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Munitions pour l'Ukraine : le blitzkrieg de Thierry Breton

« Je vais vraiment aller très vite ». Quand Thierry Breton est motivé par un dossier, il semble inarrêtable. C'est le cas pour les munitions réclamées par l'Ukraine pour sa survie face à la Russie comme ce fut le cas il y a peu de temps encore pour la constellation IRIS². « En plus de tout ce que j'ai à faire, a-t-il expliqué lundi à Bourges, j'ai vraiment décidé de bouleverser mon agenda, y compris pendant les week-ends. Je veux vraiment aller très vite pour avoir la vision complète de nos capacités européennes actuelles » dans le domaine de la production de munitions (notamment pour les obus de 105, 120, 122, 152 et 155 mm), a-t-il expliqué lundi à Bourges. Objectif, disposer d'une cartographie la plus précise possible des capacités de production d'une quinzaine d'entreprises implantées dans onze pays européens.

« C'est extrêmement important que l'Ukraine puisse disposer des munitions dont elle a besoin pour simplement se défendre », a précisé en même temps le commissaire européen. Et de rappeler que l'Ukraine « est dans une situation, qui est vraiment une situation d'urgence ».

C'est donc un tour d'Europe au pas de charge que le commissaire européen en charge du marché intérieur s'est imposé. Pour approvisionner les forces armées ukrainiennes, le hussard Breton était le 15 mars à Sopot (Bulgarie) pour visiter VMZ, puis lundi à Bourges pour voir Nexter et le missilier MBDA, et, enfin, mercredi en République Tchèque (le matin) et en Slovaquie (l'après-midi). Il sera notamment dès la semaine prochaine en Italie, en Allemagne, en Suède et en Slovénie. Entretemps, il sera ce jeudi et vendredi à Bruxelles pour assister au conseil européen qui doit notamment valider dès aujourd'hui le plan en trois piliers de Thierry Breton. « Une décision qui sera endossée par les chefs d'État et de gouvernement », précise-t-on à l'Élysée. Ce sera d'ailleurs le premier sujet de leurs discussions, à l'issue en principe d'une discussion qu'ils auront avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Un plan en trois piliers pour répondre à l'urgence

Pourquoi cette urgence aujourd'hui ? Parce que la plupart des pays européens ne peuvent plus piocher dans leurs stocks de munitions pour fournir les forces armées ukrainiennes, qui tirent en moyenne 150.000 obus par mois, sans se mettre aujourd'hui en difficulté en termes de sécurité. Autrement dit, après avoir donné à l'Ukraine tout ce qu'ils considéraient être encore "du gras" dans leurs stocks, ils ne souhaitent désormais pas entamer leurs stocks stratégiques nécessaires à leur sécurité. D'où le plan en trois piliers de Thierry Breton : si les pays européens cèdent à nouveau des munitions (pilier 1), il faut qu'ils aient l'assurance de pouvoir les renouveler très rapidement à travers des achats communs en quelques mois (pilier 2). Ainsi, l'Union européenne va consacrer 1 milliard d'euros pour chacun des piliers 1 et 2 via la Facilité européenne de paix (FEP), qui devrait rembourser les cessions d'obus à l'Ukraine à hauteur de 66% de leur valeur.

Le troisième volet, qui est consacré au soutien à l'industrie européenne de défense, sera quant à lui directement financé par le budget de Thierry Breton. Le commissaire devra arbitrer des transferts de budgets pour les flécher vers la base industrielle de défense européenne. L'objectif est d'apporter un soutien à des investissements industriels (infrastructures, machines...) pour faire monter en puissance la production des entreprises qui fabriquent des munitions. Pour autant, il semblerait que la montée en puissance de la filière munitionnaire européenne entraperçue par Thierry Breton ne soit pas suffisante pour satisfaire les besoins ukrainiens, puis ceux des pays européens. « Pour moi, ce n'est pas assez », a reconnu lundi le commissaire européen. Il semblerait que les capacités industrielles de certains anciens pays de l'est, qui n'ont pas les mêmes techniques de production, peuvent absorber plus facilement des hausses de cadence.

Produire plus et plus vite ne s'improvise pas. « Être capable de monter en puissance demande des ressources industrielles, des ressources humaines et, bien entendu, des ressources financières. Ce sont des investissements que nous sommes en train de faire », a averti le PDG de MBDA, Eric Béranger, qui va recruter 2.000 personnes (14.000 salariés actuellement). « La Commission européenne s'inscrit dans la durée », a tenté de rassurer Thierry Breton. Nexter anticipe certains de ses approvisionnements en vue d'accompagner la montée en cadence de production des obus d'artillerie. Le groupe a également lancé des investissements pour augmenter la capacité de production des obus. « Nexter va augmenter ses capacités d'environ 30 % en 2024 par rapport à ce qu'elles étaient il y a cinq ans », a expliqué de son côté le PDG du groupe spécialisé dans les armements terrestres, Nicolas Chamussy.

Quelles procédures ?

Comment Thierry Breton va-t-il s'y prendre pour accélérer les achats de munitions ? Appels d'offres classiques ou procédures d'urgence d'acquisition ? Les équipes de la direction générale de l'industrie de la défense et de l'espace (DG DEFIS) sont en train d'étudier la question et de vérifier si les procédures de l'Union européenne permettent d'entrer directement en négociation avec un industriel. Et qui va passer les contrats ? Soit l'Agence européenne de défense (AED), soit un État membre au nom des autres États. « Les deux options sont sur la table, elles fonctionnent toutes les deux », a souligné Thierry Breton.

L'AED propose une procédure accélérée permettant de simplifier le processus d'appel d'offres et de mettre en place des contrats à brève échéance dans le cadre du projet d'accord signé lundi avec 18 États européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Croatie, Estonie, Finlande, France, Grèce, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suède et Norvège) pour l'achat en commun de munitions. Ainsi, ce projet fournit un cadre pendant sept ans permettant aux États membres et à la Norvège d'acquérir plusieurs types de munitions (de 5,56 mm à 155 mm) afin de reconstituer leurs stocks nationaux.

Vers des achats européens ?

Enfin, c'est l'une des questions majeures qui se pose : les pays de l'UE vont-ils acheter des munitions européennes avec l'argent des contribuables européens ? Pour Thierry Breton, cela ne fait pas de doute. « L'idée est vraiment d'acheter européen. Nous avons des capacités. Il faut maintenant pouvoir y répondre », a-t-il affirmé. C'est également le cas à l'Élysée. « La décision très positive de réserver les achats communs à l'industrie européenne de défense, plus la Norvège » est « une décision qu'il conviendra de saluer », estime-t-on à l'Élysée. Enfin, le projet « Achats groupés de munitions », qui a été mis en place en un temps record par l'AED, devra répondre à la demande d'acquisition de munitions « en regroupant, coordonnant et concluant des contrats avec l'industrie européenne de la défense », selon l'agence. Le contraire serait scandaleux...