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Mort d’Yvan Colonna : Quelles sont « les multiples défaillances » pointées par la commission d'enquête ?

L’assassinat d’Yvan Colonna, le 2 mars 2022 à la prison d'Arles, n’est pas la conséquence de « hasards malheureux », mais plutôt le fruit « d’inactions » et « d’erreurs » des autorités. Un peu plus d’un an après l’agression mortelle de l’indépendantiste corse, la commission d’enquête parlementaire a livré ce mardi un rapport au vitriole sur les multiples « défaillances » identifiées dans ce dossier. 

« La gestion administrative et politique du « commando Érignac », et, en particulier, d’Yvan Colonna et la gestion calamiteuse du parcours d’Elong Abé (…) ont conduit au drame », insistent les deux députés corses Laurent Marcangeli et Jean-Félix Acquaviva, respectivement rapporteur et président de la commission. A leurs yeux, aucun doute, « cet assassinat reste du domaine de l’affaire d’Etat ».

Deux poids, deux mesures ?

Tout au long de leur rapport, fruit de six mois de travaux, les députés mettent en parallèle la sévérité du traitement carcéral imposé à Yvan Colonna, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998 et, à l’inverse, les « mansuétudes coupables » dont a bénéficié son assassin, Franck Elong Abé, parti combattre en Afghanistan au côté des talibans au début des années 2010. Si les deux hommes étaient classés « DPS », soit « détenu particulièrement surveillé », leur parcours en détention est diamétralement opposé.

Yvan Colonna est unanimement décrit comme un détenu sans histoire. « Attitude exemplaire », « souriant », « calme et respectueux », disent de lui les gardiens. En dix-huit ans, seuls treize incidents ont été relevés, ce qui est « assez peu, ces incidents n’étant en outre pas majeurs », a assuré lors de son audition l' ex-directeur de l’Administration pénitentiaire, Laurent Ridel. Et de préciser : « Yvan Colonna entretenait des relations courtoises avec pratiquement tout le monde. Il n’avait pas d’ennemi déclaré. » Comment alors expliquer « l’énergie développée par l’administration pénitentiaire » pour garantir le maintien de son statut de détenu particulièrement surveillé ? Un statut lourd et contraignant qui l’empêchait notamment de purger la fin de sa peine dans la prison corse de Borgo. Aux yeux des députés, qui appellent à une réforme du statut de DPS, la thèse d’une « vengeance d’Etat » est une réalité « difficilement contestable ».

« La dangerosité et l’instabilité de l’individu sont manifestes »

A l’inverse, notent les élus corses, la « gestion du parcours de Franck Elong Abé laisse pantois ». Condamné à neuf ans de prison en 2016 pour « association de malfaiteurs terroriste », l’homme est décrit par les services de renseignement comme faisant « partie du haut du pavé des détenus terroristes islamistes ». Il est pourtant l’un des rares à ne pas être passé par un quartier d’évaluation de la radicalisation (QER), en raison notamment de lourds problèmes psychiatriques. Son parcours carcéral est émaillé d’incidents graves, notamment plusieurs incendies de sa cellule et l’agression d’un interne avec une arme artisanale.

Après des années passées à l’isolement, des améliorations de son comportement sont constatées à son arrivée à Arles, en octobre 2019. En février 2021, il intègre la détention ordinaire et en septembre de la même année, il devient ainsi « le seul détenu » condamné pour « terrorisme islamiste » et « particulièrement surveillé » à « occuper un emploi au service général avec liberté de mouvement », notent les députés. Et d’insister : « Alors que la dangerosité et l’instabilité de l’individu sont manifestes, l’administration pénitentiaire va faire preuve, dans la gestion de son cas, d’une attitude diamétralement opposée à celle dont elle a fait montre à l’endroit d’Yvan Colonna. » 

La question est d’autant plus sensible que l’amélioration de son comportement n’est pas unanimement relevée : au moins quatre incidents passés sous silence par Laurent Ridel et l’ancienne directrice de la centrale d’Arles au cours de leurs auditions, ont été relevés.

La thèse du blasphème remise en question

Au terme de ses travaux, la commission a émis 29 recommandations portant notamment sur « la détection et de la surveillance des détenus radicalisés dangereux », et l’amélioration de la prise en charge de « ceux présentant des troubles psychiatriques ». Mais les députés se sont également aventurés sur le terrain de l’enquête judiciaire pour tenter de comprendre ce qui a motivé ces huit minutes d’un déchaînement de violence inouïe alors que les deux hommes semblaient entretenir de bonnes relations.

Le rapport se montre particulièrement sceptique quant à la thèse du blasphème avancé par le mis en cause pour justifier son geste. « Peu probable, ou du moins surprenante, au regard du comportement respectueux d’Yvan Colonna à l’égard des autres détenus », assurent les députés, appelant à ce que toutes pistes soient explorées, y compris celle d’un acte « commandité (…) lié à la rancœur, au ressentiment, à la « haine » que certaines sphères entretenaient à l’encontre des membres du commando Erignac ». L’information judiciaire est toujours en cours.