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Mort d’Yvan Colonna : la commission parlementaire pointe de « graves défaillances » des autorités

Mort d’Yvan Colonna : la commission parlementaire pointe de « graves défaillances » des autorités
De nombreux Corses avaient rendu hommage au militant indépendantiste Yvan Colonna à l’annonce de sa mort en prison le 21 mars 2022.

Photo AFP

Par Charente Libre (avec AFP), publié le 30 mai 2023 à 18h09.

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Mort d’Yvan Colonna : la commission parlementaire pointe de « graves défaillances » des autorités

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« Graves défaillances » dans l’appréciation de la dangerosité de Franck Elong Abé, « rigueur » excessive à l’égard d’Yvan Colonna, et une série de « dysfonctionnements » d’ordre général : la commission parlementaire chargée d’enquêter sur l’agression mortelle du militant indépendantiste corse en prison publie ce mardi un rapport sévère.

Yvan Colonna, qui purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, avait été violemment agressé le 2 mars 2022 dans la salle de sport de la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône) par Franck Elong Abé, un homme radicalisé de 36 ans condamné notamment dans un dossier terroriste.

« L’histoire d’Yvan Colonna » est « aussi celle de 25 années d’une relation tourmentée », « parfois cruelle » et « éminemment politique » entre l’État français et la Corse, écrit, dans son introduction, le rapporteur de la commission parlementaire Laurent Marcangeli (député de la Corse-du-Sud, Horizons).

Le rapport met en parallèle la « sévérité » du traitement carcéral imposé à Yvan Colonna – le refus de lever son statut DPS (détenu particulièrement signalé) malgré un « bon comportement », empêchant ainsi son transfert vers une prison corse – et les « mansuétudes » dont a au contraire bénéficié Franck Elong Abé, également DPS.

« Gestion erratique » des autorités

Ce dernier, aussi classé TIS (pour terroriste islamiste), notoirement radicalisé, avait combattu auprès de talibans en Afghanistan au début des années 2010, et multiplié les incidents en prison.

Preuve de la « gestion erratique » des autorités et en dépit de sa « dangerosité et instabilité manifestes », Franck Elong Abé n’est jamais passé en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) malgré huit demandes, et n’a pas été correctement suivi pour ses troubles psychiatriques.

Proche de la sortie et en « évolution positive » selon la directrice d’Arles, il a obtenu un poste convoité d'« auxiliaire », affecté au nettoyage des salles de sport.

« Symbolique »

Une erreur « manifeste », une « prise de risque inconsidérée », déplore le rapport, et une situation « hors norme » : Franck Elong Abé était le seul détenu de France ayant à la fois le statut DPS et TIS à travailler au service général, permettant une autonomie de déplacement, contrairement au travail en atelier.

Une situation rare. Car selon les données transmises en février 2023, seuls 56 détenus – dont sept TIS – sur les 223 détenus DPS du pays travaillaient (les prisons comptant au total quelques 73 000 détenus).

Parce qu’Yvan Colonna « n’aurait jamais dû mourir en prison de la main d’un de ses codétenus », la première recommandation du rapport est « symbolique » : l’État doit s’engager « formellement » sur le rapprochement familial des détenus corses, en faisant les travaux de sécurisation nécessaire au centre pénitentiaire de Borgo (Haute-Corse).

Alors que les soutiens d’Yvan Colonna dénonçaient depuis des années le maintien de son statut DPS comme une « vengeance d’État », la commission d’enquête recommande d’inscrire ce statut dans la loi en y associant des critères définis.

Selon le rapport, il faut aussi améliorer le « circuit de remontée d’information », « manifestement défaillant » à Arles : la phrase « je vais le tuer » entendue par une surveillante, possiblement attribuable à Franck Elong Abé, ainsi que son changement de comportement peu avant l’attaque, n’avaient pas fait l’objet de remontées à la hiérarchie.

« Zones d’ombre »

Il convient aussi de renforcer la « sécurité », pour laquelle l’établissement d’Arles – qui gère pourtant des profils lourds – est « à la ramasse », avait dit un surveillant cité. Est notamment pointé le défaut « anormal » de surveillance, qui a permis à Franck Elong Abé de rester seul plus de dix minutes avec Yvan Colonna, en partie lié au manque de moyens humains propre à la pénitentiaire.

Le rapport recommande par ailleurs d’améliorer la coordination entre les différents services de renseignement, de rendre obligatoire l’évaluation ou la réévaluation d’un détenu TIS avant son intégration en détention classique.

Il préconise enfin que la prise en charge des troubles psychiatriques soit « le prochain chantier d’ampleur de l’administration pénitentiaire ».

Des « zones d’ombre » entourent toujours les motivations de l’agression mortelle : Franck Elong Abé l’a justifiée par des « blasphèmes » d’Yvan Colonna, auxquels le président de la commission Jean-Félix Acquaviva dit, dans son avant-propos, peiner à croire.

Le député Liot de la Haute-Corse évoque la « thèse de l’action barbouze », que de nombreux Corses « n’excluent pas », et espère que l’enquête judiciaire toujours en cours étudiera « toutes les hypothèses ».