France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Pourquoi, à l’heure de l’urgence écologique, la fast fashion a-t-elle encore autant de succès ?

« Vous croyez que l’écologie fait partie des préoccupations primordiales des gens, à part des bobos du 16è arrondissement, moralisateurs du vilain peuple plouc et sans-dents, adepte du diesel et de la clope ? Bandes de caves ! » Bon, d’habitude on ne relaie pas les insultes, surtout quand elles sont dirigées contre nous. Mais là, on l’a un peu cherché. La forme est un peu rude, mais le fond, c’est le nerf de la guerre : l’argent. Ce qui a tant énervé Grégory, l’un de nos lecteurs, c’est cet appel à témoignages déclenché par l’annonce par Primark de l’ouverture de sept nouveaux magasins en France en 2023.

La fast fashion, on le sait, est un désastre pour la planète et l’industrie textile l’une des plus polluantes au monde. Pourquoi, alors, a-t-elle toujours autant de succès ? « La conscience écologique, c’est une préoccupation de riches, note d’emblée Pascale Hébel, économiste spécialisée dans le comportement des consommateurs et directrice associée du cabinet de conseil en marketing C-Ways. Or, avec la crise, environ la moitié des ménages français ont du mal à boucler leurs fins de mois. Pour les plus modestes, la fin du mois passe avant la fin du monde. »

Pas le choix

« Tout le monde ne peut pas acheter du made in France hors de prix », abonde Laurianne, qui comme Grégory, fait partie des plus de 200 personnes ayant répondu à notre appel. Sophie achète chez Primark ses pantalons, Arnaud des tee-shirts, des chaussettes et des sous-pulls, Tania les vêtements de ses enfants, « qui doivent renouveler souvent leur garde-robe, tellement ils grandissent vite ». Gwen, elle, « aime la mode » et peut donc se permettre de suivre les tendances à petit prix.

Il faut se garder de tout jugement moral sur la consommation, prévient Patrice Duchemin.

Le sociologue de la consommation et auteur du Pouvoir des imaginaires (éd. Arkhê) poursuit : « La consommation, c’est du plaisir. Et le plaisir, c’est selon ses moyens. Bien sûr qu’on veut tous sauver la planète, mais la plupart des gens n’ont pas la liberté de choisir. »

Les plus pauvres polluent moins

Et surtout, s’habiller dans les marques de fast fashion, quand à côté on est obligé de réduire sa consommation de viande rouge ou qu’on ne peut pas prendre l’avion, est-ce si grave ? « En France, les 10 % les plus riches émettent en moyenne près de cinq fois plus de gaz à effet de serre que les 50 % les moins favorisés », rappelle Pascale Hébel. Et puis beaucoup de consommateurs de la fast fashion s’y habillent plus pour le côté bon marché que pour le côté mode jetable. « Je trouve des vêtements de qualité que je garde des années », note Samia. « Je me pose toujours ces questions avant d’acheter : est-ce que j’en ai besoin ? Est-ce que j’en aurai encore envie demain ? Est-ce que j’ai la place dans l’armoire ? », ajoute Laëtitia.

Les plus jeunes consommateurs semblent prêts à donner l’exemple. Selon l’une de nos dernières études #MoiJeune, 53 % des 18-30 ans évitent les enseignes de fast fashion et 37 % sont prêts à le faire. « On arrive à la fin d’un cycle, espère Dominique Desjeux, anthropologue spécialiste de la consommation. Ce sont les contraintes qui façonnent les habitudes. La question de la réduction de la consommation est devenue centrale, surtout avec la crise de l’énergie. Il va désormais nous falloir vivre avec plus de sobriété, sinon c’est la fin de la société. »

* Etude #MoiJeune « 20 Minutes » – OpinionWay, réalisée en ligne du 6 au 9 septembre 2022 sur un échantillon de 456 personnes représentatif de la population française de 18 à 30 ans selon la méthode des quotas.