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Mayotte : un rapport parlementaire recommande le transfert des clandestins vers la métropole

La députée mahoraise Estelle Youssouffa préconise la levée du visa d'exception, qui ne permet aux étrangers de séjourner que dans l'île française. L'objectif, responsabiliser l'État.

Répartir les migrants pour désengorger Mayotte ? Un brin provocatrice, la proposition figure parmi les recommandations du rapport parlementaire publié par la commission des Affaires étrangères ce mercredi. Alors que le sujet de l’immigration revient dans le débat public, les deux rapporteurs, la députée Liot de Mayotte, Estelle Youssouffa, et l’élu Horizons de Corse Laurent Marcangeli, ont établi, en 75 pages, un état des lieux détaillé du poids budgétaire de l’immigration dans le 101e département français. Pour eux, la métropole doit prendre sa part. « On nous dit que l’immigration des Comores n’est pas un problème, alors que tout le monde en profite ! », défie l’élue mahoraise.

À l'heure où l'opération Wuambushu, lancée fin avril pour démanteler les bidonvilles, peine à se concrétiser, les parlementaires préconisent de mettre un terme au «Visa Territorialisé à Mayotte». Ce titre de séjour, propre au 101e département, permet aux étrangers de séjourner exclusivement à Mayotte, sans aller plus loin - à moins d'attaches familiales en France. Depuis des années, les élus mahorais de tous bords demandent la levée de cette restriction, qui charge lourdement le plus pauvre des départements français. «On nous dit de serrer les dents, on nous accuse aussi de manquer de solidarité. Mais ici, on est saturés. 50.000 étrangers irréguliers, c'est insupportable pour notre petit territoire de 374 km². Alors que pour l'Hexagone, ce n'est pas grand-chose !», argue Estelle Youssouffa.

Instaurer l'AME et lever le flou sur les chiffres

Le rapport révèle des données inédites, obtenues «au forceps» auprès de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte. Les chiffres sont formels : avec 93.000 patients Français pour 85.000 d'autres nationalités en 2022, la moitié des prises en charges hospitalières à Mayotte bénéficie aux étrangers. Pour y remédier, les députés préconisent l'instauration de l'Aide médicale d'État (AME) qui - autre exception - n'existe pas à Mayotte. Ce dispositif permet aux étrangers en situation irrégulière, sous conditions de résidence et de ressources, de bénéficier d'un accès aux soins en France.

Données de l'ARS de Mayotte sur la prise en charges au centre hospitalier de Mamoudzou. Rapport parlementaire sur les enjeux migratoires dans l'Océan indien, le 31 mai 2023.

L'objectif de l’étendre à l’île est double. D’une part, soulager le centre hospitalier de Mamoudzou, à qui revient actuellement la charge de l'ensemble des soins. «La moitié de l’enveloppe budgétaire de l’hôpital va aux étrangers, qui profitent de soins gratuits. Cela crée une concurrence dans l'accès à la santé, car à l'arrivée au centre, on fait attendre le Mahorais pour donner la priorité au Comorien. Alors que le Mahorais, lui, paie sa consultation», pointe Estelle Youssouffa.

L’autre avantage serait de lever le flou sur le coût réel de l'immigration sur le système hospitalier du département. «Avec l'AME, au moins, le bilan sera transparent», explique le député LR de Mayotte Mansour Kamardine, qui soutient l‘idée de longue date. «Nous portons cette proposition depuis plusieurs années, mais l'État l’a toujours rejetée. La seule explication est qu’ils veulent cacher les chiffres. Il serait gênant que la métropole sache le coût véritable de l'immigration sur la santé à Mayotte», estime l'élu, qui rappelle que 75% des évacuations sanitaires vers La Réunion bénéficient à ce jour aux étrangers Mahorais.

Risque d'appel d'air

Alors qu'un débat sur l’immigration est prévu dans l'hémicycle à l'automne prochain, la proposition risque de faire réagir en métropole. Gérard-François Dumont, démographe et spécialiste des DOM, est néanmoins circonspect sur l'efficacité d'une telle mesure. «En France, passer de 200 millions à 1,5 milliard d'Aide médicale d'État en une dizaine d'années n'a pas mené à changer les règles pour autant».

Le spécialiste des DOM souligne notamment le risque d'un appel d’air. «Les parlementaires parlent à leur électorat. Ils veulent un effet immédiat, et raisonnent en termes de stocks, et non de flux migratoires. En permettant juridiquement aux étrangers d'aller à La Réunion et dans les autres départements français, Mayotte va devenir une grande zone migratoire, porte d'entrée vers la métropole et les autres pays européens». Avec des effets secondaires potentiellement exponentiels en attirant les Malgaches voisins, ainsi que les ressortissants d’Afrique orientale. «Ne nous faisons aucune illusion, les passeurs seront les grands gagnants : avec davantage de clients, c’est certain qu’ils augmenteront leurs tarifs».

Pour Mansour Kamardine, cette pression est toutefois nécessaire pour une prise de conscience collective. «Tous les droits-de-l'hommistes de métropole comprendront notre problème. Car loin des yeux, loin du cœur....», grince l’élu LR.

Par ailleurs, la commission des Affaires étrangères préconise de mettre en jeu l'aide française à destination de l’Union des Comores, «tant que celle-ci n'aura pas prouvé dans les faits sa capacité à surveiller ses côtes et à prévenir les départs». Un sujet encore «tabou» selon les auteurs du rapport, alors que la France est le premier bailleur des Comores avec plus de 100 millions d’euros engagés en 2019.