France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

« Les tenir en respect », d’Elisabeth Guimard : un secret de Polichinelle

Tout le monde sait qu’elle est fille adultérine. Et la narratrice de ce premier livre d’écrire à sa mère décédée, pour mettre fin au silence.

Article réservé aux abonnés

« Les tenir en respect », d’Elisabeth Guimard, Inculte, 140 p., 15 €, numérique 11 €.

Cent un ans après la naissance de sa mère, qui vient de mourir, la narratrice lui écrit une lettre, lui adressant, par ce récit, sa version en boomerang d’un jeu des sept familles désassorti. Puisque l’autrice de ses jours, qui l’a maintenue de force dans les rouages pernicieux d’un « secret spécieux », a déserté, autant profiter de son absence toute neuve pour faire voler en éclats la mécanique du silence. Premier livre d’Elisabeth Guimard, Les tenir en respect est écrit à la fois pour et contre.

Que la future narratrice ait eu deux ­pères – le mari de sa mère, avec qui elles vivaient, et l’amant de cette dernière, qui est son géniteur, mais qu’elle a à peine connu – semble avoir été admis par tous, à condition de n’en point parler. Fruit de cette idylle adultérine, la jeune fille a dû se tapir à l’intérieur de cette réticence. N’exister qu’à demi. Faire acte de contrition, puisque la « faute » de sa mère a dégouliné sur elle : péché sur pattes, elle en est devenue le réceptacle, donnant corps, par sa vie même, à une honte collective. Le mari, mais aussi ce village entier de Charente limousine ont reporté tacitement sur elle leur culpabilité au carré – tolérant ce secret de polichinelle, ils étaient à la fois immoraux (témoins d’un adultère qui aura duré cinquante ans) et lâches (incapables de le formuler au grand jour, unis dans une comédie grotesque de l’omission). Ne fallait-il donc pas pour la fille de « l’Autre », enfin, donner une gifle au silence ?

A tous les âges de sa vie, elle a flotté dans la définition floue d’un dictionnaire inédit, dont Les tenir en respect est le décret d’abolition : le démontage, pièce par pièce, d’une généalogie à la fois implicite et explicite, où le secret n’était pas ce qui était caché, mais ce qui, connu de tous, devait rester invisible – se montrer en se niant, apparaître en s’annulant. Pour la mère, ne pas taire sa liaison a équivalu à demander à sa fille d’ignorer celui avec qui elle vivait, en reconnaissant, à l’inverse, celui qui vivait dans l’ombre. Contrainte à faire une lumière du noir, et vice versa, cette dernière a grandi dans un univers où le rapport entre noms et choses a été ­reformulé, pour ne pas dire inversé, sans que nul lui en ait fourni la traduction. Puisque étaient intolérables non pas l’acte mais les mots pour le dire, le langage est devenu lieu du tabou, épicentre de cette injonction contradictoire.

Fragments lapidaires

Il vous reste 29.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

Découvrir les offres multicomptes
  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.