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Parti socialiste : le congrès marseillais se finit en bouillabaisse

La fumée blanche est enfin sortie des flammes qui dévorent, depuis une dizaine de jours, un Parti socialiste où les pyromanes sont aussi les pompiers. Après des heures et des heures de négociations à huis clos entre émissaires, et de poker menteur devant la presse, les socialistes se rabibochent à Marseille, lieu du grand raoult censé introniser le premier secrétaire pour un mandat de trois ans. Jusqu’ici adversaires revendiquant chacun la victoire, Olivier Faure, le sortant, et Nicolas Mayer-Rossignol ont finalement conclu un accord de direction : « un protocole de gouvernance collective et de rassemblement des socialistes ». Ce dernier a été approuvé, samedi vers 15 heures, à la quasi-unanimité des 186 délégués fédéraux mandatés pour valider l’issue du congrès du PS.

Olivier Faure reste numéro 1 de la « vieille maison » rose, seul chef à bord pour impulser la ligne pro-Nupes. Nicolas Mayer-Rossignol, lui, n’a pas obtenu le « directoire » composé de quatre personnes, qu’il demande depuis lundi, mais davantage de « collégialité ». En clair, le camp Faure fait de la place au maire de Rouen (Seine-Maritime) dans l’organigramme, sans que celui-ci n’ait besoin de reconnaître officiellement sa défaite du 19 janvier. L’édile normand sera donc, aux côtés de la maire de Nantes (Loire-Atlantique) Johanna Rolland, secrétaire national délégué.

« Le choix du rasemblement »

« On a pris nos responsabilités pour l’avenir du PS mais aussi de la gauche. Rassembler les socialistes avant de rassembler la gauche », assure Nicolas Mayer-Rossignol, mine triste, à la sortie d’un ultime conclave. S’il a dû avaler son chapeau après avoir, un temps, envisagé un recours judiciaire, c’est pour « éviter une humiliation » qu’aurait été, selon une fauriste, un vote des délégués, majoritairement acquis au premier secrétaire sortant, pour valider l’élection contestée du 19 janvier. « On aurait pu voter et écraser tout le monde. Mais nous avons fait le choix du rassemblement », justifie Olivier Faure, lors d’un déjeuner avec l’ensemble de la presse.

Hélène Geoffroy, troisième candidate du congrès issue de l’aile hollando-vallsiste hostile à la Nupes, refuse de diriger le parti dans la majorité. Elle occupera, tout de même, le rôle symbolique de présidente du conseil fédéral, parlement du PS. « Elle a la constance de sa cohérence. Et la cohérence de sa constance », salue un fauriste.

Reste maintenant à voir, dans la pratique, ce que sera cette nouvelle direction : un réel triumvirat comme proposé par le camp « Refondations », la motion de Nicolas Mayer-Rossignol ? Ou un trio dominé par Olivier Faure avec deux adjoints ? Elle se réunira « au minimum une fois par semaine » et travaillera « de façon collégiale, en recherchant le consensus », précise le protocole. « Cela veut dire que rien ne pourra se faire sans notre accord », insiste une proche du Normand. Une sorte de droite de veto que conteste Olivier Faure, bien décidé à rester le boss : « On ne décide pas à trois. Bureau et conseil nationaux restent les instances de décision. » Il y est, là aussi, majoritaire.

Première épreuve avec un cas pratique : la législative partielle qui se tiendra bientôt dans l’Ariège où l’élection de l’insoumise Bénédicte Taurine a été invalidée par le Conseil constitutionnel. Faure assure que le PS la soutiendra à nouveau, dans la cadre de la Nupes. Mayer-Rossignol, Nupes-sceptique et à l’initiative de plusieurs candidatures dissidentes en juin dernier, est plus tiède.

Discussions rugueuses depuis vendredi

Avant d’aboutir à cet accord qui passe outre le vote des militants sur la personne du premier secrétaire, chacune des écuries évoquait des discussions rugueuses, intensifiées depuis vendredi, date d’ouverture du congrès. Pendant que les discours se succèdent à la tribune de l’auditorium, les émissaires parlementent dans les salles attenantes. Le but ? Signer un pacte de gouvernance du PS et mettre en scène le grand « rassemblement ». Après les piques verbales qui ont émaillé la semaine passée, le ton est plus apaisé et les couteaux sont rangés. Peut-être est-ce l’air marin de la cité phocéenne ? Peut-être est-ce la volonté de ne pas apparaître comme le courant qui divise ? Toutes les bouches parlent de « la nécessité de l’union », d’un « spectacle déplorable » ou de « militants écoeurés ». « Je ne perçois pas de différences insurmontables sur le fond. Si on construit la politique autour des personnes, on la détruit. Le quoi avant le qui », appelle Mathieu Klein, maire de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et soutien d’Olivier Faure. « Nous partageons les mêmes valeurs et nous voulons tous que le PS redevienne central », caresse aussi Patrick Kanner, président du groupe au Sénat et signataire du texte « Refondations ».

Les Fauristes restent sereins. « De toute façon, à la fin, accord ou pas, Olivier Faure sera le premier secrétaire », affirme Dieynaba Diop, porte-parole du PS. Un pacte qui réaffirmerait la stratégie d’union de la gauche est imminent, garantissent-ils. Tout en voulant faire croire que Nicolas Mayer-Rossignol, ardemment soutenu par la maire de Paris Anne Hidalgo et la puissante présidente de la région Occitanie Carole Delga, a échappé à ses créatrices. Ses récentes attaques, dont l’une sous-entendait que son concurrent devrait être en prison, ont fortement irrité. « C’est la première fois qu’il arrive dans les sphères de la politique nationale, glisse un proche du premier secrétaire. Il est passé de Paris-Normandie à C à Vous : il a pété un câble. » Une autre : « Dans une famille, il y a toujours un cousin relou. Là, c’est lui mais on va le calmer. »

« Pas détruire le capital sympathie »

Vendredi, vers 20 heures, un soutien d’Hélène Geoffroy, très au fait des échanges, assure que les « histoires d’égo font toujours blocage ». Autre point de tension : la reconnaissance du vote des adhérents entachés, a minima, d’irrégularités. Sur la table des négociations, Olivier Faure a posé un poste de secrétaire national adjoint pour ses deux adversaires. À prendre ou à laisser. Ils passent une bonne partie de la nuit en conciliabule. Les deux camps sont à deux doigts de toper mais, vers 4 heures du matin, retournement de situation. Un SMS de Nicolas Mayer-Rossignol recule l’heure de la concorde. Le vote des délégués, censés entériner l’accord vers 10 heures, est repoussé au début d’après-midi. « Il y a six mois, on était dans la même motion. On ne va pas s’inventer des désaccords majeurs. Si on se rassemble, on pèsera 80% du parti et on en sortira renforcés », croit un cadre optimiste.

Rebelote samedi matin. Chaque camp réunit ses soutiens et se dit d’accord pour faire un accord. Les négociateurs s’enferment dans une salle pour convenir d’une « sortie de crise par le haut », basée sur les résultats du 12 janvier : Olivier Faure à 49%, Nicolas Mayer-Rossignol à 30,5% et Hélène Geoffroy à 20,5%. Peu avant 13 heures, ils sortent au compte-goutte. Patrick Mennucci, messager d’Helène Geoffroy, descend les marches en chantant « Libérée, délivrée ». Nicolas Mayer-Rossignol fait les cent pas au téléphone. Et Olivier Faure, flanqué de Johanna Rolland, a le sourire. « Nicolas Mayer-Rossignol rentre dans le rang », jubile un fauriste.

Après ce pugilat, les socialistes disent maintenant vouloir se tourner vers les Français. « On va tout faire pour ne pas détruire le capital sympathie qu’on a regagné. En manifestation, on prend les drapeaux du PS qu’on osait plus prendre avant », espère Christine Pirès-Beaune, porte-parole du groupe à l’Assemblée. Les roses promettent d’être, ensemble, dans la rue dès mardi pour lutter contre la réforme des retraites. « Mais pas main dans la main, faut pas déconner, avertit une figure. On sera déjà sur la même photo. »