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"On vend des notions morales" : quand le féminisme devient un business sur Instagram

Les partenariats rémunérés sont-ils compatibles avec la défense des valeurs féministes ? Sur Instagram, l'activisme se heurte au capitalisme. L'équilibre est difficile à trouver pour des comptes souvent influents.

"Bien. Je ne sais pas pour vous, mais Insta commence à me fatiguer. Ce n'est pas du tout spontané. Je suis la meilleure version de moi-même. J'en ai marre d'Ikea les notifications qu'il y a (d'ailleurs, ce genre de post me fait souvent chier) (…) surtout l'interminable contenu qui existe, puisque Merci Beaucul a la même formule 4 Ça fait des années et aujourd'hui j'ai l'impression qu'il faut me renouveler et écrire différemment (.). Ça ne crée pas d'engagement donc mes stats baissent et donc le parrain »

Création de compte Merci Beauculposté sur Instagram le 21 juin 2022 Posté par l'auteure Léa, ces mots prônent la professionnalisation, le mouvement sex-positif et/ou body-positif des influenceurs impliqués dans les réseaux sociaux, une question qui reste taboue*.

Dans De fait, les contenus liés aux enjeux féministes, notamment l'acceptation de son corps et la libération sexuelle, se sont multipliés sur les réseaux sociaux ces dernières années : comme le rappelle la journaliste économique Leah Lejeune, historique La question du militantisme était au cœur de (auteur de l'essai Feminism Washing: When Corporations Restore the Women's Cause in Seuille): 20} Cela a commencé à populariser le concept d'une manière différente, et cela a pris beaucoup, le mouvement féministe était sous-représenté dans les médias traditionnels, il était donc un point de départ pour amplifier ces discours.»

Instagram
Il y a des comptes très influents sur Insta qui défendent les valeurs féministes, mais qu'en est-il quand ils entrent dans partenariats rémunérés ? // Source : Souvik Banerjee

Nature de ces comptes éducatifs évolue rapidement. Les lignes de rédaction sont devenues de plus en plus floues, alternant entre information, sensibilisation et marketing. Placements de produits, partenariats, concours et codes promotionnels : les marques s'associent de plus en plus à des influenceurs pour étendre leur portée, et les influenceurs jouent souvent un rôle de plus en plus important pour sécuriser leurs revenus.

Mais ces espaces de sociabilité et d'apprentissage en ligne sont des lieux de communication importants, aidant un nombre important de personnes à réfléchir plus sereinement à leur rapport à leur corps et à leur sexualité. Une dynamique positive qui semble a priori en contradiction avec l'engouement commercial.

Quand le féminisme devient un métier

Comment expliquez-vous l'écart grandissant entre contenus éducatifs et commerciaux sur les réseaux sociaux ? "Le travail des créateurs de contenus est très chronophage. On sait comment fonctionnent les algorithmes. Pour cela, il faut créer et pousser du contenu très régulièrement. ", répond Léa Lejeune. " Cela prenait de plus en plus de temps aux influenceuses, donc elles devaient se spécialiser. " Selon elle, les dynamiques de commercialisation de certains comptes féministes sont " les limites de l'activisme lorsqu'il devient l'activité principale des gens. » peut s'afficher.

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@Wicul_ Captures d'écran du compte entre le placement de produit et les publications éducatives

Énorme opportunité économique : 2018 Selon l'enquête Harris Interactive, 58 % d'hommes et de femmes en France se qualifient de publics féministes, en particulier les femmes qui sont plus sensibilisées à ces questionset analysent les journalistes.

Léa du compte de Merci Beaucul est d'accord. "En tant que designer, je reconnais que c'est un travail colossal, de longues semaines, la charge émotionnelle que cela représente, des questions très intimes, des contraintes. Algorithmique… abonnés Nous comprenons l'importance des partenariats pour que les consommateurs continuent d'avoir accès à des contenus gratuits."Cependant, les mécanismes de consommation "impulsifs" qu'ils génèrent"C'est aussi en tant qu'utilisatrice qu'elle se senttrès fatiguée.

"Les abonnés font confiance aux opinions de ceux qu'ils suivent depuis longtemps avec une certaine intimité."

Les stratégies de communication sont plus durable car les mentions directes présentent des avantages significatifs par rapport à la publicité traditionnelle. explique : Les marques choisissent de passer par des influenceurs plutôt que par des systèmes publicitaires traditionnels. , profite de la confiance existante entre les créateurs et la communauté». La clé est la confiance. »

Des efforts marketing qui entraînent de grandes dérives : il faut faire de plus en plus de profits pour suivre le rythme de publication et satisfaire les algorithmes. Le taux d'engagement du contenu composé, qui a un impact constant sur la qualité du message composé. Elvire explique :"

Evolution de l'usage des réseaux identifiée par Léa Lejeune : "Ces deux intérêts opposés, militants d'un côté et marketing de l'autre, se sont rejoints. Il en résulte une réappropriation des récits militants par le capitalisme et les marques. »

Équilibrer le risque financier

Certaines des marques dont parlent les journalistes économiques sont des marques propres d'influenceurs. C'est le cas de Louise Aubéry, créatrice du compte My Better Self, adepte du body-positive content aux 537 000 abonnés. Dans la foulée de son activité sur les réseaux sociaux, en 2021 elle lance « Je ne sais quoi » est lancé. Cependant, le catalogue s'arrête à 48.

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jenesais quoiofficiel. capture d'écran du site fr

Vous pouvez également mentionnerMeuf à Paris, tenu par Claire Suco pour avoir accepté de répondre à nos questions. Je suis là. La marque, qui propose notamment de la lingerie menstruelle, est régulièrement mise en avant par des "fat activistes" sur les réseaux sociaux pour avoir peu de stock degrandes tailles, mais la marque est attachée et défend clairement la position féministe.

"L'objectif de Meuf Paris est d'autonomiser les femmes à travers les vêtements", explique Claire Suco. Interrogée sur les critiques que sa marque a reçues pour ces raisons, elle a défendu : Ce que nous avons réalisé avec très peu de moyens - proposer jusqu'à 14 tailles pour un modèle particulier - est sans précédent pour une si petite entreprise. »

Elle dit que cela peut nuire à la santé financière des marques. Plus précisément, j'ai toujours en stock la culotte menstruelle taille 56 que j'ai fabriquée il y a deux ans. Nous ne sommes pas une grande marque. Toutes les pièces du dormeur sont dangereuses pour nous. Je comprends que certaines personnes puissent se sentir exclues et frustrées. Mais c'est vraiment décevant d'attaquer une petite marque comme nous qui essaie encore de faire de son mieux."

Léa Lejeune revient sur ce positionnement. "Les marques doivent commander leurs stocks séparément si elles ne représentent qu'une petite partie de la production de vêtements. n'est pas intéressée par les vêtements grandes tailles, et à la en même temps, si elle s'en tient à son langage féministe, elle a intérêt à communiquer sur le réseau qu'elle a.« Cela présente un équilibre difficile entre la maîtrise des stocks et le désir de faire mieux, souvent »[118] c'est économique intérêts [[119]] qui priment sur les intérêts belligérants. »

L'activité de coaching

Et avec un pourcentage élevé de placements de produits, les designers doivent se diversifier pour divertir leur public. "Il est clair queles entreprises veulent que nous fassions des économies, carc'est dans leur intérêt économique", déclare Léa Lejeune. Afin de ne pas proposer en permanence le même produit, les influenceurs ouvrent d'autres champs d'activité en plus de nouveaux partenariats. 

Par exemple, il existe des activités de coaching qui ont l'avantage d'humaniser la relation entre les influenceurs et les abonnés. Cependant, selon Elvire Duvelle-Charles, la tendance problématique est : Auparavant, les comptes sexuels reposaient fortement sur la collecte de témoignages d'abonnés, les laissant dans une position de non-expertise. Il y a une spécialisation de ceux qui ont passé des diplômes plus ou moins reconnus par l'État et qui s'affirment comme des professionnels. »

Cela représente-t-il un conflit d'intérêt ? "Si vousprétendez être sexologue et vendez en coulisses du savon pour vulve ou faites de la publicité pour un produit qui, selon vous, améliorera votre vie sexuelle, il y a ambiguïté", déclare Elvire Duvelle - dit Charles.

C'est le cas d'Amal Tahir, influenceuse sex-positive et body-positive à la tête d'un compte suivi par près de 85 000 personnes.

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Capture d'écran du site www.amaltahir.com

Léa Lejeune confirme cette dynamique en déclarant : " Parlons de la croissance ,dans les cercles féministes en ligne : nous aimons les produits parce qu'ils en font la publicité, pas parce que nous en avons besoin.

Mais cela a également changé la nature même des partenariats, les éloignant de plus en plus des thèmes de prédilection des créateurs de contenu. Par exemple, le 21 juin 2022, Amal Tahir a publié un partenariat avec la société de fenêtres Velux sur son compte Instagram, en écrivant : "L'impact positif de la lumière naturelle sur la sexualité et la confiance en soi" défendu.

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Source : Capture d'écran

Même système de comptes Orgasme et Moi suivi de 629 000 Avril 2021 27 Concours avec Moulinex pour gagner une cuisine robot pour le public le jour. 

Le business de la vulnérabilité

Quel impact cette omniprésence de la marque a-t-elle sur les abonnés vulnérables ? " Les publicités portant sur des valeurs, en particulier les valeurs féministes, s'appuient toujours sur les mêmes moyens, que ce soit sur des questions de sexualité ou d'acceptation du corps : psychologique Vous vendez un produit ou un service avec une promesse ", a répondu Rare Lejeune. Elle donne des exemples de lubrifiants écologiques et féministes. L'idée n'est pas de vendre de meilleurs lubrifiants, mais de vendre des produits qui "améliorent la sexualité"en conséquence,"nous vendons des objets fonctionnels. Cela vend des concepts moraux, pas , mais parfois ce dont les gens ont besoin est simplement une information ou même un soutien thérapeutique", a déclaré le journaliste.

Ces modèles commerciaux sont douteux car ils sont basés sur la guérison de l'insécurité créée par le patriarcat et le capitalisme lui-même. Dans ce cas, la formation en ligne est un excellent moyen de puiser dans vos veines. Dans un exemple récent, Masha Sexplication, forte de 110 000 abonnés, s'est associée à son compte Wicul (164 000 abonnés) pour``apprendre spécifiquement comment se branler et sucer des pénis". Nous proposons des ateliers pour 19 euros/tour, grâce à quoi vous pourrez apprendre la gorge profonde.

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Captures d'écran du site www.mashasexplique.com

Léa de Merci Beaucul met en garde contre les responsabilités du designer : je suis là. Les jeunes profitent de ce contenu éducatif faisant autorité. Nous pouvons nous retrouver sous de nombreuses nouvelles injonctions, toutes bienveillantes mais toujours des injonctions. "Elle a dit : "Est-ce normal si… ?", créant le risque de générer une nouvelle norme.

Parmi les solutions, l'indépendance financière.

Quelles perspectives doivent être prises en compte face à ces différents constats, et comment le travail de financement, souvent effectué gratuitement, et la cohérence avec le message sous-jacent et l'audience ? Comment trouver un équilibre entre le respect de Léa Lejeune nous rappelle que la frontière est mince entre être créatif, donner du sens et détourner les choses pour vendre des produits et des services. Mais elle pense aussi avoir une solution. " doit garder des contradictions et créer une concurrence entre les services. Conseils d'éthique pour les influenceurs, formation à l'éthique nécessaire. Surtout quand la mention des partenariats rémunérés n'est pas toujours clairement affichée. ", dit-elle.

Dans le cas d'Elvire Duvelle-Charles, la question des autres modes de financement doit également être posée. " La meilleure option pour moi est clairement le modèle d'indépendance financière. Être financé par vos lecteurs ou bénévoles. , c'est pourquoi il est important de faire un effort pour financer les acteurs qu'il soutient."Elle a un nombre de partenariats elle-même, mais cherche également à diversifier ses sources de revenus. "J'ai lancé un club de lecture sur Patreon. Je suis chroniqueuse pourHotline. Parlez de mégots…", se souvient-elle.

Ces arguments collectifs démontrent la nécessité de questionner la démesure inhérente aux modèles d'activisme qui ne peuvent exister qu'à travers le prisme du commerce. Selon Léa Lejeune, la marchandisation des enjeux sociaux se traduit par la "dépolitisation de la lutte féministe ", en en faisant une simple question de développement personnel que seul le marché peut résoudre. 

*Les comptes My Better Self, Wicul, Masha Sexplication, Amal Tahir, Orgasme et Moi cités dans cette enquête n'ont pas répondu à nos sollicitations ou ont été interrogés. réponse.