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Louis Delon, en quête de science

Communay (Rhône), correspondance particulière.

Douze ans après avoir quitté­ le monde la chimie, Louis Delon y a replongé bien malgré lui. La faute à un reportage de France Télévisions, en mai 2022, révélant une pollution massive aux substances perfluoroalkylées (Pfas), communément appelées « polluants éternels », au sud de Lyon.

Ironie du sort, le doctorat de l’ex-chimiste explorait la synthèse de ces perfluorés. « Sans tomber dans la panique, j’ai très vite eu envie de comprendre en détail de quoi il s’agissait. Les perfluorés englobent des molécules aux propriétés variées », ­expose cet habitant de Communay, à une quinzaine de kilomètres au sud de la plate­forme industrielle de Pierre-Bénite et de l’usine Arkema, le suspect numéro 1 de cette contamination.

L’ARS confirme la toxicité de l’eau

Reconverti en maraîcher sur une micro­ferme agroécologique où les oiseaux s’égosillent, Louis Delon est alors en pleine saison. Élu d’opposition à l’époque des premières révélations, il tente d’alerter le maire de sa commune. Sans succès.

La situation est pourtant délicate. Contrairement aux habitants de la métropole de Lyon, qui boivent une eau prélevée dans un champ captant en amont de l’usine, Louis Delon et ses voisins la puisent en aval.

Des prélèvements réalisés par l’agence régionale de santé (ARS) le confirmeront plusieurs fois : l’eau distribuée dans ce secteur dépasse largement la valeur plafond admise pour la concentration en Pfas.

Mais l’ARS ne recommande pas de restrictions de la consommation d’eau. « Quand j’ai compris que les autorités n’allaient rien faire, j’ai décidé de travailler le sujet dans sa globalité », retrace le quadragénaire, en croquant dans une repousse d’ail.

Louis Delon se plonge dans des revues et des rapports scientifiques. Grâce à son bagage académique, le tableau s’éclaircit petit à petit. « Cela a empiété sur mon temps de travail, ma vie familiale. Pendant quatre mois, je passais toutes mes soirées dessus. »

En fin d’année 2022, le maraîcher entend parler d’un début de mobilisation dans son secteur, le Pays de l’Ozon. Il rejoint le collectif Ozon l’eau saine avec l’objectif d’alerter les élus locaux et d’informer précisément la population. Diffuse et complexe, cette pollution invisible est en effet difficile à cerner.

Dans certaines communes, on recommande de ne pas consommer les œufs des poulaillers. Dans d’autres, on propose aux agriculteurs volontaires des analyses sur les légumes. Au sein du groupe Facebook Ensemble contre la pollution aux Pfas autour de Lyon, plusieurs centaines de citoyens partagent leurs découvertes et leurs informations parcellaires. Le besoin de réponses est flagrant.

De son côté, Louis Delon entre finalement en contact avec Sébastien Sauvé, professeur de chimie environnementale à l’université­ de Montréal, au Canada. « Je voulais qu’il m’aide à m’orienter, détaille le Rhodanien. Mais lui me propose de lui envoyer des échantillons pour ses recherches : c’était gagnant-gagnant ! » Les deux hommes se mettent d’accord. En échange d’échantillons, les analyses seront gratuites. Plus d’une vingtaine de prélèvements ont depuis été réalisés par Louis Delon, en amont et en aval du Rhône, dans des puits… Les premiers résultats sont attendus début juin.

« Nous avons ouvert une cagnotte en ligne et récolté 800 euros. Avec ça, on a organisé une réunion publique, on a envoyé les échantillons, on a fait tout le travail de recherche, on a fait des prélèvements sur le Rhône en bateau avec la fédération de pêche », expose calmement le maraîcher. Preuve, selon lui, que le peu de réaction des pouvoirs publics sur le sujet n’est pas entendable : « La première chose qu’on nous a dite, c’est que ça coûte trop cher de faire des analyses. C’est ça qui m’a révolté. On est dans une situation avérée, on a besoin de plus d’informations pour évaluer l’ampleur de la pollution et savoir quels impacts cela peut avoir sur un volet sanitaire et environnemental. Et la seule chose qu’on nous rétorque, c’est qu’il n’y a pas de plan pour des raisons financières. Je n’accepte pas cela. »

Mobilisation de la population

En attendant les résultats, la mobilisation citoyenne paie déjà. La réunion publique organisée fin mars par le collectif a fait salle comble. Les maires du Pays de l’Ozon ont depuis annoncé étudier la mise en place d’un système de traitement des eaux dans les écoles afin de garantir une eau saine aux enfants. Enfin, la collectivité­ locale s’est rapprochée de la métropole de Lyon dans le but d’être intégrée à la vaste étude épidémiologique sur la pollution aux perfluorés financée par la collectivité aux mains des écologistes. Serein, Louis Delon peut quant à lui retourner travailler sur son îlot de biodiversité.