France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Luba Jurgenson : « Certains des propos de Grossman restent inaudibles en Russie »

L’écrivaine et spécialiste de littérature russe a traduit « Souvenirs et correspondance », recueil de textes inédits de Vassili Grossman.

Article réservé aux abonnés

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés

« Souvenirs et correspondance », de Vassili Grossman, édité par Fiodor Guber, traduit par Luba Jurgenson, préface de Tzvetan Todorov, Calmann-Lévy, 400 p., 22,90 €, numérique 16 €.

Ecrivaine et professeure de littérature russe à Sorbonne Université, Luba Jurgenson a traduit du russe, sa langue natale, Souvenirs et correspondance, de Vassili Grossman. Ce volume retrace les grandes étapes de sa vie et de l’histoire soviétique à travers ses lettres, ses carnets de guerre et le témoignage de Fiodor Guber, son fils adoptif, qui vécut à ses côtés de 1937 à sa mort, en 1964. Luba Jurgenson explique en quoi cet ouvrage inédit, aux échos très actuels, offre une vision personnelle et intimiste du romancier.

Qu’apprend-on sur Vassili Grossman en lisant ces « Souvenirs » ?

Avec ce livre, on entre dans le quotidien de l’écrivain, on découvre les lieux où il a vécu, sa table de travail, ses goûts culinaires. On apprend qu’il aimait se promener dans le zoo de Moscou. Je connais bien ce zoo : enfant, j’y allais souvent. Dans le récit Tiergarten[paru dans Œuvres, Robert Laffont, « Bouquins », 2006], la seconde guerre mondiale est décrite à travers le regard d’un gardien de zoo berlinois. Depuis l’Antiquité, la littérature transpose des histoires humaines dans le monde animal. Grossman s’inscrit bien sûr dans cette lignée. Mais en lisant Souvenirs et correspondance, j’ai soudain compris qu’il est allé au zoo de Berlin, en ce mois de mai 1945, parce que c’était pour lui un lieu de promenade naturel – et c’est toute la culture citadine de l’époque qui s’exprime là.

C’est un petit exemple de la façon dont les menus détails biographiques vus par un observateur très proche peuvent ­contribuer à la connaissance d’un écrivain. Cet observateur, c’est donc Fiodor Guber, fils adoptif de Grossman, dont l’adoption se fait dans des circonstances doublement dramatiques. En effet, sa mère, Olga Guber, quitte son père pour Vassili Grossman en 1935. Fedia (Fiodor) n’a alors que 4 ans. Deux ans plus tard, son père, Boris Guber, est arrêté et fusillé en tant qu’ennemi du peuple. Ce livre est donc un document sur l’époque. Il apporte aussi des connaissances précieuses sur les relations de Vassili Grossman avec l’establishment littéraire soviétique.

Y a-t-il un passage du livre qui vous frappe particulièrement ?

A l’automne 1937, Olga Guber est arrêtée à son tour en tant que femme d’ennemi du peuple, alors qu’elle a divorcé de Boris en 1936. Les enfants restent avec Vassili Grossman, qui prend de grands risques en les accueillant. On a dit à Fiodor que sa mère était partie voir ses parents en Sibérie. Micha, son frère aîné, a tout compris quant à lui. Un matin, en se réveillant, Fiodor aperçoit le peignoir de sa mère, et comprend qu’elle est rentrée. Ce passage, écrit par Guber, m’émeut énormément. Le peignoir accroché à une poignée de porte dit avec une si belle concision la Grande Terreur [la vague de répression qui toucha l’URSS en 1936-1938, entraînant 750 000 exécutions et plus d’un million de déportations au goulag] et le sauvetage d’Olga, signes que l’enfant n’est pas encore en mesure de décrypter mais dont il saisit l’essentiel.

Il vous reste 63.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

Découvrir les offres multicomptes
  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.