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Mobilisation contre les « mégabassines » : « C’est comme un 49.3 écologique ! »

REPORTAGE. Environ 6 000 personnes manifestent ce samedi près de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) dans un contexte explosif, avec la présence d’activistes radicaux.

De notre envoyé spécial dans les Deux-Sèvres, Alix Vermande
Environ 6 000 personnes etaient presentes samedi a la manifestation contre le projet de bassine d'irrigation agricole a Sainte-Soline dans les Deux-Sevres.
Environ 6 000 personnes étaient présentes samedi à la manifestation contre le projet de bassine d'irrigation agricole à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres.   © YOHAN BONNET / AFP

Temps de lecture : 4 min

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« J'espère qu'on ne va pas en arriver là quand même… » Avec un sourire crispé, Brigitte écoute le mode d'emploi de la garde à vue détaillé à l'aide d'une sono installée sur une remorque. La Bretonne refuse poliment un papier tendu par l'un des manifestants avec « le nom de plusieurs avocates si vous en avez besoin dans le week-end ». « Ça ira merci, nous ne sommes pas là pour nous faire arrêter », lui répond la retraitée encartée chez EELV depuis la création du parti et soutien de longue date de José Bové.

Autour d'elle : plusieurs milliers de personnes – environ 6 000, selon les organisateurs et la préfecture –, embourbées dans un champ près de Vanzay et survolées par des hélicoptères de la gendarmerie. Le terrain est prêté par un agriculteur opposé au projet de construction d'une « mégabassine » à Sainte-Soline. Comme en octobre, cette petite commune des Deux-Sèvres est l'objectif des manifestants opposés aux « bassines », réservoirs dédiés à l'irrigation agricole devenus le symbole des tensions autour de l'accès à l'eau. Jusqu'à 10 000 personnes sont attendues par les autorités ce week-end autour de Sainte-Soline, cinq mois après un précédent rassemblement émaillé d'affrontements.

À LIRE AUSSI« Mégabassines » : autopsie d'une « mégadésinformation » « La mission est de planter un drapeau le plus près du chantier et le plus rapidement possible ! » assène une militante au micro. Mission qui apparaît quasi impossible en raison d'un impressionnant dispositif des forces de l'ordre : 3 200 personnes déployées dans le département pour encadrer des « individus radicaux préparant des actions violentes ». Selon la préfecture, ils seraient 1 500. Vêtus de blanc, plusieurs observateurs de la Ligue des droits de l'homme sont aussi mobilisés afin de surveiller l'encadrement de cette manifestation interdite par la préfecture.

Convergence des luttes

Répartis en trois groupes différents pour rallier la bourgade de 400 habitants, les opposants présentent des profils divers. Si la forme de la contestation diffère, le fond également. « Ce samedi, ou je marchais dans les rues de Nantes [contre la réforme des retraites, NDLR] ou dans les champs de Sainte-Soline », avoue Caroline Puchet, enseignante habituée des mobilisations dans les grandes métropoles. Pour la quadragénaire, manifester dans les Deux-Sèvres est le « meilleur moyen de démontrer une convergence des luttes qui permettra de faire bouger les choses ». Quitte à faire quelques raccourcis politico-constitutionnels. « C'est comme un 49.3 écologique ! Avec la même violence que la réforme des retraites ! »

Comparaison sur laquelle Clémence Guetté ne s'est pas privée d'insister. La députée de La France insoumise, reconnaissable par son écharpe tricolore dans le cortège, figure parmi les parlementaires de la Nupes qui ont répondu à l'appel des collectifs Bassines non merci ! », la Confédération paysanne et Les Soulèvements de la terre : « Aujourd'hui, on se bat pour nos retraites et pour notre eau ! »

D'anciens zadistes de Notre-Dame-des-Landes

La cause environnementale rassemble la majorité des participants avec un argumentaire plus ou moins développé. Il y a Fabrice, l'écologiste modéré, adepte d'une meilleure « gestion des ressources » et endurci par plusieurs luttes depuis des dizaines d'années. « C'est tout un système agricole à revoir. Il faut de l'eau pour tout le monde, sinon plusieurs productions vont mourir. » Plus jeune, Fabien tient un discours plus radical. « L'État est responsable de la dégradation de nos vies et doit en assumer les conséquences », clame cet ancien zadiste de Notre-Dame-des-Landes « en quête d'une autre victoire contre les puissants qui veulent tout monopoliser ».

À LIRE AUSSIÀ Sainte-Soline, un air de Notre-Dame-des-LandesDans le cortège « familial », Vanessa Chivat déambule, à faible allure, le long des champs avec ses deux jeunes enfants. Pour l'assistante maternelle du centre de la France, « la contestation pacifiste ne doit pas être décrédibilisée par la violence de certains qui ne sont là que pour casser ». Sans les citer, la jeune maman cible les activistes radicaux et black blocs regroupés ce samedi dans les Deux-Sèvres, selon les renseignements territoriaux. Environ 1 500 personnes seraient sur site pour en découdre avec les forces de l'ordre. Comme elles le font depuis une semaine dans les rues de Paris, qui étaient calmes vendredi soir, renforçant l'hypothèse d'une convergence ce week-end autour de Sainte-Soline.

Les rangs ont également été grossis par un appel lancé par l'ultragauche européenne qui semble avoir été entendu. En attestent plusieurs échanges en italien et en espagnol entre hommes en vêtements noirs au visage dissimulé. Mais c'est bien un slogan français, parmi tant d'autres, qui résonne et intrigue dans la campagne du Marais poitevin : « À bas l'État, les flics et les bassines. »