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Pourquoi le télétravail n’est pas l’arme « antigrève » dont certains rêvent

Considéré comme « l’arme antigrève absolue » par l’exécutif, le télétravail n’a pas eu l’effet espéré sur les mobilisations contre la réforme des retraites.

Source AFP
Les greves genent moins les salaries grace au teletravail.
Les grèves gênent moins les salariés grâce au télétravail. © Julien Mattia / Le Pictorium / MAXPPP / Le Pictorium/Maxppp

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C'est une petite phrase, glissée par un cadre de la majorité avant le début des mobilisations contre la réforme des retraites : le télétravail serait « l'arme antigrève absolue ». Une affirmation qui doit être relativisée, selon les syndicats comme le patronat. « On ne cautionne pas du tout cette idée d'arme antigrève », affirme à l'AFP Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME, la confédération des PME. Mais « que ça gêne moins les salariés, c'est une réalité, tant mieux d'ailleurs, on ne va pas s'en plaindre ».

Même constat côté syndical. À Paris, « la multiplication des alternatives de mobilité et le phénomène du télétravail diminuent énormément l'impact d'une grève », dit à l'Agence France-Presse Arole Lamasse, secrétaire général de l'Unsa-RATP.

À LIRE AUSSIBanderoles, fermetures et paiement des jours de grève : les mairies hors la loi ? Depuis l'hiver 2019-2020 et la grève d'une longueur historique menée par les agents de la RATP contre la précédente réforme des retraites, le Covid est passé par là, poussant les employeurs publics et privés à étendre largement le télétravail. En janvier 2021, 27 % des salariés le pratiquaient, contre 4 % en 2019, selon une étude de la Dares, la direction en charge des statistiques dépendant du ministère du Travail, publiée en février 2022.

Une vision « centrée sur l'Île-de-France »

Dans les gares, nombreux sont les salariés qui s'accommodent de plus ou moins bonne grâce de la grève en anticipant de rester chez eux. « Demain, je vais faire du télétravail. Je peux le faire, donc pour moi ça va. Mais c'est quand même pas le cas pour tout le monde. Ce qui est pénible, ce sont les trains supprimés la veille », expliquait le 30 janvier à Paris François Coen, consultant en communication de 41 ans.À LIRE AUSSI Grève du 31 janvier : la méthode Nuñez à l'épreuve

Vice-président délégué de l'ANDRH (Association nationale des DRH), Benoît Serre met cependant en garde contre une vision « très centrée sur l'Île-de-France », où 40 % des postes sont « télétravaillables ». « Si la grève commence à se multiplier toutes les semaines ou plusieurs jours d'affilée, l'arme va s'émousser », note-t-il, car cela « désorganise les entreprises et empêche certaines activités, les séminaires par exemple ».

Les entreprises s'adaptent

Pour Jean-Eudes du Mesnil, de la CPME, à mesure que la grève dure, « l'impact est grandissant ». Pour l'heure, les syndicats des transports n'ont pas eu recours à la grève reconductible. Directrice générale du Medef Île-de-France, Marie-Sophie Ngo Ky remarque que si beaucoup de postes sont « télétravaillables » en région parisienne, les salariés y sont « extrêmement dépendants » des transports en commun : « plus de 75 % des personnes qui travaillent les prennent », dit-elle.

« Toutes nos entreprises adhérentes sont perturbées par les journées de grève, même si pour près d'un quart d'entre elles, les bouleversements sont minimes », selon une enquête menée par le Medef Île-de-France. Pour pallier les effets de la grève, 25 % des entreprises se disent prêtes à prendre en charge les frais de taxis/VTC de leurs salariés, 15 % les nuits d'hôtel, selon cette enquête. Mais cela a « un coût ».

L'effet du télétravail ne se limite pas à amoindrir la capacité de « blocage » des syndicats. Il est aussi plus « difficile de joindre des salariés » qui travaillent de chez eux et donc de les mobiliser lors d'une action, constate Fabrice Angei, secrétaire confédéral CGT. Cela « a également une influence sur la participation aux grèves : plus il est possible et répandu dans l'entreprise, plus les salariés vont faire le choix d'y recourir plutôt que de faire grève », analyse auprès du Point le docteur en sciences politiques Tristan Haute.

À LIRE AUSSILe télétravail, meilleur ennemi de la grève ? Face à cette nouvelle donne, les syndicats doivent innover. « On va adapter notre manière de nous mobiliser : occupations de locaux, réunions bloquées, droit de retrait… », énumère Arole Lamasse. « La résistance passe par la pétition, aller devant les préfectures […], le mouvement social change de forme », appuie Dominique Corona (Unsa). Et « moins de blocages, cela peut entraîner plus de sympathie pour le mouvement », note-t-il.