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Pédopsychiatrie : «Je me concentre sur notre petite équipe. On se serre les coudes»

Comment bien se soigner, bien vivre, bien vieillir ? Rendez-vous à Caen, les 9 et 10 décembre 2022 au MoHo avec le LibéCARE pour débattre avec médecins, intellectuels et experts. En attendant l’événement, réalisé en partenariat avec la Région Normandie, MGEN et l’ADMD, Libération publiera dans un espace dédié, articles, tribunes et témoignages.

«La sectorisation psychiatrique existe depuis les années 60. Un intersecteur de pédopsychiatrie (discipline médicale nouvelle à l’époque) organise des soins pluridisciplinaires avec des psychologues, des orthophonistes, des assistants sociaux puis des psychomotriciens et des éducateurs qui prenaient le temps de réfléchir ensemble aux problématiques des enfants et de leurs familles. C’est une invention géniale : ces soins ont permis de prendre en compte et de traiter les souffrances psychiques des enfants et des adultes proches de chez eux. Cela marchait très bien ! Aujourd’hui, c’est devenu un service public très amoindri, que certains d’entre nous disent même «moribond».

«En effet, petit à petit, cet accès nouveau a entraîné une demande grandissante et depuis une quinzaine d’années, les moyens (hospitaliers et ambulatoires) ont été réduits et sont devenus tout à fait inadaptés aux besoins et à la demande. Par exemple, il faut compter aujourd’hui, dans la plupart des intersecteurs, jusqu’à dix-huit mois d’attente pour obtenir un rendez-vous. Les parents ont le temps de se décourager ! Ils tentent leur chance en libéral, mais, là aussi les professionnels manquent à l’appel dans de nombreux départements et puis il faut «pouvoir», c’est-à-dire en avoir les moyens.

«Quand on écoute les secrétaires qui accueillent les demandes et annoncent les délais d’attente, on se sent impuissant. Quand je suis arrivée à Coulommiers [Seine-et-Marne], il y avait cinq docteurs. Il n’y en a plus désormais qu’un temps plein et demi, les orthophonistes ont disparu, les autres professionnels sont aussi beaucoup moins nombreux… Quand je vais partir à la retraite, je sais, vu l’évolution démographique des psychiatres, qu’il n’y aura pas de remplaçant. Et si les jeunes médecins se détournent de la psychiatrie, c’est peut-être aussi en raison de l’appauvrissement de la pensée qui y circule aujourd’hui ?

«Pour tenir bon, j’ai rejoint une association de lutte contre les déserts médicaux. Mais, surtout, je me suis concentrée sur ma mission auprès des bébés, des très jeunes enfants et leurs parents. La périnatalité est un des champs qui fait l’objet d’une attention de la société en ce moment. J’ai fait le choix de réduire mes ambitions en matière de nombre d’enfants reçus, même si je sais que c’est au détriment des besoins de l’ensemble de mon service, qui ne peuvent trouver de réponses en l’état actuel. Je me concentre sur notre petite équipe, encore enthousiasmée par le travail qu’on mène ensemble. On se serre les coudes. On essaye d’accueillir et de traiter au mieux nos patients même si on est conscients, douloureusement, de l’insuffisance des moyens mis en œuvre.

«C’est comme un petit biotope qui résiste à la grisaille ou à la noirceur. Il en existe comme ça beaucoup en France, des équipes vivantes et créatives… Des dynamiques à soutenir pour donner envie aux jeunes professionnels de se former, de rester engagés et espérer une qualité des soins à la hauteur des enjeux de l’enfance !»