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« Les Gens de Bilbao naissent où ils veulent » : le tortueux mystère des origines

Les Gens de Bilbao naissent où ils veulent

de Maria Larrea

Grasset, 226 p., 20 €

Le proverbe populaire, qui donne son titre à ce récit autobiographique, recoupe une réalité plus tragique que cette formulation primesautière qui laisserait accroire que chacun à Bilbao serait libre de s’offrir une origine à sa convenance. Il recouvre surtout un pan d’histoire cachée qui remonte à la sombre période de la dictature franquiste et renvoie à de sordides pratiques.

La réalisatrice et scénariste Maria Larrea découvre, il y a près de vingt ans, grâce à une cartomancienne, que tout ce qu’elle croyait vrai dans sa vie n’était qu’un château de cartes biseautés, une fiction alimentée depuis des lustres. Elle lui révèle qu’elle est « la fille de personne ». Sonnée, Maria Larrea veut savoir d’où elle vient. Elle se lance avec un détective privé et le secours d’Internet dans une enquête éprouvante vers un gouffre sans fond.

Elle a été adoptée dans d’étranges circonstances. « Fille biologique de ses parents adoptifs. » Ses papiers ont été falsifiés. Comme d’autres, elle a été l’objet d’un vaste trafic illégal d’enfants abandonnés, de nourrissons volés. Ses recherches dévoilent un système qui fonctionnait grâce à la complicité de médecins accoucheurs et de gynécologues véreux. Elle se révolte contre ses faux parents avant de comprendre qu’elle leur doit tout. Sous la peur, la délivrance…

Roman vertigineux

Avec ce livre de la maturité, roman vertigineux sur le tortueux mystère de ses origines, Maria Larrea se libère du fardeau de trop lourds secrets et de mensonges accumulés. Par la reconstitution minutieuse de son passé – le conscient, celui des souvenirs ; l’inconscient, celui des ombres et du trouble –, elle finit par révéler un scandale massif qui empoisonne l’Espagne.

Les coupables sont morts depuis longtemps. Son enquête mène à une impasse. « Je me sentais coincée dans cette faille sombre de ma vie », écrit-elle. Pourtant, cette faille va s’éclairer. Soudain, tout va prendre sens. Maria Larrea va y gagner l’apaisement, le bonheur de savoir, de comprendre, de se réconcilier.

On se croirait dans l’un des somptueux mélodrames de Pedro Almodovar. Par les évocations de son enfance parisienne, des voyages en Espagne, des errances dans Bilbao à la recherche de l’introuvable, de la vie de ses parents avant d’en connaître la funeste destinée, par la description affolante de sa quête sans espoir, puis de sa libération quand enfin la vérité sort du puits, et par la puissance de son écriture, Maria Larrea quitte l’ombre pour atteindre à la pleine lumière, conquise de haute lutte.