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Paris : Rentrée cauchemar sur le nouveau campus de Sorbonne-Nouvelle

Le diable se niche dans les détails. Et c’est particulièrement vrai sur le nouveau campus de Sorbonne-Nouvelle à Nation, dans le 12e arrondissement de Paris, victime de dysfonctionnements en série qui ont provoqué une rentrée pour le moins compliquée. « Je me doute bien que ce qui retire votre attention, ce sont les difficultés que nous rencontrons », a d’ailleurs admis Jamil Jean-Marc Dakhlia, président de Sorbonne-Nouvelle, lors d’une conférence de presse mercredi. Toutefois, « nous sommes à mille lieues de la situation de chaos qu’on a parfois décrit », a assuré le président de Paris 3. Et pourtant le manque de salles, que la présidence estime à une trentaine, a conduit celle-ci à reporter la rentrée de deux semaines. Si un peu plus de 2.000 étudiants ont débuté le 19 septembre, le gros des troupes (10.900 jeunes) est attendu ce lundi. « Placer les cours est notre souci majeur », a d’ailleurs reconnu Jamil Jean-Marc Dakhlia.

Pour mieux comprendre les raisons de cette inadéquation, il faut remonter à la genèse en 2014 du projet de campus unique destiné à rassembler les 11 sites de Paris 3. Sauf que sur le site de Nation « l’offre en salles est moins importante et radicalement différente en termes de calibrage et de typologie, indique Jamil Jean-Marc Dakhlia. Le projet était de créer un environnement haut de gamme avec beaucoup d’installations culturelles et des salles de convivialité. On a peut-être oublié en cours de route des salles plus classiques… »

Une « organisation merdique » ?

Surtout, il n’y a jamais eu, selon la présidence, de document recensant le besoin en salles, ce qui paraît effarant pour un projet à 140 millions d’euros. Qui plus est, un restaurant universitaire sur place, non prévu au départ, a occupé de la surface qui aurait pu être dévolue à des salles de cours. Jamil Jean-Marc Dakhlia assure avoir alerté ses autorités de tutelles, rectorat et ministère de l’Education nationale, dès sa prise de fonction en juillet 2019 mais que « les trois simulations effectuées depuis 2020 ont envoyé des signaux plutôt rassurants ».

Pas assez rassurant toutefois pour que la direction de l’université demande lors de la commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) de juillet de passer à 10 % en distanciel. « Nous avons refusé car on a déjà eu deux ans de distanciel à cause du Covid-19 et que les étudiants n’en peuvent plus », assène Paul Malherbe, président de l’Unef à Paris 3 qui dénonce une « organisation merdique ». En catastrophe, l’équipe de direction cherche donc des salles en dehors du campus pour éviter le distanciel. « Mais trouver des jeux de salles, c’est difficile », explique Jamil Jean-Marc Dakhlia. Finalement, cinq salles sont louées à La Défense et deux à la Cité universitaire, pour un coût au semestre de 500.000 euros.

Des cours de langue en distanciel

Mais comme il faut éviter aux étudiants des allers-retours entre les différents sites, tous les plannings sont à retravailler pour parvenir à caler « une offre de formation très complexe », d’où le décalage de la rentrée. Sauf que cela ne suffit même pas à éviter le distanciel qui représente en cette rentrée 9 % des cours dispensés. « Comme deux amphithéâtres sur trois ne sont pas encore prêts, la plupart des cours magistraux se font en distanciel », tance Frédéric Erard, secrétaire du CHSCT. « En L3, nous avons quasiment 30 % des cours en distanciel, ainsi que tout le bureau des enseignements transversaux, abonde Paul Malherbe. On défend un enseignement de qualité et ce n’est pas le cas. » Ainsi Adrien, en master d’études européennes, indique suivre ses cours de langue en distanciel. « En plus, c’est asynchrone, c’est-à-dire qu’on n’a pas de prof en face de nous, explique-t-il. Le cours est déposé à une heure précise et on a une semaine pour faire les exercices. C’est un peu gênant pour s’exercer… »

L'amphi de 500 places est pour l'instant fermé en raison d'un problème de désenfumage.
L'amphi de 500 places est pour l'instant fermé en raison d'un problème de désenfumage. - G. Novello

Mais le manque de salles n’est pas l’unique difficulté liée à l’arrivée dans le nouveau bâtiment. « 95 % des réserves du chantier ont été levées mais le reste a un impact sur les activités », concède Jamil Jean-Marc Dakhlia. Et de fait, outre les deux amphis fermés, il y a une foule de petites défaillances comme des problèmes de stores, la salle de spectacle pas encore ouverte, des problèmes d’isolation phonique au niveau de la climatisation de la cafétéria qui n’ouvrira que le 10 octobre ou encore « l’absence de distributeur de café », relève Laura, en master de lettres. Un aspect qui peut paraître anecdotique mais qui a été soulevé par plusieurs interlocuteurs et génère un inconfort subtil mais prégnant.

Chutes en série

D’autres incidents ont fait parler d’eux dans les médias, comme la chute d’une grille d’entrée le 20 juin dernier causée par « un problème de manipulation », selon le président, la chute d’un élément de corniche en bois le 12 septembre et enfin la chute d’une plaque métallique de faux plafond le 21 septembre. « Pendant deux jours, nous avons inspecté tous les faux plafonds, assure Jamil Jean-Marc Dakhlia. J’ai sollicité un engagement de l’Etat pour garantir la sécurité de l’installation. Et nous passerons en revue tout ce qui ne va pas. » Face à ces troubles en série, « le rectorat a repris les choses en main en organisant une réunion hebdomadaire pour suivre le chantier », affirme Frédéric Erard. Le rectorat confirme la réunion mais réfute toute « reprise ne main » et assure qu'il ne vient qu'« en soutien et accompagnement ».

« Mais le bâtimentaire n’est que l’expression du mal-être des agents », enchaîne l’élu du CHSCT. Et il est vrai que plusieurs d’entre eux font état d’un malaise et de « violence dans les rapports sociaux ». « On est tous épuisés de ce fonctionnement où les décisions sont prises par des gens hors-sol, dénonce Isabelle, secrétaire pédagogique et syndiquée CGT. Ici, c’est l’anti-chambre de Saint-Anne. » « Il y a une forme de mépris hallucinante, une arrogance folle », confie Christine, documentaliste. Le manque de personnels est plusieurs fois souligné. « La présidence a supprimé des dizaines de postes et comme on a les salaires les plus bas des universités parisiennes, on peine à recruter », se désole Frédéric Erard qui signale qu’au « service informatique, ils ne sont plus que 2 au lieu de 6 ». « Le pire, c’est que dans cette organisation, personne n’y gagne et tous les services dysfonctionnent », ajoute Christine.

Recours à un cabinet extérieur

De son côté, l’équipe de direction l’assure : « Notre programme, c’est apprendre à travailler ensemble. » Elle indique avoir mis en place un plan d’action pour éviter de « pérenniser une situation provisoire » avec un « groupe de travail pour préparer le second semestre et la rentrée 2023-2024 » et l’appel à un prestataire pour deux missions : « objectiver les besoins et nous aider sur la méthodologie de réalisation des emplois du temps ». Mais le fonctionnement normal du campus n’est pas pour tout de suite. Par exemple, un des amphis fermés fait l’objet d’une procédure judiciaire et ça va prendre du temps avant de l’ouvrir.

Sur quatre étages, la bibliothèque universitaire propose 1.100 places.
Sur quatre étages, la bibliothèque universitaire propose 1.100 places. - G. Novello

Mais malgré ses défauts, le nouveau site emporte quelques points positifs auprès des étudiants. « Le campus est assez joli et très grand avec des salles toutes neuves, salue Laura. Mais ce n’est pas super fonctionnel pour les étudiants. C’était plus convivial sur le site de Censier. » Un avis que ne partage pas Diane, en master d’études européennes, pour qui l’ancien site était « horrible ». « Ici, au moins les toilettes fonctionnent et la bibliothèque est incroyable. » D’ailleurs Jamil Jean-Marc Dakhlia en est convaincu : « Ce campus est une chance exceptionnelle pour nos étudiants une fois que nous aurons réglé les problèmes actuels ».