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Mathieu Faivre : «aujourd'hui, je ne me sens plus champion du monde en titre»

ENTRETIEN - Le skieur français (30 ans) aborde le géant de Val d'Isère ce samedi en quête de repères, lui qui a changé de matériel cet été.

Mathieu, avec le recul, quel regard portez-vous sur votre 24e place lors du géant d'ouverture à Sölden le 23 octobre dernier ?
Mathieu Faivre : Le constat est simple : il n'y a pas eu de miracle. Je suis arrivé là-bas en ne me sentant pas totalement prêt, et cela s'est immédiatement constaté en première manche. On a dû un peu tirer une pièce en l'air pour choisir le matériel pour cette course car je n'avais pas eu le temps de tout tester à l'entraînement. J'aurais eu deux ou trois semaines de plus, cela aurait été parfait mais bon, c'est comme ça. Le sport de haut niveau, comme la vie, repose rarement sur la chance. Je cherchais un nouveau challenge, je crois que j'en ai trouvé un bon !

À 30 ans, peut-on toujours se réinventer pour relever de nouveaux challenges ?
Se réinventer, sans doute pas, et je ne crois pas que cela soit nécessaire. Je pense qu'il faut amener un peu d'incertitudes et de nouveautés pour ne pas rester sur ses acquis et une certaine routine. Je ne veux pas continuer sur l'inertie que j'ai donnée quand j'avais 20 ans et on verra bien où cela m'emmène. C'est pour ça que pour cette nouvelle saison, j'ai pris la décision de changer de marque de skis, ce qui veut dire un nouveau fonctionnement, de nouvelles personnes, une nouvelle philosophie… Aujourd'hui, je ne pense pas que je me réinvente intégralement. D'autant plus qu'à 30 ans, j'ai mûri, grandi, je sais davantage qui je suis et comment je fonctionne. Il est donc hors de question de changer juste pour changer.

Comme j'essaie de m'intéresser à tous les aspects possibles, la préparation mentale, physique, je veux aussi être pointu sur le secteur du matériel.

Mathieu Faivre

Alexis Pinturault a souvent évoqué l'importance qu'avait eue son changement de matériel lors de sa carrière. Lui en avez-vous parlé avant de prendre votre décision ?
Non, pas du tout. Avec Head, jusqu'à présent, j'ai vécu les meilleures saisons de ma carrière et cela se passait encore extrêmement bien avec les gens qui étaient en place, ce qui était sans doute moins le cas d'Alexis lorsqu'il a décidé de changer. Moi, j'avais juste besoin d'un changement. Je sais ce que je perds, et pas encore ce que je gagne, si ce n'est le projet qui est derrière la marque Salomon. J'avais aussi le sentiment qu'il me fallait mieux connaître cet aspect-là de mon sport. Head est une marque autrichienne, avec beaucoup d'athlètes, donc c'était compliqué pour moi d'avoir une réelle vision de comment fonctionne un ski, de comment on le développe, on le fabrique, on le conçoit… Et comme j'essaie de m'intéresser à tous les aspects possibles, la préparation mentale, physique, je veux aussi être pointu sur le secteur du matériel. Après, qu'est-ce que cela va m'apporter concrètement ? Je n'en ai franchement aucune idée. L'avenir nous le dira.

Mathieu Faivre à Sölden LISA LEUTNER / PANORAMIC

Quelles sensations sont les vôtres jusqu'à présent avec ces nouveaux skis ?
C'est difficile de vous répondre de manière catégorique. Je ne les ai pas encore essayés dans toutes les conditions. Avec mes anciens skis, je savais où j'en étais car cela faisait dix ans que j'étais sur cette marque, donc je savais quels skis prendre selon quelles conditions. Là, je dois tout revoir. Cela demande beaucoup de travail et de concentration. Comme je le disais au départ, j'ai manqué de temps pour être prêt dès Sölden, mais c'est très enrichissant et exaltant aussi comme situation. Cela me pousse à aller chercher des solutions. Et cela sera sans doute comme ça toute la saison.

Il s'agit donc d'un véritable bouleversement…
Non, ce n'est pas un vrai bouleversement. Simplement, je perds certains repères. Avec Salomon, je dois encore créer une relation. Il faut qu'avec mon nouveau technicien, nous arrivions à nous comprendre, à parler le même langage. Il y a un changement, c'est une évidence. Mais le terme de bouleversement est trop fort car cela ne change pas ma manière de skier.

Peu importe que j'ai des Salomon aux pieds ou autre, mon objectif est le même. C'est juste le chemin pour y parvenir qui sera pour moi différent cette année.

Mathieu Faivre

Du coup, quelles sont vos ambitions sur cette saison ?
Ce sont les mêmes que la saison précédente. Ma finalité est toujours d'être performant sur chaque course. Peu importe que j'ai des Salomon aux pieds ou autre, mon objectif est le même. C'est juste le chemin pour y parvenir qui sera pour moi différent cette année, avec de nouvelles choses à apprendre.

À Méribel, vous allez essayer de conserver vos titres mondiaux sur le géant et le parallèle…
Oui, même si je ne me considère pas plus investi sur des Championnats du monde que sur une étape de Coupe du monde, car cela voudrait dire que je ne mets pas tout ce qu'il faut toute la saison. Il y a un élément de langage qui me dérange quand on dit qu'il faut être plus concentré ou plus motivé sur des Championnats du monde. Perso, je veux mettre la même implication sur chaque compétition. Après, évidemment, je vais arriver à Méribel avec l'étiquette de double champion en titre mais ces médailles m'appartiennent, on ne me les enlèvera pas. À mes yeux, je n'aurais rien à défendre. D'ailleurs, aujourd'hui, je ne me sens plus champion du monde en titre. Ce qui s'est fait à Cortina, c'était le résultat de la course d'un jour. J'ai gardé ce que j'avais à garder et là, il faut que je prouve de nouveau que je peux le faire.

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Vous allez cependant être très attendu par le public français…
Oui, certainement. Je vais essayer de prendre ce qu'il y a de positif dans le fait de vivre des Championnats du monde à la maison, même s'il y aura aussi des aspects à occulter, notamment en termes de pression. Je ne veux pas arriver là-bas en me disant que je dois impérativement être champion du monde. Je peux sortir mon meilleur ski et finir 3e de la course car il y aura eu meilleur que moi. Le seul qui fixe mes objectifs, c'est moi. Si je donne le meilleur de moi-même et que je suis deuxième, cela m'ira très bien aussi. Il faut savoir faire la part des choses.

Imaginez-vous un jour vivre des Championnats du monde en Arabie saoudite (en référence aux Jeux asiatiques d'hiver qui s'y dérouleront en 2029) ?
Je n'ai pas envie de me prononcer trop là-dessus. Il y a des institutions qui prennent des décisions et celles-ci leur appartiennent. C'est à eux de se justifier, ou pas. Simplement, je trouve un peu facile de revenir sur les athlètes pour savoir si nous sommes prêts à boycotter ou pas. C'est compliqué de mettre un athlète dans la position de devoir faire un choix alors qu'il n'a rien demandé à personne. On veut faire des compétitions, des Jeux olympiques, des Championnats du monde car c'est notre métier et notre passion. Et puis le débat est beaucoup plus vaste selon moi que de poser la question : des Jeux asiatiques d'hiver en Arabie saoudite, est-ce bien ou pas bien ? Ce n'est pas aussi binaire que cela et il faut avoir une vision plus globale.