France
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Pour Nicolas Sarkozy, «le 49-3, c'est une preuve de faiblesse»

L'ancien président a livré ce mercredi sa vision des institutions devant l'Institut de France. Il pointe le «risque de violence» qui découlerait d'un passage en force sur la réforme des retraites.

Dans l'amphithéâtre bondé de l'Institut de France, Nicolas Sarkozy n'entend pas donner de conseils à son successeur. « Qui serais-je pour en donner ? », glisse-t-il un peu plus tard. Interrogé sur la réforme des institutions, notamment celle qu'il a menée en 2008, Nicolas Sarkozy est venu livrer son expertise «en praticien». Et si certains y voient un lien avec l'actualité politique du moment…

« Le 49-3, j'ai été président de la République cinq ans, je n'ai jamais utilisé le 49-3 », rappelle l'ex chef de l'État alors qu'aujourd'hui l'exécutif ne cache pas réfléchir à sa possible utilisation pour le vote du budget. « Pour moi, le 49-3 c'est une preuve de faiblesse, poursuit Nicolas Sarkozy. Avec l'inversion du calendrier (les législatives qui suivent la présidentielle, ndlr) et le quinquennat, personne ne peut me dire que la nécessité du 49-3 était la même (que sous le septennat) », développe Nicolas Sarkozy. «Ce n'est pas un raisonnement institutionnel mais politique. L'opportunité de choisir cette mesure dépend de votre majorité et de l'analyse qu'en fait le président de la République », affirme l'ex chef de l'État.

«Pas passer en force, ça veut dire pas passer du tout !»

Lui-même avait été confronté à cette question. «J'ai eu beaucoup de pression pour utiliser le 49-3, notamment quand on a eu cette idée de passer la retraite de 60 à 62 ans», expose Nicolas Sarkozy. La salle comprend l'allusion à l'actualité du moment alors qu'Emmanuel Macron souhaite avancer vite sur une nouvelle réforme des retraites. « J'adore cette expression 'il ne faut pas passer en force' ; ça, c'est du morse. Pas passer en force, ça veut dire pas passer du tout ! », tranche l'ancien chef de l'État alors que de nombreuses voix aujourd'hui (politiques et syndicales) se font entendre pour appeler Emmanuel Macron à prendre le temps de la concertation. « Si vous pensez qu'on peut faire passer quelque chose qui consiste à faire travailler les gens plus longtemps pour pas gagner plus avec leurs applaudissements frénétiques, c'est qu'on n’a pas tout à fait la même idée de ce qu'est le mood du peuple français », fait valoir Nicolas Sarkozy. « Il faut concerter, bien sûr, ironise l'ancien président. Ça fait 6 ans qu'on en parle sans compter avant ! » , ironise-t-il.

«Je vous donne un avis de praticien»

À ceux qui jugeraient nécessaire d'utiliser du 49-3 dans un contexte de majorité présidentielle relative à l'Assemblée, Nicolas Sarkozy confirme : « ça existe». «Je vous donne un avis de praticien », assure-t-il. Et de rappeler sa propre expérience. « J'ai refusé au premier ministre François Fillon comme au président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui voulaient l'utiliser, le 49-3. Je ne l'ai pas refusé au nom de considérations institutionnelles mais au nom de considérations politiques », met-il en exergue en rappelant l'importance du politique dans la vie politique. « La démocratie sans politique, c'est la démocratie des technos, et je ne pense pas que ça amène de meilleurs résultats », glisse-t-il.

« Qu'est-ce que c'est le 49-3 ? C'est une façon de contraindre sa majorité, dans mon cas puisque je l'avais, ou de contraindre des gens - qui ne sont ni dans la majorité ni dans l'opposition ou un peu dans l'opposition, un pied dehors, un pied dedans - d'être avec vous», développe Nicolas Sarkozy qui ne voit pas d'inconvénient que le débat parlementaire dure plusieurs semaines. Il y voit même un gage de bonne santé démocratique. Selon lui, ne pas avoir utilisé de 49-3 pour la réforme des retraites « a beaucoup compté » par la suite.

« Nous avons eu 4 manifestations (sur la réforme des retraites), dont la dernière avec 3 millions de personnes dans la rue. Il n'y a pas eu une violence . Si j'avais mis le 49-3 et si j'avais contraint l'Assemblée à voter, je prenais un risque de violence, explique Nicolas Sarkozy. Le débat à l'Assemblée nationale et au Sénat, c'est un peu comme la vapeur dans la cocotte-minute. Si vous laissez sortir un peu de vapeur, c'est mieux pour ne pas risquer l'explosion.» De quoi donner quelques pistes pour Emmanuel Macron.

«Le président fera son analyse»

«Le président fera son analyse, rétorque Nicolas Sarkozy. C'est une analyse coût risques. Il peut prendre cette mesure, constitutionnellement il n'y a pas de problème, ou il peut aussi se dire qu'il n’y a pas que lui qui est en situation difficile. Il y a aussi tout ceux qui ont soutenu ma réforme quand on est passé de 60 à 62 ans et qui devront expliquer pourquoi ils ne soutiennent pas au fond la même réforme qui consiste à passer de 62 à 65 ans», examine Nicolas Sarkozy dans une allusion à peine voilée aux députés LR.

Alors qu'Emmanuel Macron entame son deuxième quinquennat, Nicolas Sarkozy rappelle que « dix ans, c'est déjà très long ». « Au bout de dix ans, quelles que soient ses qualités, on devient complètement fermé », prévient l'ex président. « On n'entend rien. Le pouvoir est dangereux parce qu'on s'y habitue et on finit par s'autopersuader que ce qu'on fait est vraiment très bien et que personne ne pourrait le faire. Donc il faut mettre une limite », détaille-t-il. « Au fond, cette limitation c'est une protection. La pression est telle que dix ans, pour reprendre un slogan de la rue, ça suffit ».

Mais un président au début de son deuxième mandat a-t-il toujours l'autorité suffisante pour conduire les réformes? N’est-elle pas sapée? « Non pas du tout, s'exclame Nicolas Sarkozy. Si votre autorité est sapée, c'est parce que vous êtes fragiles. Même avec une non-limitation (des mandats), une majorité est agitée quand le président a de mauvais sondages. Et quand le président a de bons sondages, elle est calme », ironise-t-il en rappelant que quels soient les sujets, « c'est le président qui a le dernier mot » dans la Vè République.

« Comme vous le voyez je ne fais plus de politique », sourit Nicolas Sarkozy pendant son exposé. En faisant rire la salle.

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