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Manifestations du 31 janvier en direct : à Toulouse, « de toute façon, je crois que notre génération ne bénéficiera même pas d’une retraite »

Dans le cortège de la manifestation contre la réforme des retraites, à Valenciennes, le 31 janvier 2023.

Live en cours

Près de 250 rassemblements sont prévus à travers la France. Les transports sont perturbés, malgré un taux de grévistes de 36,5 % à la SNCF, selon les syndicats, inférieur au 19 janvier. Nos journalistes et photographes vous racontent cette journée depuis Quimper, Toulouse, Valenciennes, Paris ou Marseille.

Le point, à la mi-journée, sur ce deuxième jour de mobilisation contre la réforme des retraites

  • D’Arras à Marseille en passant par Toulouse et La Réunion, les opposants à la réforme des retraites ont commencé à défiler mardi matin. A Paris, le cortège doit s’élancer place d’Italie à 14 heures. En tout, près de 250 rassemblements sont prévus à travers le pays.
  • Douze jours après l’acte 1 de la contestation dans la rue – qui avait rassemblé entre un et deux millions de manifestants selon les sources –, les syndicats espèrent mobiliser au moins autant. « Si la première ministre n’a pas entendu le message, aujourd’hui on va le lui dire plus haut, plus fort et plus nombreux », a dit le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
  • Une réunion intersyndicale doit avoir lieu mardi à partir de 18 heures au siège de FO pour décider des suites du mouvement, et probablement annoncer au moins une nouvelle journée de mobilisation.
  • La grève est très suivie dans les transports avec une circulation des métros et RER « très perturbée » en région parisienne. Sur le réseau ferré, les trains circulent au compte-gouttes.
  • Le ministère de l’éducation nationale comptabilisait à la mi-journée un taux d’enseignants grévistes de 25,92 % – dont 26,65 % dans le primaire et 25,22 % dans le secondaire (collèges et lycées), en recul par rapport au 19 janvier. Le SNES-FSU, premier syndicat du secondaire, chiffrait, lui, à 55 % le nombre de professeurs des collèges et des lycées en grève.
  • Mardi matin, des lycéens se sont mobilisés, notamment dans une poignée d’établissements parisiens. Des étudiants étaient également mobilisés, comme au site Saint-Charles de l’université Aix-Marseille. A Paris, Sciences Po a été occupé dans la nuit par une cinquantaine d’étudiants.
  • La CGT a annoncé 75 à 100 % de grévistes dans les raffineries et dépôts de TotalEnergies. Quant aux grévistes d’EDF, ils ont occasionné, dans la nuit de lundi à mardi, des baisses de charges dans les centrales électriques de « près de 3 000 MW » – l’équivalent de trois réacteurs nucléaires –, mais sans provoquer de coupures.

Tout le live

Olivier Faure (PS) dans le cortège de la manifestation à Paris, le 31 janvier 2023.

Jonathan et Elise sont enseignants au Blanc-Mesnil, en élémentaire. Elle a 44 ans et lui 43 ans. Ils sont à la FSU et attendent le départ du cortège sur l’avenue des Gobelins. Ils ont déjà participé aux manifestations de 2019 et à celle du 19 janvier. « On a fait une simulation, dit Élise. Si je veux la retraite à taux plein, il faudrait que je travaille jusqu’à 68 ans et ne se voit pas avec des petits jusqu’à cet âge là. » Ils ont trois enfants et disent ne plus rien comprendre aux histoires de trimestres, de bonus. Ils ont voté LFI puis Macron et estiment que pour que les choses changent, il faudrait que les gens aillent voter, se sentent concernés. Surtout les jeunes.

Paris, le 31 janvier 2022 Pierre Bouvier

Environ 16 000 manifestants à Quimper, selon les syndicats

Vers 13 heures, dans le centre-ville de Quimper, la manifestation prend fin là où elle avait commencé, place de la Résistance. La foule se disperse rapidement, la faim ayant raison de ceux qui n’avaient pas emporté leur déjeuner. Ils auront été environ 16 000, mardi, à défiler contre la réforme des retraites, selon Gilbert Gléonec, secrétaire de l’union départementale CGT. La police annonce, de son côté, 12 000 manifestants contre 13 000 le 19 janvier. Une mobilisation qui reste importante pour une ville de 63 500 âmes, où les retraités représentent près de 30 % des plus de quinze ans.

Avec 10 000 personnes à Morlaix, 30 000 à Brest (20 000 selon Ouest-France), 6 000 à Quimperlé (5 000 selon la police) et 2 000 à Carhaix (1 900 selon la police), le secrétaire CGT se félicite d’une mobilisation plus importante que le 19 janvier au niveau départemental. D’autant qu’au-delà des défilés, « ça bouge dans les boîtes aussi, certaines débrayent mais les salariés ne viennent pas forcément manifester ». Comme son collègue de la CFDT, Gilbert Gléonec est persuadé que les revendications des manifestants dépassent la seule réforme des retraites : « Les salaires, la perte de sens, les conditions de travail ou encore le management brutal : le niveau de mal travail en France est juste extrêmement élevé. »

Tassés autour du camion qui distribue sandwichs, bière et boissons chaudes, les élus syndicaux attendent la réunion intersyndicale nationale, mardi soir, pour décider de la suite à donner à cette mobilisation. « Le plus grand intérêt est de garder l’intersyndicale et l’unité », conclut Gilbert Gléonec.

Sandra Favier

Maud Renou, institutrice en Loire-Atlantique : « A 64 ans, on est usé. J’ai vu des collègues qui se laissent couler tellement elles ou ils sont épuisés »

La pancarte de Maud Renou, 45 ans, institutrices à Blain, à 40 kilomètres au nord de Nantes, vaut pour programme : « Elisabeth, la borne, c’est 62 ans ». Un dessin montre aussi une enseignante marcher avec un déambulateur, en lançant gaiement à ses élèves : « Les enfants, suivez-moi : on va au gymnase ».

Ce cauchemar-là, l’idée de travailler deux années supplémentaires, pas question de le vivre, énonce Mme Renou : « J’aime mon métier mais je ne me vois pas faire classe à 24 enfants de 6 ans dans une vingtaine d’années, ni même avoir l’énergie de monter des projets comme je le fais aujourd’hui, dit-elle. À 64 ans, on est usé. J’ai vu des collègues qui se laissent couler tellement ils ou elles sont épuisés ».

Selon l’enseignante - qui a voté pour l’écologiste Yannick Jadot lors du premier tour la présidentielle, avant de s’abstenir au second tour – Emmanuel Macron « n’a pas été élu pour mener cette réforme des retraites, contrairement à ce qu’il dit ». Elle ajoute : « Le chef de l’Etat a mon âge, je ne comprends pas comment il peut se montrer aussi méprisant envers les gens qui ont peu. Comment le gouvernement peut-il défendre que cette réforme est juste, alors que les femmes sont perdantes ? Et ce, alors que souvent, elles prennent des temps partiels pour s’occuper de leurs enfants quand ils sont en bas âge. »

Dans le cortège, Mélanie Le Blay, animatrice périscolaire de 28 ans à Saint-Nazaire, est sur la même longueur d’onde : « Se trouver face à une cinquantaine d’enfants qui se mettent à crier dans une salle, c’est quelque chose qu’il faut éprouver pour comprendre ce que c’est. Il y a une vraie pénibilité aussi dans nos métiers. Porter des enfants, changer les couches : je vois bien que pour des collègues plus âgées, c’est compliqué. Il y a la fatigue, et la patience qui parfois fait défaut. Tout le monde aspire à bosser convenablement mais il faut que les règles restent humaines ».

Maud Renou, 45 ans, institutrice, lors de la mobilisation contre la réforme des retraites à Saint-Nazaire, le 31 janvier 2023.

A Valenciennes, « vaut mieux perdre quelques heures de salaires maintenant plutôt que quelques années plus tard »

« On avait un peu peur qu’il y ait moins de monde, finalement ça a été. » Alors que les manifestants valenciennois se dispersent après une déambulation de deux heures dans le centre-ville, Christine, professeur des écoles de 60 ans, est rassurée. Ils étaient 5 000 mardi matin d’après la préfecture, et 10 000 selon la CGT. Les syndicats étaient présents en nombre. En revanche, jeunes, étudiants et salariés du privé ont fait défaut. La manifestation du 19 janvier avait rassemblé plus de 6 000 personnes.

« Perdre deux jours de salaire sur un mois, c’est compliqué pour certains », reconnaît Céline, professeure en école maternelle. « Vaut mieux perdre quelques heures de salaires maintenant plutôt que quelques années plus tard », rétorquait Dominique, 56 ans. Avec la réforme, cette professeure des écoles devrait travailler un an de plus pour partir à taux plein – « si j’ai bien compris parce que c’est flou » – et ça ne l’enchante pas vraiment : « On ne fait plus le même métier qu’il y a vingt ans. Non seulement on doit gérer des enfants-écrans, intolérants à la moindre frustration, mais aussi leurs parents, mécontents quand on réprimande leurs gamins ». Alors travailler à 64 ans, c’est non.

A droite, Dominique, 56 ans enseignante, professeur des écoles à La Sentinelle en périphérie de Valenciennes. A gauche, Christine 60 ans, professeur des écoles à La Sentinelle en périphérie de Valenciennes, le 31 janvier 2023. Alexandre Lenoir

36,5 % de grévistes à la SNCF, contre 46,3 % le 19 janvier, selon les syndicats

De source syndicale, le taux de gréviste atteint 36,5 % à la SNCF mardi pour la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, contre 46,3 % le 19 janvier. La direction de la SNCF n’a pas souhaité confirmer ces chiffres.

La journée se déroule conformément aux prévisions de la direction.

Niveau circulation, seul un TGV sur trois circule en moyenne, quasiment pas d’Intercités et deux TER sur dix. Le mouvement de mobilisation affecte beaucoup le trafic des trains de banlieue en Ile-de-France, avec en particulier un train sur dix, en moyenne, sur les lignes C, D, E, J, L, N, P et R qui, pour la plupart d’entre elles, ne fonctionnent qu’aux heures de pointe et/ou sur une partie de leur parcours.

A Colmar : « Ce n’est pas ce monde que je veux laisser à mes enfants. »

Ils étaient environ 300 à manifester mardi matin devant le siège de la Collectivité européenne d’Alsace, à Colmar (Haut-Rhin), à l’appel de la CGT. Une mise en jambe pour certains, à l’image de Yacine Lemkiti, qui prévoit d’aller ensuite défiler à Mulhouse. A 28 ans, le cheminot se mobilise pour un sujet qui ne le concernera pourtant pas avant plusieurs décennies. « Mais si les jeunes ne s’engagent pas, qui va le faire ? Ce n’est pas ce monde que je veux laisser à mes enfants. » Secrétaire de la section CGT de Colmar, il est surpris par l’ampleur de la mobilisation. « Des plans de transport à zéro train, on n’avait jamais connu ça ! (...) C’est un mouvement de solidarité, tout le monde est impacté », note-t-il.

Véronique Haefflinger non plus ne se bat pas pour elle : à 58 ans, elle est jeune retraité de l’éducation nationale. Elle s’était déjà mobilisée à Mulhouse le 19 janvier. Aujourd’hui, elle est venue avec plusieurs amies. « La précédente réforme fait que je suis partie avec une décote de 9 %, après pourtant quarante années de services. Cette réforme est encore plus injuste. Le service public est en miettes, il n’est pas à l’image de la France des Lumières », dit-elle.

Nathalie Stey (Strasbourg, correspondance)

« Plus de monde » dans la rue que le 19 janvier, selon Berger (CFDT)

Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a affirmé mardi à la mi-journée qu’il y avait « plus de monde » dans la rue que lors de la dernière journée de mobilisation contre la réforme des retraites. « Tout ce qui nous remonte partout en France ce sont de très très gros chiffres, largement aussi bien voire mieux que le 19 janvier », a-t-il déclaré, tandis que son homologue de la CGT, Philippe Martinez, a jugé que les manifestants étaient « au moins aussi nombreux ».

« Ce qu’on attend maintenant c’est que le gouvernement rouvre le dossier et renonce aux 64 ans et se mette enfin autour de la table parce qu’il y a un rejet massif de sa réforme. Il faut qu’il entende », a plaidé M. Berger.

« Si le gouvernement et le président de la République continuent avec ce ton dédaigneux des mobilisations, il faudra durcir le ton, et la question des grèves reconductibles est posée », a pour sa part prévenu M. Martinez.

A Quimper : « la retraite, c’est comme la galette, on la veut complète »

A Quimper, c’est surtout contre le report de l’âge légal de départ et la fin des régimes spéciaux que Bruno, 58 ans, est remonté. Chauffeur routier, il voit s’éloigner, avec la nouvelle réforme, son droit à une pré-retraite à 57 ans. Or, « après, on est inapte à la conduite et on risque tous de finir notre carrière en longue maladie », anticipe-t-il. Alors, si le gouvernement maintient son projet, « on n’aura pas d’autre choix que de bloquer les routes », dit-il, assumant le risque de perdre son permis de conduire – sanction possible à l’encontre des routiers participant à des blocages. Bruno devait partir en retraite en mai.

Plus à l’arrière du cortège, qui semble s’étendre sans fin dans les rues du centre-ville quimpérois, Julie, 40 ans, défile avec ses collègues. Aide à domicile depuis vingt ans, elle souhaite que la pénibilité soit davantage prise en compte dans son métier. Tous les jours, elle porte ses patients, les transfère du lit au fauteuil, elle les lave et fait aussi le ménage. Aujourd’hui, elle s’est arrangée : elle a déplacé des heures et a cherché à se faire remplacer pour manifester. Sous un air de « la retraite, c’est comme la galette, on la veut complète » crié dans un mégaphone, Julie, Bruno et le cortège poursuivent leur route.

Sandra Favier

A Toulouse : « De toute façon, je crois que notre génération, vu l’état du monde, ne bénéficiera même pas d’une retraite »

A Toulouse, près de 80 000 manifestants déambulaient dans les rues selon Cédric Caubère, secrétaire général de la CGT Haute-Garonne, et 34 000 selon la police. Un chiffre en légère augmentation par rapport au 19 janvier.

Dans le cortège qui noircit les allées Jean-Jaurès, Clément (30 ans) et Caroline (37 ans) font partie de la petite délégation des « Airbusiens », comme on dit à Toulouse : tous deux sont ingénieurs chez Airbus. « En 2019, Macron disait que le report à 64 ans serait hypocrite, il serait bon qu’il s’en souvienne », lance Clément, qui précise : « j’ai voté contre Le Pen et pas pour Macron comme des milliers de Français, il le sait aussi ».

Pour Caroline, c’est tout l’avenir du régime des retraites qui est en danger : « Qui nous dit que dans dix ou quinze ans, on nous prolongera pas encore ? » Pour cette mère de deux enfants, « de toute façon, je crois que notre génération, vu l’état du monde, ne bénéficiera même pas d’une retraite ». 

Clément préfère souligner le fait que « même si les conditions de travail sont bonnes à Airbus, il faut savoir qu’on fait des études longues. Cinq à six ans pour un ingénieur, donc on partira encore plus tard. Pour ma part, après avoir simulé ma carrière, ce sera 64 ans au lieu de 62 ans, c’est inacceptable ! »

Phillippe Gagnebet

Les archives sont cruelles. Emmanuel Macron s’en agace. Lorsque, invité de l’émission « L’Evénement », pour un grand entretien politique sur France 2, le 26 octobre 2022, la journaliste Caroline Roux lui rappelle ses mots de 2017 sur les retraites, le président de la République se fâche. « Ce n’était pas le même monde ! », se défend-il. A l’époque, le chef de l’Etat avait affirmé : « Je ne propose pas de décaler l’âge de départ à la retraite, ce n’est pas juste. Et les sacrifiés, ce sont ceux qui ont aujourd’hui autour de 60 ans ».

Depuis, explique-t-il, le Covid-19, la dette générée par le « quoi qu’il en coûte » et les effets de la guerre en Ukraine ont changé la donne. Assez pour justifier, six ans plus tard, une réforme préconisant, initialement, un départ à la retraite à 65 ans. La Terre tourne, c’est un fait.

Dans la même émission, le chef de l’Etat explique qu’« il n’y a qu’un moyen de faire, si on est lucide, c’est de travailler plus longtemps ». Bien qu’« ouvert » aux requêtes des partenaires sociaux tendant à assouplir sa copie, il « n’y a aucune hypothèse de travail où l’on peut s’arrêter à 63 ans à horizon de ce quinquennat », pointe-t-il. Trois mois plus tard, c’est pourtant cette hypothèse qui est retenue, avec un décalage progressif de l’âge de départ à la retraite de 63 ans en 2027, pour aller jusqu’à 64 ans en 2030, à moins qu’une clause de revoyure à la fin du quinquennat ne stoppe cet élan.

Lire aussi : Emmanuel Macron et les zigzags de la réforme des retraites

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A Saint-Nazaire : « J’ai envie de profiter de ma retraite, pas de mourir avant »

Au milieu d’un cortège réunissant près de 14 000 personnes à Saint-Nazaire (selon la police), Sébastien Angibaud, 49 ans, le dit tout net : il ne veut pas devoir continuer à travailler au-delà de 62 ans. « Le soir, quand je rendre chez moi, j’ai déjà les genoux fatigués, confie cet électricien qui travaille à la Sides (Société industrielle pour le développement de la sécurité), usine de construction de véhicules d’incendie et de secours. Même si d’autres font sans doute un métier encore plus pénible que le mien, je sens que ça tire dur dans le corps. On passe la journée à monter et descendre de camions, et nos positions de travail ne sont pas faciles. »

L’homme, en couple et père d’une enfant, gagne 1 800 euros net par mois et pâtit déjà d’une carrière tronquée du fait de contrats précaires « alignés en début de carrière dans le domaine socioculturel ». « J’ai envie de profiter de ma retraite, pas de mourir avant, décoche-t-il. Autour de moi, je vois bien qu’à partir de 62 ans, il y a des gens qui commencent à ne pas être bien ».

M. Angibaud, qui a voté pour Yannick Jadot (écologiste) au premier tour de la présidentielle avant de voter Emmanuel Macron au deuxième tour, se fend de la mise au point suivante : « Macron a gagné l’élection, c’est vrai, le score est là. Mais il n’a pas le droit d’oublier le contexte de cette élection. J’aurais bien aimé ne pas voter pour lui, mais j’ai estimé qu’il n’y avait pas le choix. En tout cas, ma voix n’était certainement pas pour son programme sur les retraites. »

Yan Gauchard (Nantes, correspondant)

A Valenciennes : « Ca bougera pas. Pour qu’ils retirent la réforme, il faudrait faire la grève tous les jours… »

A Valenciennes (Nord), le cortège s’étend sur plus d’un kilomètre. Selon les observateurs présents aux manifestations de mardi et du 19 janvier, l’affluence serait toutefois moindre qu’il y a deux semaines. La préfecture a annoncé 5 000 personnes, contre 6 000 le 19 janvier.

Dans le cortège de la CFTC, on est clairement moins nombreux. « Certains ont préféré aller à Maubeuge, Lille et Paris », explique David, 53 ans, vendeur chez Carrefour. Deux ans de travail en plus ? Impossible selon lui : « j’ai déjà mal aux genoux quand je mets les articles en rayon ». Il manifeste donc, mais sans espoir. « Ca bougera pas. Pour qu’ils retirent la réforme, il faudrait faire la grève tous les jours… Comme en Mai 68 ou comme les mineurs qui lâchaient pas l’affaire eux… Là, les vacances vont arriver. Après on en parlera plus. »

Le 19 janvier, Anaïs, professeure dans une école primaire à Denain, était accompagnée de dix-sept de ses collègues de l’école. Aujourd’hui, ils ne sont que deux. « Ils ne voulaient pas reperdre une journée de salaire ». Avec la réforme, Anaïs a fait ses calculs : elle devra attendre 67 ans si elle veut partir avec une retraite à taux plein et toucher 1 800 euros par mois. Mais à cet âge, « les cris, les pleurs… j’aurai plus la patience, ni l’énergie ».

Alexandre Lenoir

« Pourquoi pensez-vous que tous les serveurs ont 22 ans ? Parce qu’à 60 ans, tu peux plus faire ça ! »

Guillaume, 31 ans, serveur dans un restaurant parisien, ne fait pas grève mais soutient le mouvement :

« Nous, si on fait grève ça ne sert à rien du tout, ça ne se voit pas. Mais j’ai dit à la maîtresse de maternelle de mon fils, qui est en grève aujourd’hui, qu’on la soutenait à fond et qu’elle pouvait faire autant de journées de grève qu’elle voulait, on se débrouillerait ! Dans la restauration, déjà qu’on n’arrive pas à recruter parce que c’est dur et pas assez payé, alors imaginez quand on entend qu’on va bosser deux ans de plus ? Pourquoi pensez-vous que tous les serveurs ont 22 ans ? Parce qu’à 60 ans, tu peux plus faire ça ! C’est pas possible ! Ce gouvernement se moque de nous. »

Aline Leclerc

Jean-Luc Mélenchon : « M. Macron est certain de perdre »

Comme le 19 janvier, Jean-Luc Mélenchon a choisi Marseille, son ancienne terre d’élection, pour défiler contre la réforme des retraites. « Ce jour est un jour très particulier. Ce n’est pas souvent que l’on voit une telle mobilisation de masse à l’appel des syndicats. Il y aura un avant et un après. Aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle phase », a estimé le dirigeant de La France insoumise (LFI) avant d’aller saluer le cortège de tête.

Se félicitant de voir se créer « des formes nouvelles de combat », comme la fourniture gratuite d’électricité à l’initiative de certains syndicats, M. Mélenchon voit dans « ces formes de solidarité (…) la puissance du mouvement qui est en train de s’amorcer ». « En quelque sorte, une forme d’insurrection citoyenne de la masse de notre peuple » face à une réforme dont, selon l’ancien député des Bouches-du-Rhône, « personne ne veut ». « M. Macron est certain de perdre. Tout ce qu’il fait est de nous faire perdre du temps à tous, de l’énergie et de l’argent », a poursuivi le dirigeant de gauche.

Jean-Luc Mélenchon a également appelé à un référendum sur la question. « Je mets au défi les autres partis soit disant d’opposition et même certains députés de la majorité de voter la motion référendaire que déposera la Nupes devant l’Assemblée nationale ». « Nous avons une issue pacifique et démocratique. Faisons voter les Français », a-t-il demandé alors que le cortège marseillais commençait son long parcours.

Gilles Rof (Marseille, correspondant)

Des cortèges de manifestants dans d’autres villes de France :

A Laval, le 31 janvier 2023. A Perpignan, le 31 janvier 2023.

A Quimper, les gens « ne viennent pas que pour manifester contre la réforme des retraites : ils en ont juste ras-le-bol »

Près d’une heure avant le départ prévu du cortège, les coins de la place de la Résistance à Quimper (Finistère) s’emplissent déjà de manifestants. Près de la voiture de la CFDT, surmontée pour l’occasion de deux imposantes enceintes et de ballons oranges, les délégués syndicaux s’interrogent sur l’affluence.

Le 19 janvier, entre 13 000 et 16 000 personnes avaient défilé contre le projet de loi. « Beaucoup n’étaient pas venus parce qu’ils n’y croyaient pas, mais cette semaine, ils seront là, veut croire Joël Ledantec, secrétaire de l’union départementale CFDT Finistère. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ne viennent pas que pour manifester contre la réforme des retraites : les gens en ont juste ras-le-bol, c’est la fin de la démocratie solidaire. »

Le délégué syndical espère réunir au moins autant de monde que le 19 janvier. Même si faire grève coûte cher : « Nous, on habite tous à la campagne, on sait combien coûte le gazole », dit-il. Alors certains « s’arrangent », d’autres « assument » le coût. En tout cas, mardi, « il y a de tout », assure le syndicaliste, en référence aux branches chimie-énergie, santé, agriculture ou encore transport routier de la CFDT présentes dans la foule.

A quelques minutes du départ du cortège, l’ambiance s’échauffe, les sifflets s’éveillent, et un premier pétard diffuse sa fumée épaisse au-dessus de la place déjà bondée.

Sandra Favier

Plusieurs antennes de Radio France touchées par la grève

A l’image de la première journée de mobilisation le 19 janvier, les antennes de Radio France étaient bien perturbées mardi matin. Les organisations syndicales CFDT, CGT, FO, SNJ, Sud et Unsa représentatives du service public avaient déposé un préavis de grève « afin de permettre aux salariés et salariées de participer à la mobilisation et de se joindre aux manifestations ». Si le nombre de grévistes au sein du groupe radiophonique public n’était pas connu et communiqué en fin de matinée, plusieurs antennes restaient dégradées.

La matinale de France Inter, toujours première radio de France selon la dernière vague de Médiamétrie, était simplement constituée d’un flash info chaque heure et de l’habituelle playlist musicale en temps de grève.

Aussi, les antennes de plusieurs des 44 locales de France Bleu (Nord, La Rochelle, Orléans, Pays Basque, Isère, Cotentin ou encore Paris) n’ont pas eu lieu ce matin, faute de journalistes ou de techniciens pour les assurer.

Sur Franceinfo, la traditionnelle matinale de Marc Fauvelle avait néanmoins bien lieu, contrairement à celle de Guillaume Erner sur France Culture, remplacée par la playlist de la station. La chaîne au logo violet – qui a vu sa directrice Sandrine Treiner démissionner de son poste la semaine dernière alors qu’elle était mise en cause par les conclusions d’une enquête sur le management – ne doit reprendre sa programmation habituelle qu’à 15 heures au mieux.

Brice Laemle

Le contexte

  • Deuxième round. Galvanisés par le succès de leur première mobilisation contre la réforme des retraites – 1,12 million de manifestants selon les autorités, plus de deux millions d’après les organisateurs –, le 19 janvier, les huit principaux syndicats appellent à manifester « encore plus massivement », mardi 31 janvier.
  • D’Arras à Marseille en passant par Toulouse et La Réunion, les opposants à la réforme des retraites ont commencé à défiler mardi matin. A Paris, le cortège doit s’élancer place d’Italie à 14 heures. En tout, près de 250 rassemblements sont prévus à travers le pays.
  • Douze jours après l’acte 1 de la contestation dans la rue – qui avait rassemblé entre un et deux millions de manifestants selon les sources –, les syndicats espèrent mobiliser au moins autant. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a affirmé à la mi-journée qu’il y avait « plus de monde » dans la rue que le 19 janvier. Une réunion intersyndicale doit avoir lieu mardi à partir de 18 heures au siège de FO pour décider des suites du mouvement, et probablement annoncer au moins une nouvelle journée de mobilisation.
  • La grève est très suivie dans les transports avec une circulation des métros et RER « très perturbée » en région parisienne. Sur le réseau ferré, les trains circulent au compte-gouttes. De source syndicale, le taux de gréviste atteint 36,5 % à la SNCF mardi pour la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, contre 46,3 % le 19 janvier. La direction de la SNCF n’a pas souhaité confirmer ces chiffres.
  • Le ministère de l’éducation nationale comptabilisait à la mi-journée un taux d’enseignants grévistes de 25,92 % – dont 26,65 % dans le primaire et 25,22 % dans le secondaire (collèges et lycées), en recul par rapport au 19 janvier. Le SNES-FSU, premier syndicat du secondaire, chiffrait, lui, à 55 % le nombre de professeurs des collèges et des lycées en grève. Mardi matin, des lycéens se sont mobilisés, notamment dans une poignée d’établissements parisiens. Des étudiants étaient également mobilisés, comme au site Saint-Charles de l’université Aix-Marseille. A Paris, Sciences Po a été occupé dans la nuit par une cinquantaine d’étudiants.
  • La CGT a annoncé 75 à 100 % de grévistes dans les raffineries et dépôts de TotalEnergies. Quant aux grévistes d’EDF, ils ont occasionné, dans la nuit de lundi à mardi, des baisses de charges dans les centrales électriques de « près de 3 000 MW » – l’équivalent de trois réacteurs nucléaires –, mais sans provoquer de coupures.
  • Elisabeth Borne s’est montrée ferme dimanche, affirmant sur Franceinfo que le report de l’âge légal de départ à 64 ans (au lieu de 62 ans actuellement) n’était « plus négociable ». Alors que le texte est très critiqué sur ses conséquences pour les femmes, la première ministre s’est, en revanche, dite ouverte à une discussion sur une meilleure utilisation des trimestres « éducation » et « maternité » obtenus au cours de leurs carrières. La fermeté affichée par Mme Borne a fait bondir les oppositions.
  • L’examen du projet de loi a commencé lundi en commission. Plus de 7 000 amendements ont été déposés, essentiellement par la gauche, qui entend faire durer les débats, tandis que la droite cherche à faire monter les enchères, consciente que ses voix seront cruciales pour adopter la réforme. Le gouvernement doit aussi composer avec sa propre majorité, car certains députés La République en marche renâclent à voter le texte en l’état.

Nos contenus sur la réforme des retraites :

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