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Nantes est-elle vraiment en proie à une insécurité grandissante ?

Serait-ce le fait divers de trop ? Samedi 24 septembre, peu avant 6 heures du matin, une Nantaise de 40 ans a été victime de violences et de viol en réunion par deux hommes en état d’ébriété. Les faits se sont déroulés sur l’esplanade des anciens chantiers navals, reconvertis en haut lieu de loisirs dans la ville.

Actuellement en détention provisoire, les auteurs présumés, tous deux de nationalité soudanaise ont été confondus par les caméras de vidéoprotection qui témoignent d’une scène d’une grande violence. Âgés de 17 et 27 ans, ils étaient en situation régulière mais inconnus des services de police.

« Ces faits sont gravissimes mais je ne suis pas certain que l’on puisse affirmer qu’ils sont en augmentation », prévient Renaud Gaudeul, procureur de la République de Nantes, lors d’une conférence de presse organisée lundi. Si les agressions sexuelles portées à la connaissance de la police ont augmenté de 8 % depuis 2021 et 32 % depuis 2019, il précise que ces chiffres sont à prendre avec précaution. « Ils s’expliquent en grande partie par la libération de la parole des victimes et ne distinguent pas les violences intrafamiliales des violences commises dans la rue. »

L’opposition dénonce une « dégradation accélérée »

Mais ce fait divers survient dans un contexte où l’insécurité dans le centre-ville est dénoncée depuis plusieurs années par l’association S2N (Sécurité nocturne à Nantes). Fondée par le gérant d’un bar et un agent de sécurité, elle appelle à une manifestation ce samedi 1er octobre, après une série d’agressions nocturnes sur des employés de bar ou de restaurant.

Ce rendez-vous a pris un nouveau relief à l’aune du tragique fait divers de l’île de Nantes. Conseiller municipal pour Les Républicains, Foulques Chombart de Lauwe appelle à y participer et dénonce sur Twitter une « dégradation accélérée » à Nantes en raison d’une « inaction coupable de la maire ». La députée nantaise du MoDem Sarah El Haïry réclame de son côté une police municipale mieux équipée et une vidéosurveillance renforcée.

Adjoint à la maire de Nantes chargé de la sécurité, Pascal Bolo répond que la ville dispose déjà de 150 caméras de vidéoprotection et emploie 115 policiers municipaux, tandis qu’une vingtaine de policiers métropolitains assurent la sécurité des transports. Alors que 70 policiers nationaux viennent d’arriver en renfort, la ville promet d’en recruter autant d'ici à 2024. Actuellement, 25 recrutements sont en cours pour 2022.

« Avant d’être opérationnels, ils doivent suivre des formations qui ne dépendent pas de nous, précise Pascal Bolo. Forcément, cela fait prendre du retard sur la présence policière sur le terrain. » Par ailleurs, un conflit social en cours empêche les policiers municipaux d’être présents entre minuit et 2 heures du matin en ville.

Des statistiques rassurantes

Le dernier bilan provisoire de la préfecture de Loire-Atlantique, que La Croix s’est procuré, qui porte sur une période allant du 1er janvier au 31 août 2022, fait état d’une diminution de 9,31 % de la délinquance globale à Nantes, si l’on compare à 2019. Le nombre d’atteintes aux biens est également en forte baisse dans l’agglomération nantaise, de 19,81% entre 2019 et 2022. En revanche, les atteintes à l’intégrité physique, dont les violences sexuelles, sont en légère augmentation, de 6,79 %. « Nous sommes au même niveau que des villes comme Strasbourg, Bordeaux ou Nice, commente Pascal Bolo. La tendance récente est même plutôt à la baisse. L’émotion engendrée par ce fait divers est légitime mais Nantes n’est pas un coupe-gorge ! »

Chercheur émérite au CNRS et fondateur du Centre de recherches sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), Philippe Robert souligne que « les alertes à l’insécurité partent généralement d’un fait divers spectaculaire, auquel un collectif donne écho et qui, pour passer à l’échelle nationale, s’appuie sur un relais médiatique ».

Or, pointer une municipalité sur son action en matière de sécurité relève selon lui d’un « jeu de dupes » : « On accuse un acteur local qui n’a en réalité pas beaucoup de moyens et de compétences en la matière puisque l’essentiel revient à l’État. » Pour sortir des polémiques, il faudrait selon lui mener des enquêtes de « victimation » à l’échelle locale, seules à même de prendre la mesure d’une situation particulière.