La garde à vue du youtubeur français Norman Thavaud a été prolongée ce mardi 6 décembre alors qu'une confrontation avec une des accusatrices doit avoir lieu. Le vidéaste est visé par une enquête pour corruption de mineurs et viol.
[Mis à jour le 6 décembre 2022 à 10h10] Norman Thavaud, troisième youtubeur français, va rester en garde à vue encore plusieurs heures. Après l'interpellation du vidéaste par les enquêteurs de la Brigade de protection des famille (BPF) dans la matinée du lundi 5 décembre, rapportée par Libération, la prolongation de la garde à vue a été décidée ce mardi avant même que les enquêteurs n'aient l'obligation de relâcher l'homme de 35 ans visé par une enquête préliminaire du parquet de Paris pour corruption de mineurs et viol. La procédure judiciaire est en cours depuis janvier 2022 après les accusations de six plaignantes à l'encontre de "Norman fait des vidéos".
L'affaire autour de Norman, pourrait connaître un temps fort ce mardi 6 décembre lors de la confrontation du vidéaste avec Maggie Desmarais, une des accusatrices et la seule à avoir témoigné publiquement. La jeune québécoise a fait le déplacement jusqu'en France pour que son histoire soit entendue, deux ans après son premier témoignage pour Urbania dans lequel elle accusait "Norman fait des vidéos" d'avoir abusé de son jeune âge pour obtenir des "photos et vidéos à caractère sexuel". Selon la plaignante, les faits remontent à 2018 alors qu'elle était mineure. Dans son sillage, cinq autres femmes avaient formulé en 2021 de nouvelles accusations contre Norman dont une qui rapportait également être mineur au moment des faits.
Norman Thavaud reste présumé innocent dans cette affaire qui n'est pas si récente. Le nom du vidéaste avait déjà été mentionné il y a quatre ans lors de la vague #BalanceTonYoutubeur, mouvement héritier de #MeToo. L'affaire était alors passée sous les radars des médias mais, ce lundi 5 décembre l'ouverture de l'enquête et la mise en garde à vue du créateur de contenus de 35 ans n'ont pas été sans conséquence. La société de production Webedia, responsable des plus importantes chaînes YouTube françaises a indiqué en fin de journée qu'elle suspendait sa collaboration avec "Norman fait des vidéos".
Qu'est-il reproché à Norman Thavaud ?
Plusieurs adolescentes et jeunes femmes affirment avoir été victimes de Norman Thavaud, aujourd'hui âgé de 35 ans. Elles l'accusent de faits "de nature différente", précise le quotidien. L'affaire concerne notamment une jeune fan originaire du Québec qui, alors âgée de 16 ans au moment des faits, a accusé en 2020 Norman Thavaud d'être parvenu à lui soutirer des photos et vidéos à caractère sexuel lors d'un "petit jeu malsain d'attachement affectif". Par ailleurs, cinq autres personnes ont été interrogées dans ce cadre, dont deux mineures au moment des faits. Libération affirme qu'elles pourraient toutes avoir subi un viol à l'exception de la jeune Québécoise, prénommée Maggie Desmarais, qui doit, quant à elle, être confrontée au youtubeur mardi.
"Je ne m'attends pas à grand-chose de la justice, ce ne serait pas la première fois qu'un agresseur serait acquitté", confiait en 2021 Maggie Desmarais au magazine québécois Urbania. Et d'ajouter : "Je sais qu'il y a des failles dans le système judiciaire. Mais j'ai quand même porté plainte, par principe. Et puis je veux que Norman assume enfin ce qu'il a fait."
Des nudes demandés selon Maggie Desmarais
En avril 2021, Maggie Desmarais avait raconté son histoire au site québécois Urbania. Les faits se seraient déroulés en 2017 ou 2018, durant neuf mois : seul l'âge de Norman Thavaud à ce moment-là (30 ans) a été indiqué, permettant de déterminer la chronologie des faits. Cette Québécoise avait expliqué avoir échangé de simples messages avec le youtubeur avant que la "relation virtuelle", comme elle l'avait précisé, ne transforme "rapidement en flirt". "Très peu de temps après nos premiers échanges, il a commencé à me complimenter. Petit à petit, les photos qu'on s'envoyait mutuellement étaient de plus en plus osées. C'est à partir de là que c'est devenu problématique et qu'il a été de plus en plus insistant et demandant", avait-elle expliqué, évoquant de la manipulation : "Il utilisait les bons mots aux bons moments : dès que je m'éloignais, il me rattrapait au dernier moment. Quand j'étais prête à couper toute communication avec lui, il revenait à la charge."
Dans ses propos, Maggie Desmarais avance que Norman Thavaud "voulait juste [qu'ils s'envoient] des nudes [photo partiellement ou intégralement dénudée de soi, ndlr.] sur Snapchat". Lorsqu'en 2018, la vague #BalanceTonYoutubeur déferle sur les réseaux sociaux, la jeune fille explique avoir reçu un message du trentenaire : "Ne parle pas trop de notre histoire, ça pourrait paraitre ambigu, avec tout ce qui se passe." À ce moment-là, Squeezie, premier youtubeur français, avait alors publié sur Twitter : "Les YouTubeurs (y compris ceux qui crient sur tous les toits qu'ils sont féministes) qui profitent de la vulnérabilité psychologique de jeunes abonnées pour obtenir des rapports sexuels on vous voit. La vérité finit toujours par éclater."
Les viols pas caractérisés à ce stade
Si dans le récit de Maggie Desmarais, il n'a jamais été question d'un quelconque viol, Libération indique que les cinq autres potentielles victimes interrogées par la justice dans le cadre de cette affaire pourraient avoir été victimes d'un viol. Cependant, rien à ce stade dans le dossier ne vient confirmer que de tels agissements ont bien eu lieu. D'autant que les deux autres témoignages recueillis par Urbania n'en font pas mention.
En plus de celui de Maggie Desmarais, le site a obtenu deux récits de jeunes femmes qui mettent en cause Norman Thavaud. Mais aucune preuve matérielle n'existe, les messages écrits sur Snapchat ne s'enregistrant pas. Elles avaient expliqué avoir 16 ans au moment des échanges avec le youtubeur. L'une explique avoir amorcé la conversation avec le mis en cause en parlant des animaux de compagnie. "Et ça a commencé à dériver", assurait-elle, indiquant des demandes de photos de la part du trentenaire. "C'est lui le premier qui m'a envoyé une photo torse nu et il m'a envoyé : 'Et maintenant, tu m'envoies la même", racontait-elle. Un message, comme souvent, accompagné d'un "t'inquiète, je plaisante". Mais la jeune fille expliquait à Urbania s'être exécutée, s'affichant partiellement dénudée. Avant de recevoir d'autres demandes. "Ah mais ça aurait été mieux sans le soutif, et sans le jean aussi, et puis sans la culotte", tels auraient été les messages suivant reçus, selon ses dires.
"C'était très malsain", commentait une autre témoin auprès d'Urbania. "J'avais 16 ans. Je crois qu'il m'a envoyé un Snap de sa tête et je lui dis : 'Ah bah t'as pas bronzé.' Il me dit : 'Ah ouais, je ne te plais pas ?'", racontait-elle. La jeune fille assurait ne pas être tombée dans le panneau. "Donc là, je lui réponds : 'Mais t'as 30 ans par contre…' Parce que je commence à réaliser que c'est bizarre qu'il me réponde ça." Les échanges auraient alors tourné court : "Je sentais que ses propos étaient ambigus et que c'était de la drague. Je lui ai dit : 'On se parlera quand je serai majeure.' Et là, il me dit un truc du style : 'J'hésite à te supprimer du coup.'"
