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Pourquoi c'est si facile de reconnaître un juron dans une langue étrangère

Temps de lecture: 2 min — Repéré sur The New York Times

Vous est-il déjà arrivé d'entendre un mot dans une langue étrangère et d'avoir pensé, pour une raison inexplicable, que celui-ci était grossier? Eh bien, vous n'avez pas forcément eu tort. Une étude publiée dans la revue Psychonomic Bulletin & Review a montré, pour la première fois, que les jurons de dialectes non apparentés avaient une caractéristique commune.

À l'origine, les chercheurs pensaient que cet attribut universel était l'utilisation de consonnes plosives –telles que t, p, k–, raconte le New York Times. Ils croyaient entre autres que ces lettres, de par leur dureté, étaient une règle sous-jacente réunissant les gros mots des langues étrangères. Mais une première expérience est venue contredire leur hypothèse.

Pour rechercher des modèles de jurons, les scientifiques ont fait appel à des personnes parlant couramment l'hébreu, l'hindi, le hongrois, le coréen et le russe. Ensuite, ces volontaires ont énuméré les mots les plus vulgaires des langues citées. Une fois la liste dressée, les chercheurs ont comparé les injures à des mots dits neutres du même dialecte.

À leur grande surprise, les jurons ne contenaient pas plus de consonnes plosives. Ce qui faisait leur point commun était au contraire ce qu'ils ne possédaient pas: les lettres L, R, W et Y. Leur absence n'est pas laissée au hasard puisque ces dernières créent généralement un son plus doux à l'oral –tout ce qu'un gros mot n'est pas.

Les auteurs de l'étude décrivent même ces lettres comme étant les équivalents verbaux des amortisseurs des charnières de porte. Même si un mot vous échappe sous le coup de la colère, le son du L, R, W ou Y atténuera l'effet perçu. En outre, les versions moins vulgaires des injures comportent fréquemment ces sonorités.

Symbolisme phonétique

Ryan McKay, psychologue au Royal Holloway de l'Université de Londres, ainsi que sa collègue Shiri Lev-Ari, se sont même demandés si ces sons pouvaient représenter le symbolisme phonétique –corrélation entre le son et le sens. On parle notamment de ce phénomène lorsqu'un mot ressemble à sa signification. Par exemple, les onomatopées qui décrivent le miaulement d'un chat ou le chant d'un coq sont similaires dans de nombreuses langues.

Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont mené une seconde expérience. Au cours de celle-ci, des locuteurs arabes, chinois, finnois, français, allemands et espagnols ont écouté des paires de mots dans une langue qu'ils ne parlaient pas, et devaient deviner lequel des deux était offensant.

Mais en réalité, tous étaient inventés. Le but était de confirmer l'hypothèse des scientifiques. Et c'est chose faite puisqu'entre «yog» et «tsog», les sujets ont choisi la deuxième option, qui ne contient effectivement pas les lettres L, R, W ou Y. Seule exception: le français. Notre langue semble en effet comporter des insultes possédant ces sons.

Les recherches continuent. Pour s'assurer que l'absence des lettres L, R, W, Y dans les grossièretés n'est pas une coïncidence, les chercheurs réitéreront leurs expériences sur un plus large échantillon de langues. Ce travail leur permettra peut-être d'élucider le mystère.