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Pourquoi les hommes sont plus victimes d'accidents de la route

En 2022, quatre personnes sur cinq mortes sur la route étaient des hommes. Ils sont aussi les premiers responsables de ces accidents mortels.

Par Thibaut Déléaz
78 % des morts sur les routes en 2022 etaient des hommes, selon la Securite routiere. (Photo d'illustration)
78 % des morts sur les routes en 2022 étaient des hommes, selon la Sécurité routière. (Photo d'illustration) © SEBASTIEN LAPEYRERE / Hans Lucas via AFP

Temps de lecture : 3 min

Homme au volant, mort au tournant ? Près de quatre personnes sur cinq tuées sur les routes françaises en 2022 étaient des hommes, selon le bilan annuel de la Sécurité routière. Les hommes représentent également 75 % des blessés graves. Ils sont présumés responsables de 84 % des accidents mortels de 2021. Cette même année, 93 % des conducteurs alcoolisés impliqués dans un accident étaient des hommes. 

On peut fouiller dans toutes les statistiques de la Sécurité routière, le constat est toujours identique. « Cette surreprésentation des hommes parmi les victimes se retrouve dans tous les modes de déplacement », relève Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la Sécurité routière. Mercredi 8 février, elle lance une campagne de communication télévisée pour alerter sur le sujet. Mais comment expliquer un tel déséquilibre entre hommes et femmes ?

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La voiture, objet narcissique

« La femme n'a jamais placé son narcissisme dans la voiture, c'est juste un outil de déplacement pour elle », avance Jean-Marc Bailet, docteur en psychologie du conducteur et auteur de Les hommes pilotent… les femmes conduisent !, pour qui l'explication tient en partie du rapport des hommes avec leur auto. La sociologue Cyrille Dupré-Gazave, qui a mené une étude sur la masculinité au volant pour la Sécurité routière, acquiesce : « La masculinité découvre la voiture dès son plus jeune âge, comme jouet, et elle acquiert donc très tôt le statut d'objet identitaire. »

La route est vue comme le terrain de jeu de l'homme, qui « conduit » des voitures depuis l'enfance. Le problème, c'est qu'il pense si bien connaître son véhicule et être doté d'une aptitude naturelle à la conduite qu'il a tendance à faire preuve d'excès de confiance au volant. « Il pense qu'il maîtrise son automobile, et donc que même en cas d'incident de dernière minute, il saura forcément réagir et éviter l'accident, explique Jean-Marc Bailet. Ça le pousse donc à prendre des risques. »

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Ce comportement découle directement de la construction sociale genrée des hommes et des femmes, estiment les deux chercheurs. Valorisation de la prise de risque, besoin de se mesurer aux autres, refus de se laisser marcher sur les pieds, comportement éruptif quand on se sent attaqué… « Les stéréotypes de la masculinité ressortent au volant et ne favorisent pas la prudence », estime Cyrille Dupré-Gazave.

Dégonfler les ego

Au-delà de cette campagne de sensibilisation de la Sécurité routière, que faire pour dégonfler les ego masculins une fois installés derrière un volant ? La tâche n'est pas aisée, reconnaît la sociologue, car, pour l'homme, reconnaître qu'il y a un problème – et donc, qu'il ne serait pas parfait pilote ou, pire, n'aurait pas toujours la maîtrise totale de son véhicule – revient à attaquer une part de sa masculinité. « Dans l'étude, quand on présente les chiffres de la mortalité, si personne ne les conteste, ils tendent à l'expliquer par le fait que la masculinité conduit dans des conditions plus compliquées. »

Et cet homme sexagénaire d'illustrer son propos, évoquant les « femmes qui vont conduire quand il fait beau le dimanche ». L'homme serait plus victime de la route, car il conduit plus loin, plus longtemps, quand il y a plus de circulation… C'est oublier que la majorité des accidents de la route ont lieu à moins de 15 kilomètres du domicile. Pas besoin d'un trajet long pour se tuer.

Auparavant commandant de gendarmerie, Jean-Marc Bailet constatait au quotidien cette difficulté pour les hommes à se remettre en question. « Quand on faisait les contrôles, les hommes avaient toujours une bonne excuse, de l'enfant à l'hôpital ou de l'avion à prendre… » Mais rarement reconnaissaient-ils avoir fait une erreur. Et Florence Guillaume d'interroger ces stéréotypes de la masculinité : « Est-ce que le vrai courage, ce n'est pas justement de savoir résister à la pression sociale quand la sécurité de tous, et de soi-même, est en jeu ? Ce chiffre n'est pas fatal, c'est à vous d'être responsables et de ne pas tomber dans ces travers. »