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Lundi poésie : Victor Malzac entre chair et mer

Ça brûle de partout : les parties sont en feu. En plus, il fait chaud, c’est l’été (ou peut-être pas), humide et sec à la fois, quelque part dans ce sud littoral entre le cap d’Agde et la Camargue, terres du tourisme de masse aux grands ensembles décatis. C’est par là qu’a grandi le jeune poète Victor Malzac (à Saint-Georges-d’Orques dans l’Hérault, précisément), qu’il a aimé et baisé sans conteste non loin des dunes, des étangs, de la vase, du béton ou du sable. En tête, on a l’image du volcan au nord de l’éruption : ça nous ramène à l’urgence libidineuse des corps manifestée entre la fin de l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte, à la nécessité d’écrire (pour ne pas oublier ce sentiment ?) la vacance de l’esprit au profit des plaisirs de la chair.

Exemple avec cet extrait de Vacance, son dernier et troisième recueil, édité par Cheyne : «c’est mon corps, c’est ton corps dans mon corps dans ton corps, c’est dans le corps des autres, tous les corps […], je mouille, je rigole, je sue, c’est le bordel, le sel frotte ma peau, mes cornes, mes sourcils […] au bout des ongles du vernis, des cigarettes, de la cyprine, le monoï, des gens, des peaux.» Pas besoin de faire un dessin : la prose lascive du dernier récipiendaire du prix de la vocation (2021), aussi lauréat du prix de la crypte (2019), qui récompensent tous deux des auteurs de moins de 30 ans, met en rythme une envie (op)pressante à 110 km/h sur l’autoroute des désirs ardents («oui je me branle tout le temps, je ne fais que ça de me branler»). Elle est aussi fluide (en termes de genre et de sexualité) et tous les fluides (pastis, transpiration, salive, sperme, sang, pisse), haletante et à bout de souffle face à la mer : vivante. Comme si la poésie dictait la jouissance.

L’extrait

les touristes par dizaines de milliers, les voitures, les hôtels deux étoiles, les digues, le béton, le tramway bleu jusqu’à la plage, les travaux, les grues, la Grande-Motte et Carnon plage, les cartes postales, mes amantes et mes amants partout, mon humour, le vin rosé, les lunettes, les frites, les plaisanteries, le cul et les rencontres, Tinder sur tous les téléphones, les attractions de bord de mer, les oiseaux, les poissons, les corps et tous les genres dans la gueule, les fornications dans la dune, en cachette ou devant tout le monde, les gens, les gens vivants et les orgies tout près des tas, des piles, des canots, du mazout et des morts de la noyade, des déchets, des poubelles, des gisements, des canalisations, des bâtiments rouillés, la mer est lourde, la mer est vraiment stérile, je regarde, j’aime, je suis là.

Victor Malzac, Vacance, éd. Cheyne, 64 pp. 64,17 euros