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LR et le PS, frères siamois écorchés de la Ve République

Temps de lecture: 6 min

Dimanche 11 décembre, le parti Les Républicains (LR) doit annoncer le nom de son nouveau président. Le second tour de l'élection organisée afin de pourvoir le poste laissé vacant le début juillet par Christian Jacob oppose Éric Ciotti, député de la première circonscription des Alpes-Maritimes, et Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée et président du groupe LR au Sénat. Au premier tour, le député a devancé le sénateur: 42,7% des suffrages contre 34,4%. Il y a eu 66.216 votants sur 91.109 inscrits. Aurélien Pradié, député de la première circonscription du Lot et outsider de la joute, a obtenu 22,2% des voix.

C'est d'un parti affaibli et en proie à de nombreuses interrogations dont va hériter le futur patron de la maison. Il est déjà loin, le mouvement qui brillait de mille feux sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy (2007-2012). Voilà plus de dix ans que les héritiers du père fondateur de la Ve République, puis du néogaullisme incarné par Jacques Chirac, chef de l'État de 1995 à 2007, sont écartés de la conduite des affaires du pays. Battus à la présidentielle de 2012 (victoire du socialiste François Hollande), leurs représentants ont été éliminés dès le premier tour en 2017 (François Fillon est arrivé troisième, avec 20,01% des voix) et en 2022 (moins de 5% pour Valérie Pécresse).

D'une certaine manière, Les Républicains vivent à droite ce que le Parti socialiste (PS) endure à gauche. François Hollande a été dans l'impossibilité politique de briguer sa propre succession, les socialistes se sont déchirés entre sociaux-libéraux et frondeurs radicaux, leurs candidats se sont fait écrabouiller en 2017 (6,3% des voix pour Benoît Hamon) et en 2022 (1,7% pour Anne Hidalgo, pire score de l'histoire de son parti). Ces deux partis, piliers du bipartisme de la Ve République de 1958 à 2017, sont en quelque sorte des frères siamois écorchés: ils avaient alternativement composé tous les gouvernements pendant six décennies.

L'élection 2017, et l'explosion

Mais ça, c'était avant! Avant l'explosion en plein vol provoquée par l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017. Il y avait eu, bien sûr, des signes avant-coureurs dans les années précédentes. Sur la gauche du PS, Jean-Luc Mélenchon s'était fixé pour objectif, à la suite de son départ du Parti socialiste en 2008, après une trentaine d'années de bons et loyaux services, de réduire en miettes les solfériniens (sobriquet dérivé de l'ancienne adresse parisienne du siège du parti).

Il a patiemment construit le Parti de gauche (PG), fait alliance avec le Parti communiste (PCF) et une nébuleuse de petites formations politiques au sein du Front de gauche avant d'annoncer unilatéralement, en 2016, la mort de cette coalition pour faire naître une structure qui lui soit dédiée, en vue de la présidentielle de l'année suivante: La France insoumise.

En 2017, Jean-Luc Mélenchon a dominé de la tête et des épaules le candidat socialiste dans la course à l'Élysée, Benoît Hamon (6,3% contre 19,6% pour l'insoumis), alors même que le candidat d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), Yannick Jadot, s'était rangé derrière lui. De nouveau désigné pour la présidentielle de 2022 face à l'éco-féministe Sandrine Rousseau, l'écolo Yannick Jadot a cette fois concouru sous sa propre bannière. Résultat: 4,6% au premier tour, c'est-à-dire loin devant (si l'on peut dire) la candidate socialiste Anne Hidalgo et ses 1,7%. Une catastrophe. Dans le même temps, le chef des insoumis terminait troisième, avec près de 22% des suffrages exprimés.

Des partis marginalisés
dans les scrutins nationaux

Sur la droite de LR, il s'est passé un peu la même chose. Une forme de copier-coller. Défaite à la présidentielle de 2012 par le socialiste François Hollande, la droite parlementaire a commencé une cure d'opposition après dix-sept années passées aux manettes avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

Tandis qu'elle était sûre de revenir au pouvoir en 2017, ses espoirs se sont effondrés avec l'élimination prématurée de son champion, François Fillon, ancien Premier ministre de Sarkozy empêtré dans des histoires d'argent, avec 20% des suffrages exprimés. Cinq ans plus tard, c'est pire avec l'éjection au premier tour de sa candidate, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, qui ne rassemble que 4,8% des voix.

Lors des deux derniers scrutins, c'est l'extrême droite qui tenait le haut du pavé face à celui qui a été élu et réélu: Emmanuel Macron. Marine Le Pen, présidente du Front national (FN) devenu Rassemblement national (RN) en 2018, s'est qualifiée deux fois pour le second tour avec ses 21,3% des voix en 2017 et 23,1% en 2022.

Encore puissants dans les grandes villes qu'ils détiennent, dans les départements et dans les régions qu'ils dirigent, le PS et LR, les deux partis de gouvernement de la Ve République, ont été marginalisés dans les scrutins nationaux, au premier rang desquels l'élection présidentielle, mère des batailles électorales depuis l'élection du chef de l'État au suffrage universel (référendum de 1962). Et plus encore depuis le passage du septennat au quinquennat par référendum en 2000 (avec plus de 70% d'abstention).

La domination de LFI et du RN
à l'Assemblée nationale

Agrémenté depuis 2002 de l'inversion du calendrier électoral (législatives dans la foulée de la présidentielle), le quinquennat a accru le déséquilibre dans la répartition des pouvoirs au profit du locataire de l'Élysée. Les élections législatives ayant vocation, dans ce cadre, à confirmer le résultat politique de la présidentielle, l'Assemblée nationale alors élue avait tendance à devenir une chambre d'enregistrement des volontés du pouvoir exécutif. Il se trouve que la consultation législative de juin 2022, en ne donnant qu'une majorité relative au président réélu en avril, a quelque peu amoindri ce constat.

Le nouveau contexte parlementaire issu de ces dernières législatives donne une place, disons, secondaire au PS face à LFI au sein de la coalition électorale de la gauche, la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), dont l'architecture revient à Jean-Luc Mélenchon.

Le groupe socialiste compte 30 membres (après annulation du scrutin dans la huitième circonscription du Pas-de-Calais par le Conseil constitutionnel), contre 75 pour le groupe des insoumis. Dans une moindre mesure, le groupe néogaulliste (LR) se trouve aussi en position d'infériorité par rapport au groupe lepéniste (RN), puisqu'il dispose de 62 députés contre 88 à l'extrême droite (après annulation du scrutin dans la deuxième circonscription de la Marne).

Fâchés avec Nicolas Sarkozy
et François Hollande

La similitude entre ces frères siamois que sont LR et le PS ne s'arrête pas là. Les dirigeants actuels des deux partis ont des liens plutôt distendus –pour ne pas dire franchement mauvais– avec les deux personnalités qui ont été leur figure de proue lors des élections de 2007 et de 2012. Et qui ont chacune été élue lors de ce scrutin: Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Le premier (actuellement confronté à des ennuis judiciaires) a choisi de soutenir, sur le mode mezzo voce, le président de la République en exercice, au grand dam des candidats à la présidence de LR, Éric Ciotti et Bruno Retailleau. Ce dernier a du reste déclaré le 4 octobre, sur Europe 1, que si l'ancien chef de l'État (2007-2012), qui fut l'idole de la droite parlementaire en raison de son dynamisme, souhaitait quitter Les Républicains, il ne «le retiendra[it] pas». Une façon assez claire de lui indiquer le chemin de la porte.

Le PS va vers une certaine radicalisation sur les thèmes chers
aux insoumis, LR en direction d'une droitisation extrême sur les terrains
de la sécurité et de l'immigration.

Le Parti socialiste –il conserve une bonne popularité chez les sympathisants socialistes– n'a pas choisi, lui, de se rapprocher d'Emmanuel Macron qui fut son secrétaire général adjoint à l'Élysée, puis son ministre de l'Économie dans le gouvernement de Manuel Valls.

Cependant, la direction actuelle du parti conduite par Olivier Faure, premier secrétaire, n'entretient les meilleures relations avec lui. Elle lui reproche le virage social-libéral de son quinquennat (2012-2017) auquel, soit dit en passant, elle a participé sans protester. Cette prise de distance lui permet aussi de justifier le choix de la Nupes mélenchonienne qu'elle a fait pour sauver des sièges au palais Bourbon.

L'union des droites, pendant
de l'union des gauches

Soumis à la pression politique des deux extrêmes de l'hémicycle –LFI pour le PS, le RN pour LR–, les frères écorchés de la Ve République ont amendé leurs positions doctrinales. Les socialistes, dans le sens d'une certaine radicalisation sur les thèmes chers aux insoumis, Les Républicains, en direction d'une droitisation extrême sur les terrains de la sécurité et de l'immigration.

Ce sont ces logiques qui, de part et d'autre, feront les enjeux des deux partis dans les prochaines semaines. Pour le PS, le congrès de fin janvier dira «stop ou encore» à Olivier Faure; pour LR, les militants diront, le 11 décembre, qui est leur chevalier blanc.

À l'aune subliminale et fantasmée de l'union des droites (miroir de l'union des gauches), il ne serait pas étonnant qu'Éric Ciotti sorte du chapeau. Et provoque quelques nouvelles fêlures, en raison de sa prise de position plus que symbolique pendant la dernière campagne présidentielle: il avait dit préférer voter pour Éric Zemmour lors d'un hypothétique duel face à Emmanuel Macron. C'est tout dire!