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Leur intelligence stratégique a permis aux Ukrainiens de résister à l’offensive russe d’hiver, quid du printemps ?

Des soldats ukrainiens sur le front.

© SERGEI SUPINSKY / AFP

Guerre en Ukraine

Le chef adjoint ukrainien des renseignements a affirmé que Kiev était prête à une contre-offensive au printemps, dans le but de reprendre toute l’Ukraine, y compris la Crimée.

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Atlantico : Alors que les Russes essaient de prendre la ville de Bakhmut depuis août 2022, force est de constater que l’offensive piétine. Quelle est la situation actuelle dans la région ?

Jérôme Pellistrandi : Il y a à peu près un mois, on pensait que les Russes allaient s’emparer de la ville. Ils avaient réussi à atteindre la rivière qui sépare la partie Est et Ouest, avant de contourner les lignes de défense par le Nord et le Sud. Les Ukrainiens ont résisté tant bien que mal et tirent avantage d’un terrain sur lequel il est très difficile d’avancer pour les assaillants. Cela fait donc 3 semaines que les Russes n’avancent plus. 

Surtout, comment expliquer la volonté ukrainienne de défendre coûte que coûte cette ville ? Est-ce la bonne stratégie ?

Plusieurs raisons expliquent cette stratégie, qui s’est avérée payante. Cette ville était devenue symbolique, comme Stalingrad ou Verdun. Stalingrad car il s’agit d’un combat urbain extrêmement meurtrier mais qui permet de catalyser les énergies, et Verdun car elle représente l’attrition de l’adversaire. Défendre Bakhmut c’est donc défendre le sol sacré ukrainien mais aussi concentrer l’adversaire en un point précis, lui faire subir de lourdes pertes avant de passer à l’offensive quand le moment sera venu.  

Les Ukrainiens ont tout intérêt à gagner du temps, avant de prendre l’initiative. Les Russes, qui contrôlent 17% du territoire, fortifient fortement l’Est du pays. Si l’Ukraine ne parvient pas à reprendre l’avantage, on risque un statut quo, un enlisement. Il est donc primordial pour Kiev de relancer une offensive le plus rapidement possible, tant que la communauté internationale continue de fournir des équipements. Nous arrivons au mois d’avril et les conditions météorologiques sont réunies pour lancer cette grande contre-offensive. N’oublions pas que l’Ukraine dispose d’un climat continental et qu’il peut faire très chaud l’été, ce qui rajoute une contrainte supplémentaire pour le combattant et demande un approvisionnement en eau conséquent. 

En dehors de Bahkmut, la plupart des combats se sont déroulés autour de la ville d’Avdviika. Cette ville pourrait-elle être le théâtre d’affrontements pendant de longs mois, comme Bahkmut ? Quelle est l’importance stratégique de cette ville ?

Pour mener une contre-offensive puissante, chaque partie doit trouver des points de faiblesse dans les lignes de défense adverses. Ce qui est paradoxal, c’est qu’on se retrouve dans la même situation que pendant la Première Guerre mondiale, entre 1916 et 1917 avec la bataille de Verdun ou du Chemin des Dames. Aucun des deux camps n’est en mesure d’effectuer une percée décisive. Outre les AMX10-RC livrés par la France, les Ukrainiens attendent l’arrivée d’une quarantaine de chars Leopard, ce qui n’est pas suffisant. Ils se retrouvent dans une situation tactique difficile : disperser les chars pour protéger toute la ligne de front ou au contraire les concentrer sur un point précis pour briser les lignes de défense russes, ce qui est risqué.  

On craignait que la Russie ne réussisse une contre offensive pendant l'hiver. Pourquoi n'a-t-elle pas eu lieu ?

Parce qu’ils n’y arrivent pas, tout simplement. Officiellement, les Russes ont perdu plus de 1900 chars. On voit aussi que Moscou sort des chars T-55 conçus dans les années 1950 de ses stocks, qui ne font pas le poids face à un Léopard. En somme, rien ne marche comme prévu. Pour autant, les forces russes peuvent tenir très longtemps en restant sur la défensive. Le risque est donc que le conflit soit sans fin.  

Quelle part de la situation actuelle est à mettre au crédit de l'intelligence stratégique des Ukrainiens ?

On peut faire un parallèle entre ce conflit et la guerre d’hiver soviéto-finlandaise. Un peuple de 40 millions d’habitants tient tête à un peuple qui en compte 140 millions. Il y a donc une intelligence stratégique des militaires mais aussi de l’ensemble de la nation ukrainienne, dont la communauté de l’OSINT. Cette situation change complètement la donne stratégique en Europe, avec la Finlande et la Suède qui souhaitent rentrer dans l’OTAN, avant d’être désignées comme des cibles légitimes par Moscou. Nous sommes donc replongés dans la guerre froide de l’époque stalinienne.  

Et quelle part est à attribuer au soutien occidental ?

Une part extrêmement importante, même si elle est difficile à quantifier. L’Occident fournit des équipements, des munitions, des formations, un entraînement, des renseignements… Sans cela, l’Ukraine n’aurait pas pu tenir dans la durée. Mais d’un autre côté, cette aide s’appuie sur la résilience d’un peuple qui fait nation et qui pousse Moscou à l’échec.  

Quelle est la suite des opérations à prévoir ?

Il peut y avoir plusieurs scénarios :  

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