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Polémique autour de la programmation de « Boris Godounov » en ouverture de la Scala de Milan

Depuis février dernier, l’agression de la Russie envers l’Ukraine et les horreurs de la guerre qui s’ensuivent, la place des œuvres et des artistes russes revient régulièrement sur le devant de la scène. Faut-il en effet continuer à les programmer dans les théâtres, les salles de concert, les galeries et musées ?

À ces questions complexes, des réponses claires ont déjà été apportées : plus d’invitations adressées aux artistes soutenant les agissements de Vladimir Poutine et, à l’opposé de la chaîne de décision, nul ostracisme envers les créations de Pouchkine ou Chagall, Tchaïkovski ou Tolstoï, sous prétexte de leur origine russe.

Entre ces deux pôles, le choix de programmer ou annuler a été soumis au cas par cas, selon les pays, les sensibilités, la liberté d’expression prêtée parfois à tort aux artistes russes…

Propagande en faveur de Vladimir Poutine ?

À Milan, où la fameuse Scala mercredi 7 décembre sa traditionnelle et prestigieuse soirée d’ouverture, la polémique peut surprendre. Le consul ukrainien à Milan, Andrii Kartysh, ne se trompe-t-il pas d’ennemi en reprochant à l’institution lyrique d’avoir mis au programme Boris Godounov, opéra composé par Modeste Moussorgski, d’après une chronique dramatique de Pouchkine, créé à Saint-Pétersbourg le 8 février 1874 ?

Dominique Meyer, le patron de la Scala, n’a pas tardé à répondre qu’il ne pouvait en aucun cas s’agir d’un acte de propagande en faveur de Vladimir Poutine, déployant plusieurs arguments et notamment la décision de mise à l’affiche de ce Boris, prise, comme il est coutume dans le monde de l’opéra, il y a déjà trois ans.

Au passage, la Scala rappelle qu’elle a annulé sans équivoques les engagements du chef d’orchestre Valery Gergiev, autrefois fréquemment applaudi à Milan, dès que les positions pro-Poutine du musicien ont été avérées…

Les excès du pouvoir

Mais la défense la plus convaincante en faveur de Boris vient de… Boris lui-même. Outre sa fulgurante et poignante beauté musicale, depuis de rutilants fastes choraux jusqu’à l’introspection intimiste la plus dépouillée, l’opéra propose une réflexion impitoyable sur les errements et les abus du pouvoir. Dont les tragiques emballements ne peuvent se solder que par la disparition du tyran en proie à des visions et miné par le remords.

Le livret s’inspire de la vie du tsar qui gouverna la Russie à partir de 1594, usurpant le trône de Fédor Ier, le fils d’Ivan le Terrible. Considérée comme un graal vocal par les barytons-basses, la mort de Boris à la fin de l’ouvrage est un sommet d’émotion, à l’instar des grands monologues shakespeariens, rassemblant l’entière condition humaine sous l’aile de la poésie et de la musique.

À suivre sur Arte Concert

En présence de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, de la première ministre Giorgia Meloni et du président italien Sergio Mattarella, l’ascension, le crime puis la déchéance hallucinée du tsar Boris Godounov (1551-1605) n’inciteront-elles pas à considérer plus que jamais les folies auxquelles peut conduire la soif de pouvoir ?

Quant au public, il pourra se forger sa propre opinion, notamment en se connectant ce mercredi 7 décembre à 23 h 30 sur la chaîne Arte Concert. Elle propose en effet la retransmission du spectacle, sous la direction de Riccardo Chailly, le directeur musical de la Scala, et dans une mise en scène de Kasper Holten.