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Mirwais Ahmadzaï : « Avec Taxi Girl, on était hors cadre musicalement et il n’y avait plus de place pour nous, les drogués »

Le musicien et producteur franco-afghan vient de sortir « Les Tout-Puissants », un premier roman dystopique sur les dérives technologiques. Cofondateur du groupe Taxi Girl, il revient sur cette photo prise en 1983, quand lui et Daniel Darc étaient au creux de la vague.

Cette photo a été prise en 1983 par notre amie Mathilde Malaval, la fille du peintre Robert Malaval, qui m’avait d’ailleurs un tout petit peu initié à la photographie, et je me souviens très bien où on était : rue Joseph-de-Maistre, dans le 18e arrondissement, vers le pont Caulaincourt. C’est l’endroit où on se retrouvait avec les membres de Taxi Girl quand on jouait au Rose Bonbon, mais, au moment de la photo, nous n’étions plus que deux. J’habitais vers Guy-Môquet, Daniel [Darc, à droite] vivait chez ses parents, rue Cauchois. Pierre [Wolfsohn, le batteur] était mort en juillet 1981 d’une overdose, en plein succès de Cherchez le garçon, ce qui a été un peu refroidissant…

On avait sorti Stéphane [Erard] et Laurent [Sinclair] n’était plus dans le groupe depuis fin 1982, après la tournée anglaise. On était donc deux à continuer et on devenait de plus en plus radicaux. Nous avions été un des premiers groupes à signer chez Virgin et nous avons un peu donné la direction de ce label qui a accompagné l’émergence de la musique française moderne, mais on s’était fait arnaquer par notre manageur et nous n’avions pas un sou. Daniel et moi, il faut voir d’où on venait, on était loin d’être riches… J’ai passé une grande partie de ma vie à m’en remettre financièrement. Cette photo, c’est aussi ça, une fois que la chance est passée…

Alliance magnétique

Au début des années 1980, nous avions connu une phase d’ascension immense. Tout le monde nous voulait, Indochine faisait nos premières parties… Mais, nous, on s’en foutait. Après, quand tout le monde attendait un Cherchez le garçon bis, on a fait Seppuku, un album très expérimental. Cette photo se situe au moment de ce reflux. Virgin avait signé Téléphone, puis Richard Cocciante, il était passé à la variet’branchée. On était hors cadre musicalement et il n’y avait plus de place pour nous, les drogués.

A 14 ans, je prenais du LSD, du shit, de la colle, mais je faisais des bad trips et, surtout, j’avais un projet, un super groupe à développer, alors j’ai tout arrêté. Contrairement à Daniel. Dans le creux de la vague, on s’est rapprochés, lui et moi. Mais lui n’en a jamais eu rien à foutre de la musique ; il voulait marcher dans la rue et se prendre pour Kerouac. Même sur la photo, il pose ! Maintenant, on le décrit comme un ange et tous ceux qui l’ont vraiment connu sont morts, mais c’était un filou. Comme je composais une grande partie des chansons, il avait besoin de moi et, moi, il me fallait un chanteur, car je n’étais pas frontman. Mais cette alliance m’a coûté psy­chiquement. Après l’arrêt du groupe, en 1986, nous ne nous sommes revus qu’une ou deux fois.

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Le khôl sur les yeux, il m’arrivait d’en mettre. Je suis ­d’origine pachtoune et c’est très répandu chez nous. Avant Taxi Girl, j’étais un pauvre gars, un réfugié politique qui attendait dans le froid pendant des heures, porte de Clignancourt, devant les bureaux de l’Ofpra, pour faire sa carte de séjour. Mon père était un intellectuel qui avait organisé la résistance dans son pays, mais personne alors ne se souciait de l’Afghanistan. Maurice G. Dantec, qui est devenu écrivain mais jouait dans le groupe Artefact, à l’époque du Rose Bonbon, était crypto-communiste et défendait carrément l’invasion de l’Afghanistan par les Russes. On en est venus aux mains ! Bref, 1983, c’était un moment difficile, mais j’aime bien cette photo. Elle a longtemps été dans ma bibliothèque.

Les Tout-Puissants, de Mirwais Ahmadzaï, Séguier, 272 pages, 21 €.

Clémentine Goldszal

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