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« Les Origines », de Gérald Bronner : la chronique « philosophie » de Roger-Pol Droit

Roger-Pol Droit

Un texte alerte et fluide du sociologue, qui y tresse souvenirs personnels et analyses sociales en une réflexion sur la mobilité sociale.

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« Les Origines. Pourquoi devient-on qui l’on est ? », de Gérald Bronner, Autrement, « Les grands mots », 188 p., 19 €, numérique 14 €.

SE RACONTER D’OÙ L’ON VIENT

« Longtemps, je n’ai pas su de quel milieu je venais. » Ainsi commence le nouveau livre du sociologue Gérald Bronner, professeur à la Sorbonne et membre de l’Académie de médecine. Ni essai théorique ni confession intime, son libre propos interroge les récits que nous construisons tous pour répondre à l’insoluble question de nos origines. Comment, et pourquoi, sommes-nous ­devenus ce que nous sommes ? Par quel hasard, ou quelle nécessité, finit-on par être celle-ci, ou celui-là ?

L’énigme résiste, persiste, quoi qu’on dise. Mais elle incite ­continûment à forger d’astucieuses fictions capables d’atténuer l’ignorance et l’angoisse. Pour imaginer les origines de l’univers ou celles de notre petite personne, les méthodes sont à peu près les mêmes : colmater les brèches du savoir par des hypothèses plus ou moins cohérentes, rendre ainsi représentable ce qui est inintelligible, en expliquant logiquement le présent par un passé reconstitué. Ainsi s’échafaudent les cosmogonies et leurs mythes. Ainsi se construisent nos plus modestes histoires de vie.

Ce texte alerte et fluide, tous publics, tresse agréablement souvenirs personnels et analyses sociales. Il entrelace souvenirs intimes et regard global afin de réfléchir à la mobilité sociale. Dans la mémoire de celui qui se considère aujourd’hui comme « transclasse », quantité de petits riens n’ont pris sens que peu à peu. Chez ses condisciples mieux nantis, décoration, vêtements, habitudes et attitudes n’étaient pas comme chez lui, qui fut le premier de sa famille à avoir le bac. Les odeurs non plus n’étaient pas les mêmes : chez les pauvres, quand ils deviennent obsédés par la propreté, la Javel domine.

Sans rancœur

On pourrait s’attendre à une mélopée de la honte, à la dénonciation de mille humiliations subies, au grand air du ressen­timent. Au contraire, Gérald Bronner prend un malin plaisir à critiquer le dolorisme obligé et militant que s’appliquent à cultiver nombre d’auteurs issus de classes opprimées, façon Annie Ernaux ou Edouard Louis. Pareille rancœur lui paraît surjouée. Pire : elle sonne faux, transformant à ses yeux « des embarras minuscules en amertume incoercible ».

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Reste évidemment à se confronter, autant que faire se peut, à la question coriace de la fabrique de nos trajectoires individuelles. Affaire de domination sociale, de reproduction des inégalités ? De rencontres fortuites ? De prédispositions génétiques ? De mérites ou de démérites personnels ? Les positions de Gérald Bronner se veulent avant tout équilibrées. Il tente de réconcilier les sociologues Pierre Bourdieu (1930-2002) et Raymond Boudon (1934-2013), tient compte de la pesanteur des inégalités et de leur transmission, tout en refusant de les transformer en déterminismes implacables. De même, il veut laisser leur part à l’inné et aux héritages biologiques, sans nier pour autant les disparités des chances et des espoirs.

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