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Médecine du futur : avec l’IA, l’algorithme sous la peau

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Un seul cliché du thorax suffit à prédire l’avenir. On le soumet non pas au radiologue, mais à l’ordinateur : le logiciel l’analyse de son œil expert et annonce le risque pour le patient de faire une attaque cardiaque dans les dix ans à venir… Ce genre de scénario ressemblait encore à une pure science-fiction il y a quelques années, mais il devient parfaitement réel, et même banal, grâce à l’intelligence artificielle. Les algorithmes font faire des bonds de géant à la médecine, particulièrement dans le domaine de l’imagerie médicale où ils excellent. Certains logiciels détectent les rétinopathies aussi bien qu’un ophtalmologue, d’autres trouvent les masses suspectes dans les mammographies ou des microfissures dans les radios du poignet…

Mais ce mardi 29 novembre, ce sont donc les attaques cardiaques qui étaient au cœur des discussions au rassemblement annuel de la Société radiologique d’Amérique du Nord. On y a présenté les résultats d’un projet mené au Massachusetts General Hospital, rattaché à la faculté de médecine de Harvard, avec ce nouvel algorithme capable de prédire les risques d’AVC. C’est un exercice pas si évident pour le radiologue car il y a plusieurs organes à examiner et plusieurs facteurs à combiner. On peut remarquer «si le cœur est très gros ou s’il présente une malformation», comme l’explique la cardiologue américaine Nicole Weinberg au média Medical News Today, mais aussi «voir si l’aorte paraît élargie ou s’il y a des dépôts de calcium, qui ressortent à la radio. On peut aussi voir dans le tissu pulmonaire s’il y a une accumulation de fluide […], qui peut traduire une insuffisance cardiaque.»

«Volume de données inimaginable»

Pour scruter tous ces endroits à la fois et savoir quoi en conclure, l’algorithme a été entraîné par un processus d’apprentissage automatique. On l’a «nourri» en lui montrant plus de 147 000 radios de thorax provenant de 40 000 patients, en le renseignant pour chaque cliché sur l’existence – ou non – d’une pathologie cardiovasculaire. Après avoir ingurgité cette montagne d’exemples, qui représentent l’équivalent de toute une carrière de radiologue, le logiciel sait se débrouiller seul. Il repère les indices dans les images et établit des prédictions fiables. «La beauté de cette approche est qu’elle nécessite seulement une image aux rayons X, comme on en fait des millions par jour à travers le monde», se réjouit le radiologue Jakob Weiss, auteur principal de l’étude du Massachusetts General Hospital. «Une seule image permet de prédire des épisodes futurs d’événements cardiovasculaires majeurs avec la même efficacité que les évaluations cliniques actuelles», basées sur toute une liste de critères comme l’âge, le sexe, l’hypertension, le diabète, la consommation de tabac, des tests sanguins…

L’intelligence artificielle a un potentiel gigantesque pour ces prédictions médicales lointaines. «Comprendre vraiment les besoins d’un patient à long terme, et pas uniquement ses problèmes transitoires, demande d’avoir un volume de données inimaginable : le génome, des données démographiques, l’historique médical, les facteurs environnementaux… détaille au magazine Forbes Tony Ambrozie, responsable de l’information pour le réseau d’hôpitaux Baptist Health en Floride. De manière réaliste, il est impossible pour les professionnels de santé de faire ces analyses manuellement. L’apprentissage automatique évolue vers des solutions qui effectuent automatiquement ce vaste traitement de données, pour aider les praticiens à mettre au point des parcours de soins sûrs et personnalisés pour leurs patients.»

Copie numérique du cerveau

En France, le projet Aramis est développé à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique pour tester un modèle informatique de cerveau humain qui combine plusieurs sources de données acquises sur des patients suivis dans la durée : la génétique, l’imagerie médicale et les données cliniques (des tests neurologiques par exemple). On recrée ainsi une sorte de copie numérique de leur cerveau, un cerveau de «patient virtuel» que l’on peut faire vieillir informatiquement pour voir quelles maladies il est susceptible de développer. L’espoir est que dans quelques années, l’algorithme sera suffisamment entraîné pour prédire un scénario de vieillissement du cerveau à partir de quelques données sur un patient, et estimer par exemple quelles sont ses chances de développer la maladie d’Alzheimer à un horizon de deux, trois ou cinq ans. Loin de déshumaniser la médecine, l’intelligence artificielle utilisée comme aide au pronostic devrait au contraire permettre une prise en charge plus précoce et plus juste des patients.