France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Pour ou contre : faut-il élargir les produits éligibles aux titres-restaurant pour le pouvoir d'achat ? (Patrick Mercier face à Romain Vidal)

C'est l'un des incontournables du portefeuille des Français. Le titre-restaurant sert en théorie à régler le repas au travail quand il n'y a pas de cantine, notamment pour se rendre dans des commerces de bouche. Mais depuis longtemps, son usage s'est élargi et les salariés s'en servent pour acheter leur nourriture immédiatement dans les supermarchés, parfois en dehors des heures de repas au travail. Une pratique qui s'est encore étendue pendant la crise sanitaire avec le doublement du plafond à utiliser, à 38 euros, avant que celui-ci ne revienne à 19 euros en juillet dernier, au grand dam des salariés.

En revanche, depuis septembre, il est désormais possible d'acheter des produits alimentaires non consommables immédiatement (farine, pâtes, riz, œufs, poisson, viande...). La décision agace les restaurateurs. Ils s'inquiètent en effet de voir ce dispositif être dévoyé, aux dépens de leur activité. Les associations de consommateurs plaident elles pour donner plus de liberté aux Français dans la gestion de ce budget non-négligeable.

Alors, faut-il élargir les produits éligibles au titre-restaurant pour augmenter le pouvoir d'achat ?

« On peut tout à fait entendre la position des restaurateurs, qui aimeraient profiter davantage des titres-restaurant et craignent de voir cette manne aller ailleurs. Mais s'ils veulent s'assurer que les salariés utilisent les titres-restaurant dans leurs établissements, il leur revient de les rendre plus accessibles en termes de prix et de temps passé à table. D'une part, les titres-restaurant ne couvrent pas toujours l'addition dans un restaurant ; d'autre part, essayez de manger dehors avec une enveloppe de 6 euros par midi... sauf à aller dans un « fast-food ». Les employés n'ont pas toujours le temps d'aller au restaurant. Un repas prend souvent plus d'une heure, et il faut souvent ajouter de sa poche en plus du titre-restaurant pour régler la note.

Revenons sur la vocation du titre-restaurant. L'entreprise alloue une certaine somme à ses salariés lorsqu'ils n'ont pas accès à une cantine. Somme qui est financée entre 40 et 50% par le salarié. Il s'agit aussi de son argent ! D'où la possibilité d'en disposer à sa guise. Libre à lui d'économiser ses titres-restaurant en renonçant à manger dehors certains midis pour ensuite s'offrir un bon restaurant ponctuellement. Par exemple avec sa famille, comme c'était possible quand le plafond de dépenses était remonté à 38 euros. Libre à lui d'aller chez une enseigne de surgelés ou dans un supermarché la veille pour préparer son « tupperware »  du lendemain, qu'il peut déguster quand il le souhaite. Cela est d'ailleurs, en ces temps de crise, plus économique de cuisiner soit même que d'aller au restaurant.

De plus, tout le monde ne travaille pas à heure fixe de 9h à 18h. Comment se nourrir au bureau lorsqu'on fait des horaires décalés tôt le matin ou tard le soir et que les restaurants ont porte close ? La vie professionnelle s'est flexibilisée. Le titre-restaurant doit s'adapter à la nouvelle réalité des conditions de travail. Et aussi aux habitudes d'achat ainsi qu'à la situation économique actuelle. On ne peut ignorer que les Français s'approvisionnent principalement en nourriture dans des grandes surfaces. Il paraît logique que le titre-restaurants puisse y servir pour de nombreux produits. Néanmoins, s'il paraît légitime d'élargir les enseignes et les produits éligibles au titre-restaurant, cela doit rester une dépense alimentaire. Les produits éligibles doivent donc rester fléchés vers les produits alimentaires. »

« Depuis sa création, le titre-restaurant a pour objet de permettre aux salariés qui ne disposent pas d'une cantine d'entreprise, de prendre un véritable repas à l'occasion de leur pause quotidienne.

Si sa réglementation a évolué avec les pratiques des salariés, en autorisant par exemple l'achat de sandwiches, de repas déjà préparés ou même de simples fruits et légumes, elle a toujours respecté la finalité du titre-restaurant. Un élargissement des produits éligibles risque de dévoyer le titre-restaurant en s'avérant contraire à son objet, le transformant ainsi en un chèque alimentaire.

Or, le titre-restaurant est un magnifique outil RSE qui permet à la fois de préserver la pause déjeuner quotidienne du salarié et de participer à réduire le coût de son repas. Son utilisation détournée que cela soit par une consommation trop importante d'articles élargis dans un chariot serait une menace tant sur la santé des salariés que sur la pérennisation du titre-restaurant.

En effet, un élargissement risquerait de compromettre « naturellement » le régime social et fiscal de ce titre par la diminution des recettes perçues par le Gouvernement.  
Que cela soit au niveau de la différence de TVA appliquée, de la masse salariale ou de l'imposition, les recettes directes et indirectes perçues seraient certainement inférieures à celles actuelles, entrainant alors la question de la continuité de son exonération, donc de son existence.

De surcroit, force est de craindre qu'une telle mesure ne vienne dégrader sérieusement l'activité des commerces de bouches de proximité qui sont aux services des salariés pendant leur pause repas au bénéfice de géants de la distribution. Ce flux modifié aurait une conséquence néfaste à court terme sur l'emploi et l'activité économique des centres-villes et des quartiers d'affaires.

Cette vision est fortement partagée tant par les représentants de la Commission Nationale des Titres-Restaurants, que par ceux des organisations salariales et patronales ainsi que par des émetteurs. Le titre-restaurant peut continuer à évoluer, à se moderniser, tout en respectant son objet, à savoir la santé des salariés et la préservation de leur pause-déjeuner quotidienne. Une chose est certaine : le titre-restaurant n'est pas et ne doit pas devenir un chèque alimentaire. »