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Pages jeunes : «Charlotte et l’invasion des briques», imagination en construction

Charlotte est «la reine des blocs», ces petites briques en plastique coloré, c’est sa matière, un peu comme le potier avec l’argile. Pour elle, monter des constructions n’est pas seulement jouer. C’est un travail sérieux, minutieux et complexe. Ce personnage à deux couettes de Laurène Smagghe essaye d’apprivoiser les règles strictes, logiques de ce jeu et celles de la gravité. «Pendant des heures, brique par brique, Charlotte fabrique des fleurs, des autos, des animaux, des maisons, des tours, des bateaux.» Ces choses pourtant bien connues de tous prennent sous le trait de Jean-Claude Alphen une drôle de forme. L’éléphant ressemble à Elmer. La tour penche à gauche puis à droite. Elle est si étroite qu’on craint pour son équilibre. Les briques tombent. Rien ne va. Et, là, Charlotte explose. Sa tête gonfle. Son corps devient vert. Une queue de dragon transperce son short orange. Adieu à la petite fille et bonjour au monstre tout droit sorti d’un conte.

Planche extraite de «Charlotte et l'invasion des blocs», de Laurène Smagghe et Jean-Claude Alphen, éditions D'Eux. (Ed. D'Eux)

Nager dans une mer de briques

Heureusement pour son chien Galopin, tout est éphémère, même la colère de sa maîtresse. Tout ? Sauf le capharnaüm qu’est sa chambre. Les briques ne prennent pas la poussière au grenier ni au sous-sol, elles s’amassent au pied de son lit. Elle joue avec, se cache dedans et les transporte avec ses amis à l’aide d’une brouette. Tout est calculé. «Tout le monde va dans la chambre de Charlotte. Ils ouvrent leurs sacs. A l’intérieur, il y a des blocs de toutes les couleurs. Pendant des heures, brique par brique, tout le monde s’applique.» Chacune des pièces et leurs assemblages sont pensés et mis en valeur par le trait crayonné noir et furtif de Jean-Claude Alphen. La palette d’aquarelle aussi. Les couleurs se comptent sur les doigts d’une main donnant l’impression de nager dans une mer de briques. Attirés par un abysse, les blocs s’entremêlent, s’entrechoquent comme dans un tableau de Mira Maodus. Les lettres et les chiffres peints à l’acrylique dansent sur sa toile en se superposant. La page blanche est parfois nécessaire pour éviter de boire la tasse. Jean-Claude Alphen le suggère. Dans cette ode à la persévérance et à l’amitié, le mouvement des corps et des émotions n’est autre qu’une spirale verte, bleue et rose. Parfois blanche. Ou alors un filet en pastel violet s’étirant sur quatre pages.

Laurène Smagghe s’est fait remarquer dès son premier livre, un mini-roman, l’Enigme d’Emile chez Bayard Canada puis pour son album Charlotte et la migration des shorts, également chez D’Eux, qui racontait les habitudes vestimentaires de notre héroïne. Sa plume esquissait déjà les difficultés liées au changement, la virulence des émotions et l’imagination surprenante des enfants.

Charlotte et l’invasion des blocs de Laurène Smagghe et Jean-Claude Alphen, D’Eux, 64 pp., 19 €. A partir de 3 ans.