France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Perturbateurs endocriniens : la lutte s’organise en Charente

Le plus difficile, c’est de trouver des alternatives auprès des fournisseurs.

Dans les mille premiers jours de l’enfant, ils sont même les premières causes déstabilisatrices dans la construction du cerveau ou le retard de l’acquisition du langage et demeurent un marqueur précoce de déficience intellectuelle et de troubles du spectre autistique. Dans ses crèches, cantines et écoles, La Couronne s’est engagée dans le grand ménage il y a un an. Elle doit désormais servir de boussole dans le département auprès des autres communes : mardi soir, une conférence des agents présentait le bilan de l’expérimentation devant un parterre d’élus charentais. « C’est une tout autre logique de fonctionnement, à remanier en profondeur, observe Zahra Semane, maire adjointe à la petite enfance, mais nous aurons au moins la satisfaction d’avoir combattu un fléau sur lequel nous pouvons agir pour le bien-être de tous. »

Sur les tables de la petite crèche rue de rue Quiers, « cela peut paraître idiot à première vue mais les gobelets en plastique ont été remplacés par des gobelets en inox », confie Florence Buton, directrice de la maison de la petite enfance : « Cancérogènes et immunotoxiques, ces objets sont sous nos yeux depuis des années mais encore fallait-il se rendre compte de leur dangerosité. » Il y a un an, c’est Anne Lafourcade, experte chimie et environnement de l’agence de conseil Alicse mandatée par l’ARS, qui est venue pointer dans les placards de l’établissement les sources les plus importantes de perturbateurs endocriniens. « On a conclu à la suppression de plus de 55 kilos de matériel pédagogique entre les jouets en plastique, les peintures écaillées, les paillettes, etc., explique-t-elle. Ils sont vecteurs de bisphénols ou d’éthers de glycol (solvants) notamment. Les valeurs seuils sanitaires sont amplement dépassées sans que l’on puisse le voir. »

Changement de méthode

Un site Internet pour informer le grand public, « à l’évidence, ça ne suffit pas ». C’est le constat de SAFE-Li, entreprise créée en mars 2021 par les agences Alicse et Lyséi pour contribuer à la transition des collectivités vers « un monde moins toxique qui intègre les enjeux de santé environnementale dans les pratiques quotidiennes ». « Les perturbateurs endocriniens, c’est d’abord un diagnostic, poursuit Anne Lafourcade. Nous avons déjà réalisé près de 70 audits sur le terrain auprès des élus de Nouvelle-Aquitaine pour dresser le portrait des PE dans notre vie de tous les jours. Notre rôle, c’est ensuite adapter les comportements et méthodologies de travail. En impliquant tout le personnel dans la démarche, les collectivités peuvent très vite adopter de nouveaux réflexes. »

50 % d’économie

Dans les faits : « Il a fallu mettre en place de nouvelles techniques de nettoyage, explique Emmanuel Pichon, responsable à l’entretien. On est passé de 40 produits détergents à la toxicité élevée à seulement cinq plus vertueux, écocertifiés. On a investi près de 2 000 euros pour changer les distributeurs à savon en plastique pour des rechargeables. Le nettoyage des sols se fait davantage à l’eau, ce qui est amplement suffisant et plus économique. »

Du côté des infrastructures, « des menuiseries ouvrables ont été installées dans les bureaux pour près de 15 000 euros afin de veiller à une bonne qualité de l’air », précise Guillaume Pineau, technicien de bâtiment, sans compter la mise en place d’un protocole de dégazage du mobilier neuf et la recherche de matériaux plus sains. « On a arrêté d’utiliser des bois agglomérés, du mastic colle, souligne le premier adjoint Jacky Bonnet. Place au contreplaqué. Le plus difficile, c’est de trouver des alternatives auprès des fournisseurs mais à terme on peut même réaliser des économies. » 50 % de réduction dans le budget hygiène et détergence d’une collectivité assure SAFE-Li.

Les agents techniques de La Couronne ont changé drastiquement leurs habitudes.
Les agents techniques de La Couronne ont changé drastiquement leurs habitudes.

Julie Desbois

C’est d’ailleurs la question du coût qui revient régulièrement auprès des maires charentais venus écouter la bonne parole mardi soir. « Notre commune sert les repas à domicile aux aînés, confie l’adjoint aux finances de Gond-Pontouvre, Bertrand Magnanon. On achète pour 15 000 euros de contenants plastiques que l’on jette dès le lendemain. Ça fait mal au cœur. Il faut que l’on entre dans une phase de réflexion pour changer ce type d’aberration écologique et sanitaire du coup. »

SAFE-li, un programme développé pour l’ARS Nouvelle-Aquitaine

L’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine a fait de la lutte contre les substances toxiques dans l’environnement des femmes enceintes et des bébés sa priorité. En faisant appel à l’entreprise Safe-li, l’ARS s’est engagée sur trois ans depuis 2019 afin d’intervenir dans chaque département de la région, dans une crèche pilote au sein de communautés de communes où rayonnent d’autres crèches. « En contrepartie, la collectivité s’engage à être référente sur le territoire, indique l’ARS. Elle se rend disponible pour accompagner d’autres structures à mener des actions. Lorsqu’on commence dans les crèches, on sait que cela va initier des changements auprès de la collectivité, par un effet domino positif. »

Le chiffre : 34

C’est le nombre de perturbateurs endocriniens trouvés en moyenne dans les cheveux des enfants selon une étude de 60 millions de consommateurs. Parmi les plus répandus : les pesticides, phtalates et bisphénol A et B. 100 000 de ces substances ont été introduites dans la population dans les cinquante dernières années via la consommation globalisée et les nouvelles technologies.