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«Mediapart» finalement autorisé à publier son enquête sur le maire de Saint-Etienne

«La justice rétracte l’ordonnance qui nous interdisait de publier notre enquête. Après 12 jours de censure notre enquête sera publiée dans quelques instants» : c’est par ce tweet en forme de cri de victoire que Mediapart a annoncé peu après 15 heures mercredi avoir remporté sa bataille juridique contre la censure préalable d’un de ses articles consacré aux coups tordus montés par le maire LR de Saint-Etienne contre son premier adjoint centriste Gaël Perdriau, mais aussi contre le président de région Laurent Wauquiez. La justice venait tout juste d’autoriser le site d’information dirigé par Edwy Plenel à publier une enquête signée Antton Rouget titrée «A Saint-Etienne, le maire et le poison de la calomnie», rétractant ainsi une première ordonnance empêchant le média de publier cet article.

L’ordonnance attaquée par Mediapart lui interdisait de publier de nouvelles informations sur les pratiques politiques de l’élu stéphanois Gaël Perdriau. Des infos qui faisaient suite à ses précédentes révélations de chantage présumé à la vidéo intime, dont avait été victime son premier adjoint centriste Gilles Artigues. La décision du tribunal judiciaire de Paris avait été prise sans donner la possibilité au média de se défendre, comme l’avaient rappelé les avocats du site lors de l’audience de ce «référé-rétractation» le 25 novembre. Pour Mediapart, il s’agissait d’un contournement en bonne et due forme de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui veut que «tout journal ou écrit périodique peut être publié sans déclaration ni autorisation préalable, ni dépôt de cautionnement».

«Intérêt public majeur»

Pour ce faire, l’avocat de Gaël Perdriau, Me Christophe Ingrain, avait déposé une requête aux fins de mesures conservatoires tirée du Code de procédure civile, une première dans l’histoire de la liberté de la presse. Celle-ci avait été signée par la magistrate Violette Baty, vice-présidente du tribunal judiciaire de Paris. Comme l’a fait remarquer à l’audience, face à Violette Baty, l’avocat de Mediapart Me Emmanuel Tordjman, la magistrate avait signé cette ordonnance sans connaître elle-même le contenu de l’enregistrement. «On vous demande donc la censure préalable d’une information que vous ne connaissez pas. En fait, vous ne savez même pas ce que vous avez interdit», avait pointé l’avocat, dans des propos rapportés par le site d’investigation.

Que contient l’enregistrement que souhaitait publier Mediapart ? Le site s’apprêtait «à révéler que, dans le cadre de ses activités de maire, Gaël Perdriau utilisait le poison de la calomnie, de la pire des calomnies, comme arme politique pour discréditer un élu de premier plan, potentiel présidentiable, l’actuel président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. Et l’intérêt public majeur de notre enquête était de tuer dans l’œuf cette rumeur calomnieuse gravissime, une rumeur sans aucun fondement de l’aveu même de son propagateur, M. Perdriau», avait expliqué à la barre lundi Edwy Plenel d’après le compte-rendu de l’audience fait par le site d’investigation. Selon le Monde, présent également à l’audience, Me Emmanuel Tordjman a laissé entendre que Gaël Perdriau accusait Laurent Wauquiez, le président LR de la région Rhône-Alpes, «d’activités pédophiles».

Un précédent visant le site Reflets

Après la révélation de cette «censure préalable», selon les mots d’Edwy Plenel, 37 sociétés de journalistes de rédaction différentes (dont celle de Libération) et 17 organisations de défense de la liberté de la presse avaient apporté leur soutien à Mediapart. En réaction à cette affaire, la sénatrice centriste Nathalie Goulet a également déposé une proposition de loi. Son article unique vise à compléter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en ajoutant qu’ «une publication ne peut être interdite qu’en application d’une décision judiciaire rendue contradictoirement».

La décision ubuesque concernant Mediapart fait écho à celle vécue dans le même temps par le site d’information Reflets. Le média en ligne est poursuivi par le groupe Altice, propriété du milliardaire Patrick Drahi (ancien propriétaire de Libération, toujours lié au titre via un fonds de dotation), pour avoir publié des articles basés sur des documents volés par des pirates informatiques. Ceux-ci révélaient le train de vie de Patrick Drahi, ses déplacements en jet privé ou encore son goût prononcé pour les œuvres d’art défiscalisées, disséminées dans ses luxueuses propriétés. Altice avait ainsi saisi le tribunal de commerce de Nanterre, prétextant une violation du secret des affaires. Dans une ordonnance, le 6 octobre, le juge avait finalement interdit à Reflets d’écrire à nouveau sur le sujet. Là aussi, «une censure préalable indiscriminée», comme l’écrit le site, qui a fait appel. Un appel qui devait être jugé également ce mercredi à la cour d’appel de Versailles.