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« Les Presque sœurs », de Cloé Korman : les camps de Vichy à hauteur d’enfants

Avec ce texte délicat, l’autrice fait résonner des noms trop longtemps tus.

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« Les Presque Sœurs », de Cloé Korman, Seuil, 256 p., 19 €, numérique 14 €.

Il a suffi de sept mois passés ensemble pour que les ­enfants Kaminsky considèrent à jamais Mireille, ­Jacqueline et Henriette Korman comme leurs « presque sœurs ». Séquestrées par le gouvernement de Vichy, comme des milliers d’enfants juifs, dans des camps d’internement et des foyers d’accueil, séparées de leurs parents dont elles ­ignoraient le sort, les six petites filles ont vécu une période d’amitié et de « réclusion commune », d’octobre 1942 au début de l’été 1943.

L’intensité de cette amitié, telle que la rapportent les survivantes dont elle retrouve la trace en 2019, paraît d’abord à Cloé Korman « un malentendu concernant l’intimité, le destin commun ». « Dans les récits que fait Andrée [Kaminsky], écrit-elle, dans son journal ou dans ses autres écrits, ou aujourd’hui même quand on en parle, ces sept mois semblent immenses. »

« Présent perpétuel »

A quoi tient cette impression de temps dilaté ? Comment ces petites cousines, que l’autrice n’a pas connues, ont-elles vécu avec les sœurs Kaminsky, jusqu’à ce que ces dernières réussissent finalement à s’échapper ? Au cours de l’enquête qu’elle mène auprès des derniers témoins, aux ­archives et sur les lieux où elles sont passées, Cloé Korman comprend que la réalité dont elle veut rendre compte est inscrite dans le « présent perpétuel des enfants ».

La grande réussite de ce texte à la fois sobre et délicat, qui veut faire résonner des noms trop longtemps tus, est précisément sa façon de rendre sensible une expérience vécue à hauteur d’enfant. Non que l’autrice brode ou invente de toutes pièces des scènes ou des dialogues. Bien au contraire, se rendant sur les lieux où ont vécu les fillettes, à Montargis, à Beaune-la-Rolande (Loiret) ou à Paris, s’appuyant sur les témoignages qu’on lui confie ou qu’elle lit, puisant dans ses propres souvenirs d’enfance et son expérience de mère, elle « suppose », sans s’en cacher, les émotions et réactions des petites filles.

Elle formule des hypothèses, pose des questions pour mieux se représenter leur quotidien : à leur arrivée dans le camp de Montargis, « est-ce qu’elles restent toujours groupées toutes les six, ou est-ce qu’elles se réunissent par paires, en fonction des âges les plus proches (…)  ? Ou bien restent-elles groupées entre sœurs de la même famille ? »

Une montre « Mickey »

Cloé Korman sait susciter l’émotion. Il lui suffit d’évoquer une montre « Mickey » qu’on commençait à cette époque à offrir aux plus jeunes, et que les parents Korman, horlogers, pouvaient avoir donnée à Jacqueline, pour que le lecteur en soit submergé. Observant à son tour, comme la fillette, le cadran sur lequel « on voit Mickey dont les bras inégaux indiquent les heures et les minutes et s’emmêlent deux fois par rotation », le lecteur mesure lui aussi le temps à cet aune : « Les bras de Mickey se sont croisés et décroisés au moins dix fois depuis leur arrestation, écrit la romancière, ce qui n’empêche pas la souris d’être toujours aussi souriante. »

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