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"On en revient à une école au rabais" : l'inclusion des élèves en situation de handicap, entre illusion et réalité

Le nombre d'élèves atteints de handicaps ne cesse d'augmenter dans les classes mais sur fond de manque d'accompagnants, la qualité de l'inclusion pose question. État des lieux en cette journée internationale des personnes handicapées, ce samedi 3 décembre. 

L'école, lieu d'inclusion et d'égalité des chances pour tous, offre-t-elle une place assez large aux enfants en situation de handicap ? Pas encore, sans doute. Mais en cette journée internationale des personnes handicapées, il faut rappeler qu'il n'y en a jamais eu autant scolarisés en France : plus de 430 000 contre 321 000 en 2017. Près de 25000 dans l'académie de Montpellier, soit 30% de plus qu'il y a trois ans.

Defenseure des droits saisie par des parents

Ce processus s'est accéléré en 2017 avec l'élection d'Emmanuel Macron. Mais derrière les chiffres, qu'en est-il de la qualité ? Assiste-t-on à une inclusion à marche forcée parfois douloureuse faute de moyens ? C'est la crainte soulignée au moment de la rentrée par Claire Hédon. La Défenseure des droits affirme a reçu des centaines de témoignages concernant des difficultés d’accès à l’éducation d’enfants handicapés (20 % des saisines relatives aux droits de l’enfant).

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Au cœur du problème, le manque d’AESH, ces agents chargés d’accompagner ces élèves de la maternelle au lycée pour faciliter leur autonomie et les aider à suivre les cours. Ces notifications de droits sont établies par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). C'est elle qui détermine le nombre d'heures d'accompagnement hebdomadaire. On observe des inégalités et certaines aberrations, comme cet élève de 9 ans habitant dans les PO mais scolarisé dans l'Hérault où il a droit à douze heures d'accompagnement contre quatre dans son département.

Mutalisation des accompagnants AESH

"Cette grande variabilité des décisions de la MDPH fait que les parents se retrouvent souvent perdus dès le départ, déplore Rémy Landri, président de la FCPE des PO. Certains handicaps invisibles comme la dyslexie ou la dysphasie ne sont détectés qu'en cours de scolarité. En plus d'être considéré comme indiscipliné, l'élève  patiente parfois jusqu'à huit mois pour mettre un nom sur son trouble du comportement. Et jusqu'à deux ans avant d'avoir une mesure d'accompagnement."

Les handicaps les plus lourds sont prioritaires pour intégrer un institut médico éducatif ou une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis). Les autres doivent faire avec les quelques heures d'accompagnement attribuées. Or, depuis 2019, les AESH sont regroupées en pôles inclusifs localisés (Pial), par secteurs, avec une baisse de l'accompagnement individualisé et une grande mutualisation.

Profession mal payée et non reconnue

"C'est devenu compliqué. Certaines de mes collègues peuvent accompagner plus de six enfants dans un même établissement avec moins de quatre heures par enfant. Comment voulez-vous faire de la qualité ? s'interroge Emeline Serylo, AESH dans le Gard depuis plus de six ans. Je reste très attachée à mon métier qui m'a énormément apporté mais quand vous ne gagnez que 850 € mensuels pour 24 heures par semaine, que vous êtes peu formée, comment voulez-vous avoir des perspectives ?"

La crise des vocations frappe donc lourdement une profession marginalisée malgré les 4000 postes de plus annoncés en France à la rentrée. Une proposition de loi déposée par les députés NUPES demandait la création d’un corps d’AESH fonctionnaires avec un statut reconnu, mais elle a été vidée de sa substance en commission le 16 novembre, par des amendements de la majorité et des députés LR, et remplacée par la possibilité d’obtenir un CDI au bout de 3 ans.

"Ecole au rabais et élèves noyés dans la masse"

 "Trois ans avec une grille de salaire bloquée, c'est scandaleux, déplore Isabelle Levasseur, AESH à Ganges. On nous demande d'assister aux cours, de les comprendre, de les expliquer à l'élève, c'est épuisant. Les annonces demandent aux candidates des compétences en informatiques, des connaissances du handicap et on parle d'emploi non qualifié ? C'est une blague."

Nous n'en sommes pas encore là en Occitanie mais en Île de France, le recours à des AESH privées, payées par les familles, se développe.  "On en revient à une école au rabais, soupire Rémy Landri. On observe de plus en plus de classes avec 6 à 7 élèves en situation de handicap. C'est problématique pour l’enseignant et au final ces élèves se noient dans la masse sans avoir forcément l'accompagnement suffisant."

Le rapport de la défenseure des droits pointe également le manque d’infrastructures accessibles ainsi que des programmes scolaires et des salles de classe inadaptés. Pour l'inclusion, la route est encore longue et jalonnée d'obstacles.

Le rectorat veut mieux former ses professeurs

"Collectivement, l'école inclusive vise l’ambition du parcours des élèves à besoins particuliers en identifiant l’hétérogénéité comme un levier d’enrichissement". C'est une des idées fortes évoquées lors d'un séminaire académique réunissant plus de 300 personnels d'encadrement le 25 novembre. Concernant cette inclusion, qui reste "une de ses priorités", le rectorat met en avant sa valonté de mieux former ses AESH (module initial de 60 heures) mais aussi ses enseignants. Ces derniers disposent déjà d'un module de 25 heures sur le handicap. A cela s'ajoutera une formation continue sur les troubles du langage et du comportement. Le rectorat rappelle aussi que "des équipes mobiles d'appui sont disponibles quand les situations deviennent compliquées" et le développement de "partenariats pour l'insertion profesionnelle des élèves en situation de handicap".

Dans l'académie, on recense par ailleurs 436 dispositifs Ulis à organisation adaptée (+12 cette année) pour accueillir 5200 élèves et 16 unités d'enseignement pour enfants autistes.