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Pandémie silencieuse : la résistance aux antibiotiques avait ralenti. Voilà comment elle est repartie de plus belle

Comment la recherche médicale fait face à la résistance aux antibiotiques ?

© MYCHELE DANIAU / AFP

Pharmacovigilance

La résistance aux antibiotiques est en augmentation ces derniers mois. Une baisse avait pourtant été enregistrée aux Etats-Unis avant la pandémie de Covid-19.

Antoine Andremont est l'un des grands experts internationaux dans le domaine de l'étude de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Professeur à la faculté de médecine de l'Université Paris-Diderot et chef du service de bactériologie de l'hôpital Bichat-Claude-Bernard, il effectue des missions régulières pour l'OMS. Il a publié en 2010, Le triomphe des bactéries : la fin des antibiotiques ? (Max Milo) et Antibiotiques, le naufrage (Bayard, 2014). Il intervient fréquemment dans les médias.

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Atlantico : La résistance aux antibiotiques a augmenté ces derniers mois après avoir connu une baisse avant le Covid aux Etats-Unis. Observe-t-on la même tendance en France ? 

Antoine Andremont : On a à peu près la même évolution en France, mais ce n’est pas étonnant. Au début de la crise du Covid, on ne savait pas trop ce qu’il se passait. La prudence était de donner des antibiotiques aux patients pour les protéger au mieux. Personne ne peut reprocher aux médecins qui ont prescrit des antibiotiques. Et pourtant, j’ai toujours poussé à la réduction de la consommation d'antibiotiques avant le Covid. 

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la "résistance aux antibiotiques" ? Pour quelles raisons le phénomène prend de l’ampleur ?

C’est un phénomène d'adaptation des bactéries à l'utilisation de ces médicaments miracles. Depuis 70 ans, ils sont les vecteurs principaux des progrès médicaux. Ils empêchent un certain nombre d'infections traditionnelles et font régresser les maladies traditionnelles de façon importante. Ils sont donc indispensables aux progrès de la médecine. Beaucoup d'interventions médicales, que ce soit de la chirurgie lourde ou des chimiothérapies, se font à l’aide des antibiotiques car les malades sont associés à un déficit des défenses des individus vis-à-vis des microbes. 

En somme, deux bénéfices majeurs interviennent : d’une part, le recul des maladies bactériennes (syphilis) et  de l’autre un pilier indispensable à la pratique de la médecine moderne, y compris pour des interventions très banales (césariennes qui sont liées à un petit risque d’infections). 

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Les bactéries sont des micro-organismes extrêmement évolutifs et quand on a commencé à fabriquer des antibiotiques, on apprend en même temps à un certain nombre de microbes d’évoluer vers la résistance. 

Il faut tout de même faire attention, car on en a donné beaucoup à des gens qui n’en avaient pas forcément besoin mais on ne se rendait pas compte du danger à faire cela. De plus, l’humain n’est pas le seul concerné par les antibiotiques puisque ces derniers sont majoritairement donnés aux animaux (environ 80%). 

Les antibiotiques ressortent dans les selles et ont un impact sur l’environnement. C’est pourquoi l’approche “one health” (selon laquelle on doit prendre en compte en même temps les êtres humains, les animaux et l’environnement) gagne du terrain, encore plus depuis le Covid. 

Entre mars et octobre 2020, au pic de la pandémie de Covid, 80% des malades ont reçu un traitement antibiotique aux États-Unis. A-t-on observé la même dynamique en France ? Avec quelles conséquences ? 

Dans les situations d’urgence, la réflexion est moindre concernant les effets à long terme. En effet, beaucoup de patients en réanimation en ont bénéficié. Il n’y a pas d’effets immédiats délétères pour les patients, mais cela a joué sur la résistance aux bactéries. Avant la crise du Covid, on avait réussi à réduire cette consommation grâce aux efforts faits en matière de prévention. Dans les années 2000, le slogan qui était à la mode pour la réduction de la consommation était “Les antibiotiques, ce n’est pas automatique”. Il faudrait retrouver un niveau acceptable de consommation, d’autant que cette réduction a surtout concerné les animaux. 

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Cela peut-il encourager l’apparition de nouveaux virus ou de “super bactéries” à moyen ou long terme ?

Pour de futures super bactéries, c’est évident. En revanche, je ne dirais pas la même chose pour les nouveaux virus car les virus et les antibiotiques ne se croisent pas beaucoup. 

Les nouveaux virus émergent à cause de l’anthropisation du monde. Plus généralement, l’utilisation des antibiotiques et la dissémination des bactéries résistantes sont un des aspects de cette anthropisation. 

Comment la recherche médicale fait face à la résistance aux antibiotiques ?

Trouver de nouveaux antibiotiques ne doit pas être l’alpha et l'oméga des politiques de recherche, qui doivent se concentrer sur de nouvelles façons de contrer la résistance par des mesures préventives, de santé publique et de restriction de la consommation. Dans la consommation humaine, 60 à 80% des antibiotiques utilisés ne sont pas nécessaires car ils sont donnés à des gens qui ont des infections virales ou qui n’en ont pas du tout. Il ne faut pas imaginer un antibiotique hyper puissant en se disant que ce sera la panacée. 

Une étude affirme que le « fabimycin », antibiotique en phase expérimentale, suscite l’enthousiasme et pourrait vaincre la résistance aux antibiotiques dans le cas de plus de 300 bactéries. Que pouvons-nous en dire ? A-t-on raison d’être enthousiaste ? 

Dans l’étude, ils affirment que les concentrations sont basses, donc il faut être très prudent. La question est moins de savoir si les antibiotiques vont être mis sur le marché que de déterminer la manière dont on va les utiliser. Aujourd’hui, l’utilisation reste extrêmement large, et la prescription est faite dès que l’on suspecte la moindre résistance bactérienne. 

Il faudrait réduire la consommation d’antibiotiques et les donner à ceux qui ont une forte résistance bactérienne. L‘idéal serait de savoir très rapidement, à l'aide de tests compagnons, si un patient a besoin d'antibiotiques. Aurobac, qui souhaite développer et commercialiser ces tests compagnons, est une entreprise qui devrait davantage nous intéresser.

Mots-Clés

recherche, statistiques, résistance, bilan, Hôpital, Médicaments, pharmaciens, médicaments génériques, industrie, dangers, menace, étude, antibiotiques, données, Pénurie, laboratoires, pharmacovigilance, crise sanitaire, résistance aux antibiotiques, personnel soignant, Covid-19, SARS-CoV-2, recherche médicale, travaux de recherche

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