière l’entende et ait pitié de ses erreurs… Richard Ávila a 76 ans, il vit depuis plus dix ans à Tijuana, ville vers laquelle il a été expulsé des États-Unis, après y avoir été accusé de vol à main armée. Mais, longtemps auparavant, il avait servi dans l’US Air Force : “Le pays auquel j’ai donné ma vie ne veut plus de moi.”

Sur la visière de sa casquette, on peut lire : “Marine Vietnam Veteran”. Nous étions en 1975 et l’un des conflits les plus importants du XXe siècle touchait à sa fin. Les États-Unis préparaient le retrait des derniers soldats qui avaient combattu dans le Sud-Est asiatique. Ávila en faisait partie. “J’étais chargé de la maintenance des hélicoptères CH-53 Sea Stallion, raconte cet ancien combattant, passant de l’anglais à l’espagnol, langue qu’il parle avec difficulté, tandis qu’il se remémore le temps passé ensuite au sein du corps de parachutistes, dans la base militaire navale de Subic, aux Philippines :

“Je n’en ai gardé que des bons souvenirs. Mais il y avait beaucoup de drogue à l’époque, et, quand je suis rentré, j’ai commencé à en consommer trop.”

Ávila s’est d’abord mis à voler pour acheter de la marijuana, puis de l’héroïne. Au cours des derniers vols, il était toujours armé. Il a été condamné à trois reprises à des peines de prison. Finalement, on l’a expulsé vers le Mexique, pays où il est né mais qu’il avait quitté avant l’âge d’un an, traversant la frontière dans les bras de sa mère vers le côté gringo.

À la fin des années 1950, sa famille s’était installée à Los Angeles. Il a grandi dans cette ville, y a été scolarisé, puis s’est engagé dans l’armée pour venger un cousin qui était mort au Vietnam. Dans les derniers temps, quand il était marine, il s’est mis à consommer des drogues.

“J’ai été renvoyé au Mexique. Quatre fois au total”

“Beaucoup en prenaient pour se donner du courage”, se rappelle-t-il, tout en montrant les traces de piqûres qu’il a sur les bras, conséquence de trente ans d’injections. Il ne consomme plus de drogue depuis vingt ans, assure-t-il, l’air satisfait. Même s’il n’a pas de blessures de guerre visibles, ce vétéran garde des souvenirs de l’armée dans chacun des tatouages qui ondulent sur ses veines. Il est rentré aux États-Unis fier du devoir accompli pour sa patrie. Mais, en 1996, il recevait le premier avis d’expulsion et était reconduit à la frontière avec le Mexique :

“Quelques jours seulement après avoir été abandonné à Tijuana, j’ai retraversé illégalement la frontière. Au bout d’un certain temps, j’ai été renvoyé au Mexique. Quatre fois au total.”

Sa dernière expulsion date de 2011, et depuis lors il n’a pas pu retourner aux États-Unis.

D’après le ministère américain de la Défense, plus de 30 000 immigrés servent dans l’armée des États-Unis. Des associations comme Al Otro Lado [américano-mexicaine], qui propose des services juridiques et de l’aide humanitaire aux personnes réfugiées et expulsées, évaluent à pas moins d’un millier le nombre de vétérans de l’armée américaine expulsés vers une quarantaine de pays.

“En 2019, j’ai recensé 700 anciens militaires dans le monde entier, mais en réalité il doit y en avoir bien plus”, affirme César Acosta, chercheur de l’Université auton