France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

[Poules pondeuses] L’œuf bio malgré les crises

Il est déprimant, pour un éleveur bio, d’enfermer ses poules. Hélas, l’injonction revient à chaque épisode d’influenza aviaire. « Ni nos poules, ni nos bâtiments ne sont adaptés, soupire Bastien Paquet, éleveur à Saint-Denis-lès-Bourg dans l’Ain. Quand il a fallu enfermer les poules en 2020, nous avons eu 10 % de mortalité en cinq jours et 30 % de ponte en moins. Le vétérinaire avait signé une dérogation pour rouvrir le parcours. Maintenant, les dérogations ne permettent plus de rouvrir le parc entier. »

Après deux ans au sein d’un Gaec laitier, Bastien a créé en 2019 les Poulaillers de Chrysodor où Delphine l’a rejoint. La petite exploitation bio (les terres étaient certifiées) en périphérie de Bourg-en-Bresse vend tout en circuits courts, à des particuliers et des professionnels (hôtels, restaurants, traiteurs…). L’atelier de pondeuses a grossi au rythme de l’autoconstruction des bâtiments pour atteindre une capacité de 2 000 poules. Vingt brebis de race Est à laine mérinos constituent un atelier secondaire avec vente d’agneaux en caissettes.

© B.Lafeuille - Le distributeur automatique a connu un pic d'activité au plus fort du confinement de 2020, avant de retomber à un niveau inférieur à l'avant-Covid.

« Nous prévoyons de valoriser aussi la laine… quand nous aurons le temps », sourit Delphine. Car la vente directe est valorisante mais chronophage. Chaque semaine, trois demi-journées sont consacrées aux livraisons, une au marché, une au magasin de producteurs. Et dans cet agenda, se casent encore des interventions auprès de scolaires.

Pression foncière

La proximité de la ville limite le foncier disponible. Les 6 hectares étant réservés aux ovins, l’aliment des poules est acheté. Son coût a bondi de 30 % cette année. Celui des poulettes, de 40 %. « Et il risque d’y avoir une pénurie de poulettes bio à cause du nouveau règlement AB qui impose qu’elles aient accès à un parcours, ajoute Bastien. Beaucoup d’éleveurs de poulettes manquent de foncier. »

Pour sécuriser son approvisionnement, le couple aimerait acheter les poulettes à un jour. Ce qui faciliterait en même temps leur adaptation. « En arrivant à dix-huit semaines, elles sont perdues car habituées à un système différent, explique Delphine. Nous avons parfois eu des soucis avec la souche Hy-Line, très répandue mais plus adaptée aux grands élevages. Les poulettes restaient entassées, pondaient toutes dans le même nid et ne savaient pas sauter sur les perchoirs. »

© B.Lafeuille - Les poules doivent apprendre rapidement à pondre dans les nids car des oeufs sales sont invendables, leur lavage étant interdit.

L’élevage se distingue des références moyennes par ses résultats de ponte, avec un pic écrêté qui ne dépasse jamais 90 %, mais une meilleure longévité. Les poules restent 15 à 18 mois avec un taux de ponte moyen de 85 % sur la durée du lot. À six poules par m², avec de quoi s’occuper (perchoirs, filets remplis de foin…), la mortalité est faible et le picage inexistant même en fin de lot. Les réformes sont tuées dans un abattoir en Cuma où se relaient douze éleveurs, et transformées en terrines par un boucher. Les plus chanceuses sont vendues vivantes à des particuliers. Le fumier est cédé à un paysan boulanger qui écoule en retour des balles d’épeautre pour la litière.

Un jour de 2021, la salmonelle s’est invitée. Un prélèvement de routine dans l’un des poulaillers est revenu positif. Dans ce cas, il n’y a pas de contre-analyse dans le poulailler, ni de prélèvement sur les poules et les œufs pour savoir s’ils sont contaminés. « Théoriquement, on peut garder les poules mais pas les vendre, et leurs œufs peuvent être vendus en casserie, indique l’éleveur. Mais une casserie qui écoule 600 000 œufs/jour n’achète pas de petits lots ! » Les 400 poules ont été abattues, les œufs jetés et un vide sanitaire prolongé a été réalisé, sans indemnisation. « Il faut adhérer à une charte sanitaire pour être indemnisé, mais elle nous aurait coûté 40 000 € en aménagements, évalue Delphine. Et nous n’aurions presque rien touché vu l’âge de nos poules : elles produisent bien plus longtemps que les 80 semaines prévues par le barème d’indemnisation. » Les éleveurs respectent cependant des normes de biosécurité (sas à l’entrée des poulaillers, lavage des mains systématique, etc.) qui ont été efficaces pour stopper la bactérie : aucun autre test n’est revenu positif.

Après cet épisode, c’est la hausse des charges, en 2022, qui a malmené les comptes de l’exploitation. « Nous avons choisi de ne pas augmenter nos prix : il a fallu améliorer notre technicité pour limiter les pertes », témoigne Bastien. Les prix augmenteront toutefois de 8 % au premier janvier 2023.