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Paralysie, cerveau touché, troubles psychiatriques... "La dangerosité du protoxyde d'azote n'est pas assez connue"

La professeure Hélène Peyrière est responsable du service régional d'addictovigilance basé à Montpellier. Elle alerte sur les conséquences parfois très graves d'une consommation compulsive de protoxyde d'azote sur les usagers de plus en plus nombreux à avoir des séquelles.

Professeure, quel est votre constat sur l'usage du protoxyde d'azote ?

Le centre régional d'addictovigilance est chargé de la surveillance et de l'évaluation, et nous voyons apparaître des cas de consommation massive et des complications. Au départ, tout le monde a entendu parler de ces cartouches que l'on trouvait partout dans la rue, mais quand on nous sollicitait, il n'y avait pas de cas signalé. Nous pensions  bien que ça allait venir, il y a toujours un décalage entre les consommations et les complications.

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Quand est-ce apparu ?

Dans nos statistiques, nous voyons très clairement une augmentation du nombre de cas déclarés dans les 13 centres d'addictovigilance du pays à partir de 2018. Ce nombre a été multiplié par 10 entre 2019 et 2021. C'est déjà un signal. Pour l’ex Languedoc-Roussillon, nous avons eu 64 cas en 2022 avec complication sévère ou non sévère, 17 cas en 2021 et 13 en 2020. Nous en avons surtout à Nîmes et Montpellier, car nous allons les chercher, mais à Perpignan par exemple où nous n'avons pas, c'est certain qu'il y en a. Nous savons que c'est sous déclaré, c'est dommage. Les chiffres ont explosé tout d'un coup et la gravité nous a alertés. 

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire des complications neurologiques graves entraînant une hospitalisation, une paralysie ou encore une incontinence et chez des jeunes ce n’est quand même pas évident à vivre... Il y a aussi, des fois, une nécessité de rééducation, on voit ces usagers dans des centres où il y a habituellement des traumatisés de la route.

Quels sont les signes de ces complications neurologiques ?

Les complications neurologiques ce sont des scléroses de la moelle, des paralysies ascendantes, qui vont commencer par des fourmillements au niveau des extrémités, et puis, petit à petit, cela peut entraîner des faiblesses musculaires, des difficultés à la marche, des troubles de l'équilibre qui entraînent des hospitalisations aux urgences puis, parfois, en neurologie.

Quelles autres conséquences pour la santé sont identifiées ?

Il peut aussi y avoir des manifestations psychiatriques : anxiété et troubles du comportement. Plus récemment, nous avons mis en évidence des complications cardiovasculaires, avec des thromboses - des caillots au niveau du sang. Au départ, on pouvait avoir 100 à 200 cartouches consommées par jour, maintenant ce sont des grosses bonbonnes bleues qui sont utilisées, dans lesquelles il y a l'équivalent de plusieurs dizaines de cartouches... L'augmentation de la consommation a conduit à l'apparition de ces complications sévères.

Quels sont les profils ?

Ce sont essentiellement des patients jeunes, 22 ans en moyenne. Ils recherchent des effets hilarants et euphorisants. Il y a eu une loi interdisant la vente des cartouches aux mineurs, mais certains se sont orientés vers ces grosses bonbonnes achetées sur internet.

Quel message pouvez-vous faire passer ?

Au-delà de dire qu'il ne faut pas consommer ce gaz, le problème du protoxyde d'azote c'est que ce n'est pas un médicament, ce n'est pas un stupéfiant, c'est un produit de consommation courante et il n'y a pas vraiment de législation. Un projet de loi visant à lutter contre la consommation de substances psychoactives a été déposé en octobre 2022, on ne sait pas ce que ça va donner. Il y a aussi un décret pour apposer la mention "ne pas inhaler, dangereux pour la santé" qui est en cours. Après, qu'est-ce qu'on peut faire à part interdire ce gaz ? Au niveau alimentaire, il faudrait alors le remplacer, il sert de siphon pour faire de la chantilly…

La prévention ne reste-t-elle pas l'arme la plus efficace ?

Oui, il faut faire de la prévention. Une étude auprès des élèves de 3e indique que 5% des collégiens auraient déjà consommé... C'est assez banalisé et le message de sa dangerosité n'est pas connu. Je le répète, il peut y avoir des séquelles très lentement réversibles, et puis il y a le risque d'accidentologie avec une consommation en conduisant, on l'a vu. Les jeunes, ça les fait rire, c'est un gaz hilarant, mais il y a un phénomène addictogène qui se met en place, certains consomment des quantités astronomiques. Et puis, enfin, ce gaz est froid : en sortie de cartouche, il y a des risques de brûlure, de gelure, de malaise, remplacer l'oxygène pas ce gaz, ce n'est pas sans risque. Il faut faire de la prévention par l'information.