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Les médecins aussi fraudent la sécu

L'Assurance maladie évalue la fraude réalisée par les médecins généralistes entre 185 et 215 millions, d'euros sur 6 milliards d'euros remboursés.

L'Assurance-maladie commence enfin à estimer l'ampleur de la fraude sociale. Un chiffre jusqu'alors très difficile à obtenir: le magistrat Charles Prats a mis le feu aux poudres en l'évaluant à quelque 30 milliards d'euros et en accusant le gouvernement de laxisme. Les administrations (Pôle emploi, Urssaf, CAF, Assurance-maladie) démentent et jugent l'estimation irréaliste. Mandatée par l'exécutif pour éclairer le dossier, la Cour des comptes n'a pas réussi à trancher. Face à la pression d'un sujet devenu très politique, l'Assurance-maladie s'est attelée à une évaluation de la fraude dans le champ qui est le sien, celui de la santé. Avec des révélations inattendues.

Sur la carte vitale, objet récurrent de polémique, « il n'y a pas de cartes en surnombre au régime général », a martelé vendredi Thomas Fatôme, directeur général de l'Assurance maladie. « Il y 3 250 cartes en surnombre mais aucune pour le régime général ». En outre, près de deux tiers de la fraude détectée se concentre chez les professionnels de santé… et non chez les assurés. Chaque fois, les abus concernent des actes fictifs, le non-respect de la nomenclature etc. Ils se retrouvent en particulier chez trois catégories : les infirmières, les pharmaciens, les fournisseurs. La traque le chiffrage de la fraude est par définition complexe.

L'Assurance-maladie a donc décidé de procéder «brique par brique». Les premiers résultats, livrés en mai, avaient chiffré les abus des infirmiers libéraux entre 286 et 393 millions d'euros sur 7,5 milliards d'euros de soins remboursés par la Sécu, soit un taux de préjudice financier estimé entre 5% et 6,9%. Ce vendredi, l'Assurance maladie a évalué cette fois la fraude réalisée par les médecins généralistes : elle atteindrait entre 185 et 215 millions d'euros sur 6 milliards d'euros remboursés, soit entre 3,1% et 3,5%. Autre profession visée : les transporteurs (qu'il s'agisse de véhicules sanitaires ou de taxis) : les abus atteignent entre 145 et 177 millions d'euros sur 3,6 milliards d'euros remboursés, soit un taux entre 3,9% et 4,9%. Chaque fois, il s'agit de prestations fictives c'est-à-dire d'actes facturés alors qu'ils n'ont pas eu lieu, ou de surfacturations injustifiées (par exemple tarif de nuit alors que ce n'est pas le cas). Les résultats concernant les autres professions suivront dans les mois à venir.

Renforcer les contrôles

Pour mieux lutter contre la fraude, l'Assurance maladie mise sur la prévention. Ainsi, pour les infirmières qui s'installent dans un nouveau cabinet, l'administration propose un contrôle à blanc au bout de quatre mois, suivi d'un vrai contrôle au bout de 12 mois. Une action qui vise à renforcer l'accompagnement individuel systématique, et devrait être étendue en 2023 à d'autres professions comme les kinés par exemple. L'assurance maladie cherche aussi à renforcer ses capacités de contrôle et de détection en déployant d'ici la fin de l'année un outil d'analyse et de datavisualisation permettant de mettre en évidence les trafics de médicaments entre professionnels de santé et assurés et d'identifier les éventuelles collusions entre médecins, pharmaciens et assurés.

Sur les arrêts de travail, qui ont été très « bousculés par le Covid », l'Assurance maladie veut renforcer la surveillance, en particulier sur les arrêts itératifs, les problèmes de dos ou les syndromes dépressifs car « il y a trop d'arrêts injustifiés sur ces deux volets-là ». Enfin, sur la fraude aux médicaments onéreux, l'Assurance maladie a signé avec les pharmaciens un contrôle systématique pour tous les médicaments coûtant plus de 300 euros. Par ailleurs, alors que Valérie Pécresse, président de la région Ile de France, a parlé cette semaine de 500 arrêts de travail frauduleux à la RATP avec 130 licenciements à la clé, Thomas Fatôme assure que « l'enquête est en cours, c'est dans notre radar, nous menons une investigation visant des professionnels de santé ».

Pour mieux lutter contre la fraude, la Sécu multiplie les actions en justice : 7 857 actions contentieuses ont été engagées en 2021, dont 2 341 plaintes pénales et signalements au procureur, et 2 203 pénalités financières ont été prononcées par l'administration. Elle entend aussi déconventionner les professionnels identifiés comme fraudeurs, ce qui signifie que leurs patients ne seraient plus remboursés. L'objectif de l'Assurance maladie est de parvenir à détecter 500 millions d'euros de fraude en 2024.