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Noël: les dix livres coups de cœur du Figaro littéraire de 2022 à offrir

Romans, bandes dessinées... La rédaction vous partage ses dix livres préférés de l'année.

Vous souhaitez mettre un livre au pied du sapin à Noël, mais vous ne savez pas lequel choisir ? Le Figaro littéraire vous aide à vous y retrouver. Voici ses dix livres favoris de l'année.

Le Grand Monde, de Pierre Lemaitre

Dumas prévenait: «Lecteur, accordez les dix, les quinze, les vingt premières pages à l'histoire, le romancier aura le reste.» C'est dans cet état d'esprit qu'il faut commencer la lecture du Grand Monde de Pierre Lemaitre. Le moment qui en forme le décor, c'est celui de l'Indochine des dernières années de la présence française, sur fond de guerre entre le corps expéditionnaire et le Viet-minh, sans parler du scandale des piastres. Le reste appartient donc au romancier - et quel romancier!

C'est à Beyrouth que tout commence, dans la famille Pelletier, de prospères fabricants de savons. Les parents, Louis et Angèle, leur progéniture forment les cinq branches en étoile par lesquelles Lemaitre va déployer son roman. Les enfants s'éparpillent rapidement comme s'ils fuyaient une ville de province, et surtout un environnement moins paisible que l'honnête activité savonnière qui fait la fierté de la famille... Pierre Lemaître captive et étourdit habilement le lecteur sans jamais perdre le fil de cette histoire aux cent visages.

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Le Grand Monde, de Pierre Lemaitre, Calmann-Lévy, 590 p., 22, 90 €.
Par Étienne de Montety.

La Carte et le Territoire, de Michel Houellebecq et Louis Paillard

Voici un ovni narratif et graphique. Pour dire vite, il s'agit d'une version, illustrée par Louis Paillard, architecte et urbaniste de renom, passionné de dessin, du roman qui valut à Michel Houellebecq le prix Goncourt en 2010, La Carte et le Territoire. Mais c'est mieux que La Carte et le Territoire. Comme un déploiement, un accomplissement du roman initial. Les deux hommes y ont travaillé de concert.

D'entrée de jeu, l'ouvrage déroute en contrevenant à nos habitudes de lecture. L'objet luxueux, dos toilé, signet, papier crème de fort grammage, est imposant. Et il pèse son poids, 1,380 kg. Son format à l'italienne force à l'ouvrir comme on soulève le couvercle d'un coffret, et à le lire de même, non pas de gauche à droite, mais de haut en bas. On est ainsi soustrait à la perception chronologique et fléchée du temps. On flotte dans l'espace de la page. Le peintre comme l'écrivain n'ont d'autre ambition que de rendre compte du monde , de décrire les rouages qui concourent au fonctionnement d'une société . Ce que réalise de façon époustouflante cet ouvrage qui peut se lire comme un tabloïd de l'Occident finissant.

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La Carte et le Territoire, de Michel Houellebecq et Louis Paillard, Flammarion, 160 p., 28,90 €. Par Astrid de Larminat.

Une déchirure dans le ciel, de Jeannine Cummins

On a découvert Jeanine Cummins en 2022 avec American Dirt , un roman puissant et profond sur le grand voyage des migrants entre le Mexique et les États-Unis auquel elle donnait des accents de voyage biblique vers la Terre promise. Réalisme des descriptions, subtilité psychologique des personnages, d'emblée elle faisait preuve d'un grand talent de reporter autant que de romancière. Elle revient avec Une déchirure dans le ciel, un livre qui ne doit rien à son expérience professionnelle et beaucoup à sa vie.

Il y a 25 ans, alors qu'elle était âgée de 16 ans, son frère Tom et ses deux cousines Julie et Robin Kerry furent les victimes d'un horrible fait divers à Saint-Louis, Missouri. Au départ, il y a l'escapade nocturne de trois adolescents sur un vieux pont désaffecté qui enjambe le Mississippi. Julie veut montrer à son cousin le poème qu'elle a écrit à même la chaussée: il y est question de paix et d'amour... Jeanine Cummins pose des questions qui élèvent son livre à la hauteur de notre condition humaine: pourquoi la passion de la société pour les faits divers conduit-elle chacun à se fixer sur les assassins et leur histoire ?

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Une déchirure dans le ciel, de Jeanine Cummins, traduit de l'anglais (États-Unis) par Christine Auché, Philippe Rey éditeur,370 p., 21 €. Par Étienne de Montety.

Les Enfants endormis, d'Anthony Passeron

Le matin du 5 juin 1981, le directeur du service des maladies infectieuses de l'hôpital Claude-Bernard, à Paris, est à son bureau. Comme d'habitude, il feuillette le bulletin épidémiologique de la semaine. On y décrit la réapparition d'une pathologie que l'on croyait disparue, la pneumopathie, chez cinq individus, aux États-Unis. Ce même jour, un jeune homme amaigri vient le consulter. Se pourrait-il que…? «C'était la même affection, une maladie quasi éradiquée, qui venait d'être observée chez cinq Américains et, désormais, un Français.»

C'était il y a quarante ans et, depuis, plus de 36 millions de personnes sont mortes du sida. Parmi elles, Désiré, l'oncle d'Anthony Passeron. Cette histoire, le primo-romancier a pris du temps pour la raconter. Pendant des années, sa famille s'est emmurée dans le silence et les euphémismes. C'est sur ces débris de mots et de vies que l'auteur a choisi d'écrire. Ce livre est «l'ultime tentative que quelque chose subsiste». Et quel livre magistral! Entre souvenirs et confessions, documents et données factuelles, l'auteur tisse un roman en miroir mêlant récit intime et enquête sociologique.

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Les Enfants endormis d'Anthony Passeron, Globe, 288 p., 20 €.
Par Alice Develey.

Guerre, de Céline

J'ai bien dû rester là encore une partie de la nuit suivante. Toute l'oreille à gauche était collée par terre avec du sang, la bouche aussi.» Nous sommes en 1934, vingt ans après les faits, l'écrivain Louis-Ferdinand Céline, tout juste auréolé du succès de Voyage au bout de la nuit , et à ce moment-là en pleine rédaction de Mort à crédit, jette sur le papier les premières lignes d'un roman qui raconterait la guerre de 1914 et ses horreurs, SA guerre. Quatre-vingt-dix ans après les avoir achevés, il nous est enfin permis de découvrir ces textes complètement inconnus, et «retrouvés» en 2021, après une rocambolesque histoire.

La lecture de Guerre est pour le moins déroutante. Le livre commence par un récit autobiographique, rarement usité par Céline dans le reste de son œuvre. On découvre Ferdinand grièvement blessé après qu'un obus a anéanti sa compagnie, faisant de lui le seul survivant. Ces pages sont très crues et émouvantes, car, pour la première fois, Céline revient sur un moment de sa vie qu'il n'évoquera que très vaguement, à divers témoins, comme aux journalistes venus l'interroger. Bien entendu, Céline en rajoute, «il faut noircir et se noircir» disait-il souvent. Dans la réalité, il a été blessé par une balle, pas par un obus, il était seul, à pied, et pas à cheval, en groupe… Mais le bras blessé et les souffrances cérébrales sont bien réels, et il les décrit assez clairement. Très vite, le romanesque reprend le dessus. On devine entre les lignes que l'objectif de cette troupe n'était pas très clair, et n'avait pas grand-chose à voir avec la gloire militaire...

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Guerre de Louis-Ferdinand Céline, Gallimard, 185 p., 19 €. Par David Alliot.

Le Mage du Kremlin, de Giuliano da Empoli

La meilleure analyse (psychanalyse?) de la Russie vient d'être écrite en français par un écrivain au nom italien, Giuliano da Empoli. Qui est ce mage du Kremlin qui donne son titre au livre? Un certain Vadim Baranov, présenté comme le nouveau Raspoutine, plus précisément l'éminence grise du «Tsar» Poutine. Le narrateur entre en contact avec ce Baranov qui vient de prendre du champ. Il le retrouve dans sa retraite et entreprend de lui faire raconter les trente dernières années de la Russie, qui ont vu la montée irrésistible d'un petit homme couleur de muraille venu de Saint-Pétersbourg: Vladimir Poutine.

Ascension d'un homme, reprise en main du pays, stratégie de restauration territoriale, on lit Le Mage du Kremlin, comme l'actualité à livre ouvert ; on croise Khodorkovski, Kasparov, autant de personnalités qui crurent pouvoir jouer la carte de la modernité. Pour un peu, on entendrait au détour d'une page le «Tsar» justifier l'agression de l'Ukraine, parlant défense de la patrie et dénazification. Avec ce livre captivant, da Empoli démontre la puissance du roman, capable, par une intrusion réussie dans le for des hommes, de devenir plus éclairant que bien des essais.

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Le mage du Kremlin. De Giuliano da Empoli, Gallimard, 282 p., 20 €. Par Étienne de Montety.

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent, de Maria Larrea

C'est une histoire folle, furieuse, pleine de prostituées, d'hommes violents, d'enfants débiles ou abandonnés. C'est à Bilbao que tout commence, dans l'Espagne de Franco. Puis, au chapitre III, la narratrice entre en scène. Elle raconte son enfance parisienne entre un père basque buveur, cogneur à l'occasion, gardien de théâtre et une mère galicienne, femme de ménage dans les bars à hôtesses. Ses parents, elle les aime tout autant qu'elle cherche à les fuir.

Adolescente, Maria ne trouve pas sa place, ne tient plus en place, fume, boit, se défonce. «Pour oublier ce paternel violent, cette mère esclave et notre douleur commune et inexplicable, je sortais toutes les nuits et me droguais autant.» Un seul rêve la poursuit: faire du cinéma. Elle rencontre le cinéaste et auteur de bande dessinée chilien Jodorowsky spécialiste du tarot. Maria, la paumée, l'instable, pense que les cartes peuvent peut-être l'aider à sortir de son marasme. Et c'est là que tout explose. L'histoire familiale n'était pas simple, pas toujours drôle, elle devient proprement hallucinante.

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Les gens de Bilbao naissent où ils veulent, de Maria Larrea, Grasset, 215 p., 20€. Par Bruno Corty.

Chien 51, de Laurent Gaudé

OPA sur la Grèce, mais aussi sur la République dominicaine, le Venezuela, le Bangladesh… Dans Chien 51, Laurent Gaudé dessine un monde effarant où de grandes firmes peuvent racheter des pays endettés et organiser la vie comme elles l'entendent, par zones: les privilégiés en zone 1, la classe moyenne, en zone 2, et les pauvres en zone 3, territoire abandonné et délabré.

Des «check-points» sont mis en place pour passer d'une zone à une autre. Chien 51 serait une dystopie, une société imaginaire, à la Orwell? On veut bien le croire, mais le réalisme décrit par Laurent Gaudé est tel que tout nous ramène au présent. Sans doute, l'écrivain pense-t-il que demain ne serait en fait que le visage de nos égarements d'aujourd'hui.

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Chien 51, de Laurent Gaudé, Actes Sud, 304 p., 22 €. Par Mohammed Aïssaoui.

Le Magicien, de Colm Toibin

Avec ce roman dont l'action démarre en 1891 (Mann a 16 ans) à Lübeck et s'achève, dix-sept chapitres plus tard, en 1950 à Los Angeles (il lui reste cinq ans à vivre), Colm Toibin suit pas à pas le destin hors norme d'un monument de la littérature allemande. Son but n'est pas d'offrir une analyse des œuvres du Prix Nobel 1929. Ici, il dépeint un personnage, sa famille et son pays dans la tourmente du XXe siècle.

Le Magicien est le portrait, par petites touches, d'une Allemagne qui passe du Kaiser à la République de Weimar et à une révolution avortée, jusqu'à l'avènement d'Adolf Hitler. Toibin embrasse six décennies avec un savoir-faire qui trouve peu d'équivalents de nos jours. La presse anglo-saxonne ne s'y est pas trompée, qui encense le roman. Et ses confrères, toutes générations confondues, Richard Ford, John Banville, Peter Carey pour les aînés, Damon Galgut, Garth Greenwell, Tessa Hadley pour les cadets, n'ont pas assez de mots pour dire la réussite de l'entreprise de leur confrère.

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Le Magicien de Colm Toibin, traduit de l'anglais (Irlande) par Anna Gibson, Grasset, 604 p., 26 €. Par Bruno Corty.

Oh, Canada, de Russell Banks

Depuis Terminus Floride, en 1985, Russell Banks n'a cessé d'explorer les arrière-salles du rêve américain, mettant en scène les paumés, les sans-grade, nous dévoilant des lambeaux de vie arrachés aux exclus et aux déclassés, à ceux qui arrivent trop tôt en bout de course. C'est que cet autodidacte, grand marcheur et alpiniste invétéré, a retenu la leçon de Nelson Algren, l'auteur oublié de L'Homme au bras d'or, qui l'avait encouragé et conseillé. Cette fois-ci, après Voyager, fait de variations sur le grand âge, l'auteur d'American Darling revient au roman, après onze ans d'absence. Et quel roman! Lequel s'ouvre sur ce vers de Fernando Pessoa: «Au souvenir de qui je fus, je vois un autre».

Oh, Canada, qu'on peut lire comme son chant du cygne, nourri de souvenirs personnels, nous montre un Russell Banks au sommet de son art: subtil, direct, surprenant, toujours sur le fil du rasoir. Il nous narre le destin de l'Américain Leo Fife, un cinéaste d'investigation, célébré pour ses dénonciations de la corruption et des malversations.

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Oh, Canada, de Russell Banks, traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Furlan, Actes Sud, 332, p., 23 €. Par Thierry Clermont.