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[Marché des grains] Rechute des prix du blé et des tourteaux

​​​​​L’effet du durcissement de l’attitude russe en mer Noire a continué de soutenir les prix des céréales à paille en début de semaine. Néanmoins, les prix français et européens repartaient en baisse en fin de semaine, sous le poids des exportations ukrainiennes et russes et leur manque de compétitivité. Le soja et les tourteaux baissent également, affectés par les incertitudes concernant la demande alors que le colza et le tournesol sont au contraire soutenus par le pétrole et les huiles végétales.

Les prix du blé chutent de nouveau

Après une hausse enregistrée au cours de la semaine dernière, les prix du blé sur les marchés physiques français ont continué à suivre une tendance haussière durant le début de cette semaine avant de diminuer nettement jeudi à la suite d’Euronext et de la Bourse de Chicago. Les prix français s’affichent maintenant en baisse par rapport à ceux de vendredi dernier. Le blé rendu Rouen a perdu 4 €/t sur le « rapproché » entre le 30 septembre et le 6 octobre, à 347,5 €/t, abandonnant 6 €/t d’un coup le jeudi 6 octobre.

Sur Euronext, l’échéance décembre est repassée sous la barre de 350 €/t, clôturant à 345,50 €/t le 6 octobre, un recul de presque 12 €/t par rapport à vendredi dernier. Elle repartait toutefois en hausse ce vendredi après-midi.

Le regain de tension en mer Noire et les nombreuses incertitudes sur la reconduction du couloir d'exportation en Ukraine ont soutenu les prix en début de semaine. La révision en baisse de la récolte de blé américaine par l’USDA (ministère américain de l'Agriculture) vendredi dernier et le manque de pluies dans les plaines américaines pour les semis d’hiver ont aussi contribué à ce soutien.

Toutefois, la tendance s’est nettement inversée en fin de semaine avec l’annonce de pluies aux États-Unis et des ventes américaines assez faibles cette semaine. En cause également, la forte compétition exercée par les blés russes et ukrainiens, ces derniers profitant du corridor qui fonctionne très dynamiquement actuellement. En Australie, les pluies sont très abondantes et cela suscite de l’inquiétude quant à la qualité des grains, un autre facteur baissier.

Les origines mer Noire toujours très compétitives

À cause d’une très légère remontée de l’euro face au dollar (l’euro demeurant toutefois inférieur au dollar, à 0,98), le prix français en position Fob Rouen n’a perdu que 1 $/t par rapport à la semaine dernière, à 348 $/t. À ce niveau, le blé français reste beaucoup plus cher que les blés russes ou ukrainiens à 11,5 % de protéine (près de 320 et de 310 $/t respectivement).

Les blés français demeurent aussi plus chers que le blé russe à 12,5 % de protéine (+20 $/t) mais ils sont proches en termes de prix des autres blés européens, allemands, baltes, polonais, bulgares et roumains à 12 % de protéine. Cette situation illustre d’une part la tension présente en Europe après les premiers mois de campagne dynamiques à l’export mais aussi la perte de compétitivité, désormais marquée, des blés européens face aux blés de la mer Noire. Les flux continus de blé ukrainien via le corridor et les prix bas des blés russes ont poussé aussi les prix argentins en fort recul en fin de semaine.

Cette attractivité accrue des blés russes couplée aux disponibilités exportables exceptionnelles cette année se traduit par d’importants volumes d’achat du blé russes actuellement sur le marché mondial. Une large part du dernier achat de l’Algérie, près de 300 000 tonnes, porte sur du blé russe même si les opérateurs recherchaient aussi de l’origine européenne en début de semaine.

Renforcement de la demande face à l’offre encore plus abondante

Côtés fondamentaux, on notera la nouvelle hausse de l’estimation de production de blé au Brésil qui est attendue à 10 millions de tonnes contre 9,7 millions de tonnes précédemment. Au niveau mondial, cette hausse compense la récente révision en baisse au début de semaine de l’USDA de la production de blé aux États-Unis pour la campagne en cours. 

Côté demande, les achats étaient nombreux au cours de cette semaine. On retiendra l’achat par le Japon de 97 000 tonnes de blé tendre ainsi que par la Tunisie de 150 000 tonnes de blé tendre et 100 000 tonnes de blé dur.  On note également des appels d’offres de la Jordanie et de l’Irak pour le blé tendre ainsi que celui de l’Algérie pour le blé dur.

Les prix du maïs restent très élevés

Le maïs FOB Bordeaux a peu évolué sur une semaine, -1 €/t, à 344 €/t (base juillet, récolte 2022). Le prix FOB Rhin a augmenté, de 8 €/t, à 336 €/t (base juillet, récolte 2022). Le maïs FOB Rhin se renchérit dans le sillage de la hausse des prix du maïs de l’ensemble des pays exportateurs, alors que le maïs FOB Bordeaux bouge peu car étant déjà très cher sur le marché des exportations (les niveaux de prix sont toutefois nominaux).

La volatilité reste de mise sur les marchés des matières premières ces derniers temps, toujours sous l’influence de facteurs géopolitiques et énergétiques. En effet, les incertitudes liées à la guerre en Ukraine et les craintes sur l’économie mondiale affectent toujours fortement le marché des matières premières. La récolte française de maïs progresse avec près de 70 % des surfaces récoltées cette semaine. La production de maïs en France et en Europe s’annonce catastrophique, entre 50 et 55 millions de tonnes dans l’Union Européenne selon les sources, contre 70 millions de tonnes en 2021.

Aux États-Unis, la récolte a atteint les 20 % en date du 2 octobre. En parallèle, le dernier rapport de l’EIA (Energy Information Administration) fait état d’une hausse de la production d’éthanol et d’un niveau de stocks au plus bas depuis le début de l’année. Le prix des maïs américains a donc grimpé sur la semaine malgré un petit mouvement de baisse en fin de semaine du fait d’exportations moins dynamiques que prévu. Il semble que les bas niveaux d’eau du Mississipi compliquent les exportations depuis le golfe du Mexique.

En Amérique du Sud, le Brésil a bénéficié de précipitations ces derniers jours permettant une bonne implantation de la première récolte de maïs. À l’opposé, l’Argentine fait face à une sécheresse qui persiste. Les surfaces emblavées risquent d’être réduites si des pluies significatives ne font pas leur apparition dans les prochaines semaines. En Ukraine, les exportations continuent même s’il ne semble plus y avoir d’accélération en ce qui concerne le maïs. Les navires transportant les céréales ukrainiennes s’entassent au niveau du détroit du Bosphore pour passer les inspections dans le cadre du corridor maritime.

Nouvelle semaine de baisse pour les prix de l’orge fourragère

Après une légère baisse au cours de la semaine dernière, les prix de l’orge fourragère sur le marché français ont enregistré une hausse en début de semaine avant de repartir à nouveau en baisse ces derniers jours. Le prix rendu Rouen du 6 octobre échéance octobre-décembre a ainsi perdu 13 €/t par rapport à la semaine précédente, à 300 €/t (base juillet).

D’un côté, la conjoncture économique défavorable couplée à la menace d’une crise énergétique en Europe affectent la demande au niveau mondial, et sur le marché européen en particulier. En plus, la multiplication des cas de grippe aviaire suscite de plus en plus de préoccupations dans la filière et contribue aussi à freiner la demande. Enfin, la montée en puissance des exportations de l’Ukraine a pesé aussi sur les prix européens (ce pays a déjà exporté près de 0,9 million de tonnes depuis le début de la campagne dont 0,5 million en septembre).

De l’autre côté, le contexte géopolitique toujours très tendu et les incertitudes sur le maintien du corridor sécurisé empêchent les prix de descendre davantage.

À l’international, les prix des origines australiennes et russes ont évolué à la hausse depuis vendredi dernier. À l’image de la semaine dernière, ces deux origines affichent la parité en prix Fob, à 290 $/t au 6 octobre. L’écart avec le prix Fob des orges tricolores estimées à environ 300 $/t Fob Rouen au 6 octobre se resserre donc cette semaine.

Côté demande, on note des nouveaux appels d’offres de la Turquie et de la Jordanie pour l’achat de 495 000 et 120 000 tonnes d’orge respectivement ainsi que l’achat de 100 000 tonnes d’orge par la Tunisie le 5 octobre. 

Contrairement à l’orge fourragère, les prix brassicoles d’hiver et de printemps ont légèrement monté cette semaine (+2 €/t à 332 €/t Fob Creil d’hiver et +5€/t à 360 €/t Fob Creil de printemps). Les craintes concernant la dégradation de la qualité de l’orge brassicole en Australie se multiplient à la suite de précipitations particulièrement élevées alors que la récolte va bientôt débuter.

Légère hausse des cours du colza

Cette semaine les prix ont continué à être soutenus par les tensions géopolitiques en mer Noire et les incertitudes concernant la poursuite du corridor maritime.

Les cours du pétrole ont également rebondi (+9 %) notamment à la suite de la décision des pays de l’OPEP de réduire leur production de 2 millions de barils par jour à partir de novembre. Cela a entraîné le prix des huiles à la hausse. Les prix de l’huile de palme ont également été tirés par la très bonne demande de l’Inde et d’autres pays émergents, qui profitent de la forte attractivité de l’huile. En outre, les craintes de pertes de production d’huile de palme, qui pourraient être causées par des fortes pluies amenées par la Nina en Asie du Sud-Est, ont également soutenu le prix de l’huile de palme. Du côté de l’huile de colza, l’approche de l’hiver booste les besoins en biodiesel d’huile de palme, et participe à la hausse du prix du colza.

Par ailleurs, malgré une très bonne récolte attendue au niveau mondial, la production pourrait s’avérer moindre que prévu en Australie en raison des pluies continues qui touchent l’est du pays. Au Canada, la récolte a bien progressé en Alberta (75 % au 27 septembre) et au Saskatchewan (82 % au 3 octobre), mais la récolte au Manitoba est en retard (58 % au 4 octobre) en raison de conditions très humides. La qualité et le rendement du canola pourraient en être affectés. La récolte de canola serait décevante par rapport aux attentes du marché, ce qui contribue à soutenir les prix, d’autant plus que la demande des triturateurs est forte, car portée par de très bonnes marges de trituration.

Finalement, les prix du colza en France ont légèrement progressé sur la semaine, de 5 €/t, atteignant 612 €/t rendu Rouen et 618 €/t en Fob Moselle. En effet, malgré tous ces éléments de soutien, les prix du colza restent sous la pression de la production mondiale record attendue sur la campagne et des craintes de récession, rendant la demande en huiles incertaine.

Les prix du tournesol soutenus par le marché des huiles

Le prix de la graine de tournesol a progressé cette semaine dans le sillage du cours de l’huile. Ainsi, rendu Saint-Nazaire, le prix du tournesol oléique a bondi de 35 €/t pour s’afficher à 685 €/t. La hausse des cours de l’huile de tournesol s’explique d’une part par l’incertitude sur la prolongation de l’accord entre l’Ukraine, la Russie et l’OTAN au sujet du corridor humanitaire au départ d’Odessa. L’annexion des territoires ukrainiens de l’est du pays par la Russie a renforcé les tensions entre les deux belligérants. Certains acheteurs anticipent leur approvisionnement en huile de tournesol en cas de fermeture de cette voie navigable après le 30 novembre. D’autre part, les prix de l’huile de tournesol ont aussi été soutenus par le rebond des cours de l’huile de palme, et du pétrole.

Enfin, en Ukraine, les pluies enregistrées ces dernières semaines ont significativement retardé la récolte de tournesol. À la fin septembre, les agriculteurs avaient récolté seulement 20 % de la surface semée, soit un retard de 65 % par rapport à l’année dernière. Cela restreint l’offre en graines sur le rapproché et limite la pression de récolte. Le prix du tournesol Ukrainien rendu frontière Ouest est ainsi resté stable sur la semaine à 495 $/t. À noter que les exportations de tournesol du mois de septembre au départ de l’Ukraine sont estimées à environ 170 kt, un niveau stable par rapport à août.

Demande incertaine et difficultés logistiques pèsent sur le marché du soja

Les cours mondiaux du soja poursuivent leur repli. À Chicago, la cotation de l’oléagineux a lâché 19 $/t en une semaine sur le rapproché pour s’afficher à 499 $/t ce jeudi. L’incertitude quant à la tenue de la consommation continue de peser sur le marché, en raison d’une part des craintes de récession mondiale et d’autre part, des problèmes logistiques qui mettent à mal les exportations américaines. Les faibles niveaux d’eau du fleuve du Mississipi perturbent le transport des céréales et d’oléagineux. Cette situation pourrait bien se poursuivre car aucune précipitation n’est prévue sur les prochaines semaines. Ces difficultés qui arrivent en pleine période de récolte de soja aux États-Unis inquiètent grandement les opérateurs. En effet, la plupart des volumes de soja sont récoltés en octobre et près de la moitié des envois de l'année se font habituellement entre octobre et décembre. Par ailleurs, l’appréciation du dollar américain a aussi fait pression sur les prix de la fève américaine.

Le Fob brésilien a lui perdu 13 $/t pour s’établir à 583,75 $/t sur le rapproché. Au Brésil, les conditions de semis s’annoncent favorables avec de bonnes précipitations qui devraient arroser les grands bassins de production, notamment dans la région du Mato Grosso. La production sur la nouvelle campagne devrait atteindre un record historique si les conditions météorologiques demeurent optimales. Cette offre très fournie serait de nature à faire pression sur les prix au début de l’année 2023.

Le repli se poursuit pour le tourteau de soja

Dans un contexte d’incertitude sur la demande, et entraîné par le repli de la graine de soja, le cours du tourteau de soja a encore perdu de la hauteur cette semaine. À Chicago, le prix a reculé de 13 $/t pour s’afficher à 438 $/t sur le rapproché. À Montoir de Bretagne, la cotation s’est repliée de 17 €/t sur le rapproché à 544 €/t. Il en est de même pour le Fob argentin qui a perdu 5 $/t et s’établit maintenant à 457,5 $/t.

Les craintes de récession mondiale, la propagation des épizooties (influenza aviaire en Europe, peste porcine africaine en Italie, au Népal, en Malaisie…), et la résurgence des cas de Covid-19 pèsent sur la demande de tourteau à l’échelle mondiale. Cette semaine, de nouvelles mesures de confinement ont été mises en place en Chine, ce qui provoque beaucoup d’incertitudes chez les opérateurs.

Pour autant, la demande en alimentation animale est plutôt soutenue en Chine et contribue à faire baisser les stocks de tourteaux de soja, tout comme le ralentissement de l’activité industrielle. Selon le Centre national d’information sur les céréales et les huiles (CNGOIC), les stocks ont reculé de 270 000 tonnes en un mois pour s’afficher la semaine dernière à 410 000 tonnes. Un rebond dans les importations et la trituration de soja, et par conséquent de la production de tourteau de soja est attendu sur les prochaines semaines en Chine.

À suivre : comportement de la Russie et conflit Russie-Ukraine, aptitude à l’export de la Russie et de l’Ukraine, qualité de la récolte australienne, conditions climatiques en Amérique du Sud (toutes cultures, grippe aviaire en Europe), en Europe (semis des cultures d’hiver), avancée des récoltes en Ukraine (tournesol, maïs), prix du pétrole, covid, épizooties en Europe et dans le monde.