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Mais qui sauvera désormais les finances publiques françaises ?

Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un sommet franco-britannique.

© Emmanuel DUNAND / AFP

Retrouver la confiance des marchés

Même si la réforme des retraites entre finalement en vigueur, elle ne réglera rien à la question de nos déficits publics massifs. Mais qui aura le capital politique suffisant pour s’y attaquer après qu’Emmanuel Macron en aura flambé autant sur une réforme sans véritable intérêt budgétaire ?

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Atlantico : Alors que les finances publiques sont en déficit majeur, la réforme des retraites ne résoudra définitivement pas le problème. Quelles seraient les potentielles solutions pour remédier à ce problème majeur que personne n’arrive à résoudre ?

Jean-Yves Archer : Effectivement, comme l'ont démontré la Cour des comptes et un homme de la qualité de Jacques de Larosière ( ancien DG du FMI et ancien Gouverneur de la Banque de France ), la situation des Finances publiques est désormais préoccupante. 

Quelques chiffres permettent de fixer la situation. La dépense publique s'élève à plus de 500 Mds d'€uros à rapporter aux 343 Mds de recettes.

L'impasse est donc matérialisée par un déficit budgétaire de plus de 150 Mds. 

Le déficit pèse la moitié des recettes et représente un montant équivalent à deux fois les recettes de l'impôt sur le Revenu des personnes physiques.

Autant dire que l'heure de grandes décisions se rapproche à pas de loup car les créanciers – pour partie étrangers qui détiennent majoritairement notre dette publique de 3.000 Mds – vont affecter de taux plus significatifs les encours prêtés à la France. 

La dette n'est pas un stock mais un flux affecté, tranche par tranche, de conditions particulières. Énivrés par des taux bas, les dirigeants de l'équipe Macron ont fait " roulé la dette " au point que son refinancement est désormais plus coûteux et proche de 3%. Ce qui implique une charge annuelle des intérêts qui va passer de 37 Mds à près de 50 Mds selon les premières estimations. 

La réforme des retraites adopté sous l'égide de l'article 49-3 présente un maigre bilan financier. Ainsi, à horizon 2030, elle ne permettra, toutes choses égales par ailleurs, que moins de 20 Mds d'économies nettes. Certains analystes, marqués par les amendements de dernière ligne droite, envisagent même que son solde flirte avec le zéro. 

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Tant "de bruit et de fureur" pour un si mince bilan coûts / avantages sans parler de l'évidente fracture sociétale. Comment imaginer faire aboutir une réforme repoussée par plus de 90% des actifs ?Ce n'est plus une roulette russe, c'est la certitude de mois de contestation. Je rappelle que si l'hypothèse du Référendum d'initiative partagé est validée, ce sont des délais de plusieurs mois. 

S'agissant des Finances publiques, jamais l'État n'a autant dépensé et " en même temps, jamais la machine publique n'a tant dysfonctionné. Obtenir un passeport est un parcours du combattant alors qu'il nous avait été dit que la biométrie allait tout faciliter !Idem pour un permis de construire, etc. 

L'État est noyé – et on le sait depuis le rapport Mandon Poitrinal -par le poids des normes et des procédures. Il est incapable de parachever la décentralisation et de tordre le cou aux multiples doublons. Il y a près de 12 Mds d'économies à récupérer dans ce volet de la dépense publique. 

En dynamique financière néo-keynésienne, il n'est pas choquant de présenter un déficit égal à 10% des recettes soit 35 Mds. Il nous reste donc à trouver des plans de rigueur – pas d'austérité – initiés par un certain Raymond Barre dans le début des années 1980 qui avaient contribué à contracter la dépense publique. Mais soyons clairs, comme l'a démontré l'économiste libéral Frédéric Bastiat, de nombreuses personnes vivent autour et grâce à l'État. 

Il est logique que la commande publique concerne tant et tant, il est toutefois hérétique de constater les courses aux subventions notamment régionales qui ne cessent de prospérer. 

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En France, trop de flux croisés existent entre le privé et le public et à l'intérieur de la sphère publique. Ce va et vient difficilement quantifiable a un impact sur le montant final des programmes. On se souvient d'un propos du regretté Olivier Dassault qui avait démontré que le coût de telle ou telle tranche du programme Rafale avait pulvérisé les prévisions du fait des reports de calendrier imputables à l'État. 

Au moment où les difficultés du monde supposent un État stratège, nous sommes trop souvent rattrapés par des considérations d'intendance et de "mismanagement".

Avec l’utilisation des multiples 49.3, la confiance des français envers les personnalités politiques est plus critique que jamais. Il y aurait-il un possible « homme de la situation » qui pourrait ranger le peuple derrière un seul et unique étendard ? Comment pourrait-il s’y prendre ?

Jean-Yves Archer : La France, depuis François 1er à Napoléon ou le Général de Gaulle aime confier son destin à un homme providentiel. 

Question de sociologie électorale que Jean Viard ou Stéphane Rozès ne manqueraient pas de formuler. Est-il encore crédible d'attendre le sauveur face à une société communautarisée et complexe ? 

Question d'indépendance nationale : on peut monter un taux de TVA ( exemple d'Alain Juppé en 1995 ) mais il faut l'accord de Bruxelles pour envisager une baisse. N'a-t-on pas laissé se créer une entité européenne qui prétend chaque jour davantage régenter nos vies sans pour autant améliorer nos existences ? 

Question de formation : seul un homme ou une femme connaissant bien l'État peut réformer notre problème central ce qui suppose qu'il soit issu du vivier d'une certaine technocratie. Or, les Français sont las de certains de ces énarques qui parlent davantage qu'ils ne font. 

Oui, ils sont las des messieurs de 40 ans qui croient tout savoir et prétendent à tout diriger. Cette verticalité, parfois méprisante, n'est plus en phase avec les attentes du corps social. 

"Un homme (ou une femme ) de la situation" pour reprendre votre terme doit probablement exister. Je le souhaite pour le destin de notre pays. 

Pour ma part, il faudrait rassembler plusieurs personnalités. 

1 ) La compétence financière d'André Tardieu ( années 30 ) clairement établie par la biographie minutieuse de Maxime Tandonnet. 

2 ) L'attachement à la République et à l'ordre républicain du Général Pierre de Villiers. 

3 ) Le brio en matière de Finances publiques de Jérôme Cahuzac( oui je sais, il a un passé au goût de passif )

4 ) Une compétence ministérielle reconnue :  François Baroin. 

5 )Une faconde et un contact populaire comme ceux dont disposait l'ancien maire de Lyon pendant 50 ans :Édouard Herriot. 

6 ) C'est d'ailleurs Herriot qui avait eu phrase acide au sujet d'Antoine Pinay : " il est malin ce Pinay, il s'est même fait une tête d'électeur ".

Effectivement le père de la Rente Pinay dégrévée de droits de succession avait su susciter la confiance des Français et du Général de Gaulle qui lui confia la tâche délicate de la création du Nouveau Franc. 

Une compétence financière, budgétaire et monétaire vu ce qui peut advenir de la zone €uro sont indispensables.

Pour le reste, l'oiseau rare existe-t-il ?

Dans le contexte actuel -politique et économique- en France, peut-on imaginer pouvoir récupérer la confiance des marchés à court ou moyen terme ?

Jean-Yves Archer : Pour l'heure, la confiance des marchés nous reste acquise mais elle est plus coûteuse. 

Je suis convaincu que seuls des techniciens internationalement reconnus comme DSK peuvent proposer des schémas de maîtrise de la dette publique française. Les autres sont en deuxième division et n'ont pas la stature. Je le répète, n'est pas le Gouverneur Baumgartner ou Antoine Pinay qui veut.

Qui -et comment- saura(it) définir une nouvelle offre idéologique (et avec quel packaging, quelle stratégie politique) pour attirer une majorité alors que le pays est d'humeur quasi révolutionnaire et que les discours anti riches, anti élites, anti capitalistes flambent et qu’Emmanuel Macron ne cesse de jeter de l'huile sur le feu ?

William Thay : Il faut différencier notre perspective à court terme de l’évolution de la situation du pays à moyen/long terme. Actuellement, nous assistons à une forte poussée des partis dits extrêmes qui tiennent un discours éloigné de l’orthodoxie budgétaire et de la rigueur des comptes publics. Ainsi, nous voyons que la coalition de la NUPES menée principalement par la France Insoumise tient un discours anti-riche, qui oblige ses alliés à aller en ce sens. La patronne d’EELV Marine Tondelier souhaite une « France sans milliardaire », et le Parti socialiste a exprimé son opposition à la réforme des retraites alors qu’il avait initié l’allongement de la durée de cotisation avec la réforme Touraine. De plus, le Rassemblement national mené par Marine Le Pen tient un discours davantage keynésien qu’encourageant la politique de l’offre, en souhaitant notamment la retraite à 60 ans avec un taux de cotisation de 42 ans pour ceux qui ont travaillé à 17 ans. Enfin, il faut ajouter que le parti présidentiel qui devait incarner un discours réformiste, a utilisé presque tout son capital politique sur la réforme des retraites et ne pourra vraisemblablement pas faire davantage. Il reste la question de LR qui pourrait prétendre à le faire mais son image s’est entachée par les divisions sur le débat portant sur la réforme des retraites. Ainsi, des aventures personnelles comme celle d’Aurélien Pradié ont cassé l’image réformatrice des Républicains sur une réforme portée de longue date par ce mouvement à chaque campagne présidentielle et qui pouvait notamment se vanter d’avoir mené sans trop d’encombres le dernier relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans sous la présidence de Nicolas Sarkozy. 

Ainsi, les perspectives ne sont pas glorieuses à court terme, notamment avec la situation pré-insurrectionnelle que nous rencontrons actuellement. Pourtant, ce n’est pas forcément ce qui va passer lors du prochain rendez-vous électoral, sauf en cas de décision précipitée d’Emmanuel Macron (dissolution ou démission). En effet, le contexte économique et social mondial est marqué par une inflation forte, une éventuelle crise bancaire et une possible remontée des taux d’intérêt. La première problématique appelle notamment à effectuer une politique de l’offre, puisque ce n’est uniquement en produisant davantage et en mettant davantage de produit en circulation que l’on arrivera à limiter l’inflation. L’enseignement de l’expérience mitterrandienne montre que la logique keynésienne ne parvient pas à répondre durablement à l’inflation puisqu’elle encourage la demande, ce qui accroit la consommation donc accélère le déséquilibre entre la demande et l’offre ce qui conduit à l’inflation. De plus, si le pays continue sa désindustrialisation et ne produit pas assez, la politique de la demande aggrave notre déficit commercial pour enrichir les producteurs allemands et chinois. La seconde problématique est différente et nous verrons les enseignements qui ont été tirés de la crise financière de 2008, ainsi l’Union bancaire, le système Bale III, et les différents mécanismes devront montrer leur solidité dans les semaines à venir sur notamment les « banques systémiques » pour éviter une crise financière de grande ampleur au moment où les finances publiques des États ont été gravement touchés par la crise sanitaire et les effets des confinements. La troisième problématique vient en lien avec les deux précédentes puisqu’il apparait vraisemblable que nous assistions à la fin de la parenthèse survenue après la crise financière de 2008. Nous avions ainsi une rupture avec les cycles économiques précédents qui étaient marqué par une période de croissance associée à une baisse des taux, une crise économique ou l’explosion d’une bulle associée à une remontée des taux, puis une baisse des taux pour encourager la reprise économique, etc. Dans ces mêmes cycles, la baisse des taux encourageait la consommation et la reprise d’activité conduisant à une inflation, à laquelle la remontée des taux devait contenir ce qui ralentissait l’activité économique, auquel on répondait par une baisse des taux. Dans la période entre 2008 et 2020, nous avions une baisse prolongée des taux d’intérêts qui parfois étaient réellement en négatifs, pour certains États, sans pour autant conduire à une inflation forte entre 2010 et 2020. Cette parenthèse s’est refermée avec la crise sanitaire qui a conduit à un choc de production provoquant un déséquilibre entre l’offre et la demande, appelant à une réponse des banques centrales. Cette remontée des taux va avoir une conséquence sur nos finances publiques et nos marges de manœuvres. Ainsi, dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 : en fonction de la montée des taux, nous pouvons avoir un renchérissement du cout de la dette de 30 à 60 milliards d’euros par an (scénario central et scénario haut). Selon Bercy, des taux plus élevés de 1 point entraîneraient une hausse supplémentaire de 17 milliards de la charge d'intérêt (soit presque l’équivalent du budget du ministère de l’Écologie). 

Ces différents éléments pourraient nous ramener dans un scénario semblable à ce que nous avons connu pendant la crise financière de 2008 tournant définitivement l’ère de l’argent magique et du « quoiqu’il en coute ». Cela conduirait et provoquerait de nouveau un clivage entre les partisans d’une politique réformiste pour répondre aux maux de la France et ceux qui préfèrent « raser gratis ». Toutefois à la différence de la campagne présidentielle de 2012, cela n’opposerait pas la gauche contre la droite, mais les partis de Gouvernement contre les partis protestataires, avec vraisemblablement un qualifié de chacun de ces camps. Dans cette hypothèse, le parti présidentiel, une éventuelle offre politique sociale-démocrate et les Républicains devront se démarquer pour incarner cette offre politique.

Comment Reagan et Thatcher ont-ils fait pour redresser les finances publiques ? Peut-on s’en inspirer ?

William Thay : Margaret Thatcher et Ronald Reagan sont arrivés au pouvoir dans un contexte économique particulier marqué par une forte inflation, l’échec des recettes keynésiennes après les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, le début de la mondialisation. Ils ont ainsi provoqué ce que l’on appelle la première révolution conservatrice en s’appuyant sur une politique de l’offre sous l’inspiration de Milton Friedmann. 

Ainsi Margaret Thatcher récupère un pays marqué par une forte inflation (environ 15% par an), qui a sollicité une aide du FMI et qui est l’homme malade de l’Europe. Elle met en place les recettes appelés « néo-libérales » reposant notamment sur : une réduction du poids de l’État (baisse des dépenses publiques et privatisation), libéralisation du marché du travail, spécialisation de l’économie britannique vers le secteur tertiaire et notamment bancaire donc transfert de la production vers les pays émergent, une politique monétaire pour réduire l’inflation via la remontée des taux et lutte contre le poids des syndicats. Cela a conduit ainsi à une période de croissance au Royaume-Uni engendrant davantage de recettes fiscales malgré la baisse des taux d’imposition vérifiant la Courbe de Laffer d’autant que dans le même temps, les dépenses de l’État ont diminué. Ces baisses reposent ainsi sur un poids de l’État moins important (la part de l’emploi public a évolué 10% à 5% dans le PIB). Ces augmentations de recettes et ces baisses de dépenses ont pu redresser la situation des finances publiques au Royaume-Uni sous l’ère de Margaret Thatcher. 

Du côté de Ronald Reagan, la situation est à la fois semblable même si elle possède des différences. La situation économique des États-Unis était moins catastrophique que celle du Royaume-Uni, même si le pays était marqué par les deux chocs pétroliers, la forte inflation et l’échec des recettes keynésiennes pour y faire face. L’ancien président des États-Unis a en conséquence lancé une politique appelée « Reaganomics » qui est le plus grand bouleversement de politique économique depuis le New Deal de Roosevelt. Celle-ci repose sur 4 piliers : la baisse des dépenses du Gouvernement fédéral, la réduction des impôts et des taxes portant sur le capital et le travail, la réduction des normes, et la réduction de l’inflation par une maitrise de la politique monétaire. Cela a conduit à une baisse de l’inflation de 10% en 1980 à 4% en 1988, une baisse du taux de chômage à 5% en 1988 (qui était monté à 12% en 1982), une croissance annuelle de 3,5%, mais une augmentation de la dette de 26% du PIB au début de sa présidence à 41%. Toutefois, ce dernier point doit être pris avec plus de nuance que pour nos cas en Europe pour deux raisons principales : les dépenses militaires américaines et la puissance du dollar. Une grande partie des dépenses budgétaires fédérales concernaient le budget militaire dans notamment un contexte de guerre froide où Ronald Reagan voulait notamment imposer une course militaire à l’URSS pour la mettre à mal sur le plan économique. Sur le dollar, l’impact de l’endettement des États-Unis est moins important pour les Américains que pour nous, car ils possèdent la monnaie internationale de référence qui permet notamment implicitement de pouvoir s’endetter assez facilement. 

En conséquence, nous avons plusieurs points de parallèle qui peuvent être intéressant, avec notamment la politique pour réduire l’inflation qui repose au moins sur deux piliers : une politique de l’offre pour soutenir la production (baisse des normes, des taxes, et libéralisation du marché du travail) ainsi qu’une politique monétaire restrictive pour réduire la masse monétaire. Cela nécessite toutefois sur le dernier point de réduire notre déficit public et notre endettement sous peine d’entrer dans une crise des dettes souveraines comme l’a connu la zone euro après la crise financière de 2008. 

Comment le général De Gaulle a-t-il réussi à imposer le plan Pinay Rueff ?

William Thay : Lorsque le Général de Gaulle reprend le pouvoir en 1958, le pays est marqué par la crise avec l’Algérie, une crise institutionnelle avec l’instabilité de la IVème République, et un pays marqué par une forte inflation (aux alentours de 15%), une balance des paiements déséquilibrée, et un déficit budgétaire important non comblé depuis 1931. Pour répondre à cette situation et surtout réaliser son objectif de redresser la compétitivité française et se donner les armes de remettre la France dans le concert des nations afin de faire entrer le pays dans l’ère gaullienne, le Général de Gaulle commande un plan à Jacques Rueff. Ce dernier remet un plan qui possède trois objectifs : stabiliser le budget (politique budgétaire), consolider la monnaie (politique monétaire) et préparer l’ouverture commerciale de la France (politique économique et commerciale). Ce plan s’appuie sur 4 mesures phares : une dévaluation du Franc de 17,5% couplée à une limitation de 4% des hausses de salaire, l’introduction des nouveaux francs, la réduction de l’inflation par l’équilibrage des balances de paiements. 

Ce plan a pu être facilité par le contexte politique marqué par un Gouvernement d’Union nationale même si le plan devait cependant être accepté par les différents partis au pouvoir. Nous avions d’un côté un clivage au sein des gaulliste entre les partisans d’une politique plus sociale et d’autres plus libéraux. À cela, il faut ajouter les réticences d’Antoine Pinay, chef du CNIP, et du MRP (démocrates-chrétiens), ainsi que l’hostilité de la SFIO (ancêtre du Parti socialiste) qui ont à tour de rôle menacé de démissionner et de rompre le Gouvernement d’Union nationale. Il a fallu la menace de la démission du Général de Gaulle et le retour du spectre de la crise d’Algérie, ainsi que le plein pouvoir pour faire passer ce plan par ordonnances.

Faut-il regarder du côté des social-démocraties nordiques ?

William Thay : Si les modèles sociaux-démocrates nordiques peuvent apporter des enseignements en termes d’efficacité de politiques publiques, ou d’idées à importer, je serai plus prudent sur leur faisabilité en France en matière économique et sociale. Tout d’abord, le projet de transformation porté par Emmanuel Macron qui reposait initialement dessus sous l’impulsion de Pisany-Ferry s’est heurté à la crise des Gilets jaunes en 2018. Finalement le contexte que l’on rencontre actuellement n’est-il pas que la poursuite des mouvements sociaux que nous avons connue en 2018, 2019 et début 2020 à la fois avec les Gilets jaunes que sur la première réforme des retraites ? Que nous n’avons connu qu’une parenthèse avec la crise sanitaire et les confinements ? Ensuite, certaines aspirations sont similaires en matière de justice sociale avec une part prépondérante des dépenses sociales et de poids de l’État dans l’économie mais nos modèles politiques restent différents. En effet, ils sont davantage portés sur la co-construction entre le patronat et les syndicats, ce qui n’est pas notre culture politique davantage fondée sur le rapport de force. Enfin, si ce modèle est possible chez eux, parce que les syndicats sont représentatifs et ont un poids important dans la société pour accompagner des transformations, je ne suis pas sûr que les syndicats puissent porter un projet de réforme. Ils ont davantage un rôle de catalyseur de la contestation dans notre pays, au regard du faible taux de syndicalisation.

William Thay, président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques.

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