France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Peut-on faire confiance aux promotions sur Internet ?

► « Un contournement frauduleux de la nouvelle réglementation européenne »

Raphaël Bartlomé, directeur juridique de l’UFC-Que choisir

Nous ne pouvons pas faire confiance aux promotions des plateformes de revente sur Internet. La mise en place, en mai 2022, de la réglementation européenne Omnibus devait assainir toute pratique contestable ou trompeuse : les promotions devaient se faire sur la base d’un prix pratiqué par le vendeur au cours des 30 derniers jours. Omnibus, c’était certifier au consommateur de vraies réductions, sans l’obliger à tout décrypter.

Ce texte a certes permis d’arrêter le yo-yo des prix : les plateformes ne pouvaient plus annoncer un produit à 100 € un jour, 200 € le lendemain et 50 € le surlendemain et en conclure qu’il s’agissait d’une promotion. Mais nous faisons face désormais à une nouvelle étape dans les promotions bidon, pratique bien pire que ce qui se faisait auparavant : un contournement frauduleux de la nouvelle réglementation européenne, qui perd en crédibilité.

Nos recherches sur des milliers de produits nous ont montré que 96 % des annonces de ces sites affichaient des réductions mensongères. Les promotions qu’elles affichent ne se basent pas sur le prix de base du produit, mais sur un « prix de comparaison ». Autrement dit, elles annoncent : « J’aurais pu vous vendre ce produit à 500 €, comme chez mon concurrent, mais je vous le vends à seulement 100 €, soit – 80 %. »

L’écart entre les deux prix est affiché comme étant une baisse, mais ce n’en est pas une : les plateformes mettent en avant un prix réduit par rapport à un prix de base qu’elles n’ont jamais pratiqué ! Parfois, cette comparaison se fait par rapport à une période antérieure : elles mettent en avant le prix du produit en 2018 et affichent le prix – réduit – en 2023. Or, cette réduction est évidente pour des produits comme les téléphones portables, puisqu’en cinq ans, ils ont perdu en qualité et en valeur.

À l’inverse, les vraies promotions, qui respectent la réglementation européenne, concernent seulement 3 % des annonces. Elles sont donc noyées dans un océan de mensonges. C’est pour redonner du vrai sens au prix et à la promotion que nous portons plainte aujourd’hui contre ces plateformes.

Notre œil, en tant que consommateur, est naturellement attiré par le pourcentage, même si on ne le recherche pas. Mais il ne faut plus s’attarder à ces effets d’annonce : ce ne sont que des biais d’accroche. N’oublions pas que le cœur du business de ces plateformes, c’est l’économie de l’attention : elles font tout pour vous faire rester le plus longtemps, mais aussi pour vous faire revenir.

Le plus sain pour un consommateur aujourd’hui est de ne pas s’arrêter à un seul site, de ne pas donner directement sa confiance immédiatement à ce qui est affiché. Il vaut mieux prendre deux minutes pour voir ce qui est pratiqué chez les autres, pour s’assurer du bien-fondé du prix.

► « La législation est là, ce qui nous manque ce sont les outils pour la mettre en œuvre »

Yaël Cohen-Hadria, avocate

Dans un pays comme la France, on peut par principe imaginer que les promotions affichées en ligne sont véridiques. C’est le code de la consommation, apparu dans les années 1990, qui définit les pratiques commerciales autorisées et les obligations des vendeurs envers leurs clients. Le commerce en ligne, et donc les promotions, est encadré par ce texte.

En cas de chevauchement avec une autre réglementation, lorsqu’une entreprise étrangère décide d’officier en France par exemple, les règles appliquées sont celles étant le plus favorables aux consommateurs. Si le droit étranger est plus avantageux, c’est lui qui est appliqué, l’inverse le cas échéant.

En France, les promotions sur Internet sont encadrées par la réglementation européenne Omnibus. Selon cette dernière, les promotions doivent se faire sur la base d’un prix pratiqué par l’entreprise au cours des 30 derniers jours. L’objectif est d’éviter une variation des prix trop importante et de certifier aux acheteurs de vraies promotions.

La réglementation est donc favorable aux consommateurs. Pourtant, si les fraudes se multiplient, les plaintes restent rares. En effet, pour un acheteur lambda, les coûts d’une procédure judiciaire sont trop importants et les gains trop faibles. Même s’il a raison, le consommateur se retrouve lésé. Et en cas de victoire, les sanctions adressées aux entreprises sont peu dissuasives.

Le seul recours véritablement efficace se fait par le biais d’actions groupées comme celles menées par les associations de consommateurs. C’est ce que l’on constate avec la plainte déposée par UFC-Que choisir. Cela permet d’imposer des sanctions plus lourdes et donc réellement contraignantes pour les entreprises.

C’est la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui est chargée de mener les enquêtes et de sanctionner les entreprises pour pratiques commerciales trompeuses. Elle a même un pôle spécifique affecté à l’e-commerce, le Centre de surveillance du commerce électronique (CSCE), au sein duquel des cyber-enquêteurs surveillent l’activité des plateformes de vente en ligne. Le problème, c’est que sa force de frappe n’est pas suffisamment efficace.

Pour remédier à ces lacunes, la DGCCRF a recours à l’intelligence artificielle. Cela lui permet d’identifier plus rapidement les cas de fraude. À l’avenir, il sera plus pertinent d’investir et de faire confiance à l’évolution des technologies, plutôt que de renforcer la législation.

Il faudrait aussi donner davantage de capacité de sanctions aux enquêteurs, par le biais d’un décret par exemple. Cela leur permettrait d’imposer des amendes moins importantes mais systématiques. La validation de ces sanctions nécessite actuellement l’aval de commissions, ce qui alourdit le processus. Aujourd’hui la législation est là, et elle s’applique. Ce qui nous manque désormais, c’est de trouver les fauteurs et de les punir.